Politique/Vivement que la Côte d’Ivoire retrouve sa vitalité originelle
Par Kédjébo Kpandji/afriquematin.net
Dans quelques mois, la Côte d’Ivoire signe un nouveau pacte politique avec le scrutin présidentiel prévu pour se tenir au mois d’octobre 2025. Mais que de réticence et de doute !
Longtemps perçue comme un havre de paix et de stabilité économique en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire a connu depuis les années 1990, une série de crises politiques, identitaires et sociales. Ces tensions ont profondément fissuré le tissu national, divisant le pays sur les plans ethnique, politique, religieux et régional. Et pour le comprendre, il faut remonter à plusieurs décennies de l’histoire.
D’abord, le découpage territorial et administratif par la colonisation française n’a pas tenu compte des réalités ethniques, culturelles et linguistiques du pays. A l’indépendance en 1960, selon certaines informations, le président Félix Houphouët-Boigny, a tenté d’unifier les populations autour d’un projet national, mais cela s’est fait sans réelle intégration politique des différentes identitaires.
Le régime du président Félix Houphouët-Boigny a bâti une paix apparente fondée sur l’autoritarisme éclairé, la croissance économique et une diplomatie de consensus. Mais, cette stabilité a souvent masqué des frustrations ( !) régionales.
Ensuite, le concept de cette soi-disant « ivoirité », qui a été introduit dans les années 1993, que certains l’ont jugé exclusioniste, qui visait, selon eux à redéfinir la nationalité ivoirienne dans un contexte de compétition politique croissante. Malheureusement cette notion a été instrumentalisée à des fins politiques, qui a donc abouti à la disqualification de certains candidats à la présidentielle et la fracture entre le Nord et le sud, perçue comme une opposition entre musulmans et chrétiens, donnant un sentiment d’exclusion et d’injustice chez de larges franges de la population.
Et surviendra le coups d’Etats de 1999 et les crises armées successives de 2000 et de 2002, dont le premier cas a mis fin à la stabilité politique instaurée depuis l’indépendance. La rébellion de 2002 qui était qualifiée de coup d’Etat manqué s’est transformée en rébellion armée qui a coupé le pays en deux.
Le nord, sous contrôle des Forces nouvelles, le sud sous le contrôle du gouvernement Laurent Gbagbo, suivi de la crise post-électorale de 2010-2011, qui après l’élection présidentielle de 2010 a provoqué une violente guerre civile, faisant plus de trois-mille (3000) morts. Ce cataclysme a ravivé les blessures et a accentué la méfiance entre communautés.
Le système politique reste toujours polarisé, et depuis 2011, bien que le pays ait connu une reprise économique importante, les tensions politiques persistent, entre Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara. Les processus électoraux sont régulièrement contestés, le manque de réconciliation véritable et surtout l’absence d’un dialogue national inclusif.
Aussi, bien que la coexistence religieuse reste relativement pacifique, l’exploitation politique des appartenances religieuses et ethniques contribue à accentuer les divisions, parce que l’opposition du Nord, composée de musulmans et celle du Sud, donc chrétienne, est souvent simplifiée et instrumentalisée à des fins électoralistes.
Sans oublier la jeunesse qui se sent frustrée des inégalités sociales, avec une population urbaine et souvent au chômage, la Côte d’Ivoire connait une fracture générationnelle et cette vitalité est parfois instrumentalisée par les partis politiques, en quête d’un projet national inclusif et porteur d’avenir. Cette Côte d’Ivoire est fissurée, non seulement à cause de son passé de conflits armés et d’exclusion politique, mais plutôt par l’absence d’un véritable projet national unificateur.
La réconciliation demeure inachevée, les institutions identitaires, bien que moins visibles, sont toujours présentes. Et pour sortir de ces divisions, il faudra renforcer le système, mener une justice équitable pour tous, promouvoir l’éducation citoyenne et l’inclusion sociale tout en encourageant un leadership politique renouvelé et visionnaire, gages d’une stabilité durable, ainsi la Côte d’Ivoire aura cette chance de retrouver sa santé originelle.