Industrialisation : les partenariats public-privé peuvent-ils développer la Côte d’Ivoire ?
Par Nadège Kondo
A l’instar des grandes puissances mondiales, le développement des pays africains passe nécessairement par l’industrialisation. Cependant, si la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, à l’exception de l’Afrique du Sud et du Nigéria, sont encore à la traîne en matière d’industrie, certains pays essaient de sortir la tête de l’eau. Ainsi, bon nombre d’entre eux misent sur les partenariats publics-privés (PPP) pour essayer de remonter la pente. Mais cette politique de développement encouragée par les institutions de Breton Woods est-elle toujours couronnée de succès en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier ? Les PPP sont-elles la panacée pour résoudre le problème crucial de l’industrialisation de la Côte d’Ivoire ?
Il faut, avant tout, savoir que le partenariat public-privé (PPP) est un mode de financement par lequel une autorité publique (l’Etat en général) fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. L’exemple le plus visible de PPP ces dernières années en Côte d’Ivoire est le pont Henri Konan Bédié (HKB), appelé encore le 3ème pont d’Abidjan construit et géré par le groupe français Bouygues. On peut également citer le centre d’enfouissement technique du district d’Abidjan situé à Kossihouen qui relève d’un PPP.
Ce vaste programme du gouvernement ivoirien est piloté par le Cadre national de pilotage des partenariats publics privés (CNP-PPP). Vu le déficit en infrastructures de base en Afrique en général et en Côte d’Ivoire plus particulièrement et compte tenu de la fragilité de notre économie ainsi que la faible industrialisation, le recours au PPP semble être la solution pour financer le développement. Car, en Afrique Subsaharienne, seulement 34% des personnes ont accès à des facilités sanitaires modernes, 65% ont accès à l’eau potable, environ 26% ont accès à l’électricité – comparé à 68% pour le reste des pays en développement- le réseau routier est de l’ordre de 204 km de route par millier de kilomètre carré de territoire, dont seulement 25% sont bitumés (comparé à 944 km de route pour mille kilomètre carré de territoire pour le monde entier).
Toutefois, il existe de nombreux obstacles à surmonter pour que les PPP puissent véritablement accompagner et impulser, comme il se doit, le développement de la Côte D’Ivoire. Et cela est valable pour de nombreux pays en développement.
De nombreux défis à surmonter
Bien sûr, le développement avec l’appui des PPP reste assujetti à de nombreux défis. Il s’agit autre autres d’assurer des services de logistique performants, former la main-d’œuvre aux nouveaux métiers de la productivité des industries et des usines, développer les liens avec les PME locales et développer les zones industrielles.
Le cas de l’Ethiopie est porteur d’enseignements utiles pour l’ensemble des pays africains qui cherchent à diversifier leurs économies, booster leur croissance et leurs exportations, et créer des emplois. En effet, l’Ethiopie a inauguré, respectivement, en juin et juillet 2016, le parc industriel de Kombolcha, dans l’Etat fédéré d’Amhara, à 376 km au nord de la capitale, Addis-Abeba, et celui d’Hawassa au centre du pays. A travers ces deux projets réalisés, le gouvernement éthiopien joignait ainsi l’acte à la parole. Celle de devenir un géant d’Afrique en matière d’industrie en faisant appel au privé.
D’un coût de 90 millions de dollars (45 milliards Fcfa), le parc industriel de Kombolcha, construit par la Chine entre dans le cadre de la stratégie du gouvernement de faire de l’Ethiopie un hub industriel de l’Afrique de l’Est. En effet, en 2010, le gouvernement Éthiopien s’est fixé comme objectif de devenir le leader en industrie légère en Afrique d’ici 2025, envisageant la croissance du secteur manufacturier de 4% du PNB à 20 %, la contribution du secteur à 40% des exportations, et la création de 2 millions d’emplois. L’industrie textile a une place de choix au sein de la stratégie du fait d’accords tarifaires préférentiels et d’autres atouts. C’est pourquoi, le parc industriel d’Hawassa est entièrement consacré à l’industrie textile avec l’installation de géants mondiaux de ce secteur.
L’Afrique de l’Ouest bouge, la Côte d’Ivoire aussi !
Le Sénégal est un bon exemple. Le « Plan Sénégal Émergeant » de 2014 fournit la vision qui repose sur une transformation structurelle de l’économie visant à consolider les moteurs actuels de la croissance et à développer de nouveaux secteurs à forte capacité d’exportation et d’attraction d’investissements privés. L’Etat met aussi en œuvre des mesures d’amélioration de l’environnement des affaires et d’attraction des investisseurs étrangers, un renforcement de la formation professionnelle, et des appuis sectoriels significatifs dans l’agro-industrie et le tourisme.
Tout comme l’Ethiopie, le Sénégal aménage de nouveaux parcs industriels. L’exemple le plus éloquent est celui de Diamniadio où des entreprises chinoises, une tunisienne et une sénégalaise sont les premières à opérer depuis 2018 dans les secteurs du textile, de l’habillement et de l’emballage. Ce parc qui devrait être véritablement fonctionnel cette année 2020, permettra de créer 15 000 emplois et d’augmenter les exportations pour un montant de 120 millions d’Euros (78 milliards Fcfa).
Ce parc construit à 30 km de la capitale, Dakar, n’aurait pas vu le jour sans la construction d’une autoroute à péage, qui, depuis août 2013, permet en vingt-cinq minutes de venir de Dakar, contre 90 minutes auparavant. C’est la première autoroute de ce type en Afrique de l’Ouest, et la première infrastructure routière réalisée dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé au sud du Sahara.
De plus en plus de pays et de gouvernements africains dont la Côte d’Ivoire, ont, en effet, compris que la création de richesse se fait au travers du secteur privé et que l’Etat fournit le cadre légal et les grandes infrastructures.
L’Afrique de l’Ouest bouge. La Côte d’Ivoire a réhabilité ses zones industrielles et crée d’autres depuis la fin de la crise post-électorale. Le Burkina développe une zone industrielle à Bagré dans l’agriculture et l’agro-industrie et de nombreux autres pays montent en gamme.
En définitive, les opportunités existent et l’Afrique doit abandonner les idées anciennes afin de prendre le train de la compétitivité commerciale en marche dans ce village planétaire. Les PPP offrent des opportunités d’investissement pour développer l’industrie afin de conduire la Côte d’Ivoire vers l’émergence tant souhaitée.