Mali/Qu’est-ce qui fait courir la France ?

Nazaire Kadia (analyste politique)

L’épineux dossier malien, est loin de connaître son épilogue ; et c’est à une véritable course d’obstacles et à une course contre la montre que s’est engagée la France, pour faire plier l’échine au gouvernement malien.

Après les menaces verbales et les chantages de tous ordres, place est désormais faite aux sanctions. La Cedeao a ouvert le bal en soumettant le Mali à un embargo total, à l’exception des médicaments.

Comme si cela ne suffisait pas, la pression s’est  poursuivie à l’Onu, où la France, toujours à l’initiative des résolutions au Conseil de Sécurité, pour ce qui concerne les états africains francophones, avec ses alliés,  la Grande Bretagne et les Etats-Unis, ont tenté de faire adopter une déclaration commune condamnant le gouvernement malien.

Sans baisser les bras, le président français,  qui dit soutenir les « sanctions inédites »  prises par la Cedeao à l’encontre du Mali, s’active actuellement à entrainer l’Union Européenne à renforcer les sanctions contre le Mali, en appui de celles de la Cedeao.

Cet activisme et cette débauche d’énergie dont fait preuve la France sur le dossier malien, rappellent à n’en a pas douter le scénario ivoirien, quand il s’était agi de « sortir » Laurent Gbagbo, et son remplacement par quelqu’un d’ « accommodant » et d’« acceptable ».

Des questions taraudent alors l’esprit :

– Qu’est-ce qui fait courir tant la France et sa ferme volonté de mettre rapidement fin à la transition militaire ?

– Pourquoi fait-elle comme l’étranger qui pleure plus fort que la famille du défunt ?

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– Pourquoi le Tchad qui vit également une transition militaire, ne bénéficie-t-il pas de la même attention et des mêmes injonctions ?

– Quelle est cette propension d’affirmer haut et fort vouloir se retirer du Mali, et crier « haro sur le baudet » dès lors que d’autres partenaires pointent du nez pour aider le Mali ?

– A-t-on écouté le peuple malien ou a-t-on demandé son avis pour vouloir faire son bonheur à sa place ?

– Pourquoi ne prend-on pas suffisamment de temps pour écouter le Colonel Goita et son gouvernement, et savoir exactement leurs intentions et jusqu’où ils sont prêts à aller ?

– Sur quoi se fonde-t-on pour exiger des élections au gouvernement actuel du Mali, alors qu’une partie de son territoire est hors de son contrôle et aux mains de rebelles armés ?

Il est certes vrai, qu’aucun démocrate ne peut s’accommoder  du pouvoir des militaires,  mais aucun démocrate ne peut non plus se satisfaire du jeu trouble auquel s’adonne la France.

Si tant est qu’elle est de bonne foi, et veut aider le gouvernement malien, il lui est possible de permettre à ce dernier de recouvrer l’entièreté de son territoire ;  cela rendrait possible l’organisation d’élections crédibles et la transmission du pouvoir aux civils. Si elle ne veut pas ou ne peut pas le faire, alors qu’elle laisse le gouvernement malien explorer d’autres voies avec d’autres partenaires. Mais vouloir reproduire le schéma qui a prévalu en Côte d’Ivoire ne saurait prospérer.

La posture trouble de la France, aidée en cela par la Cedeao, laisse penser comme l’affirment certains observateurs, que celle-ci a un agenda caché : celui de mettre un homme malléable et corvéable à souhait à la tête du Mali, mais faire également aboutir un vieux projet auquel elle n’a jamais renoncé. Il s’agit de la création d’un état indépendant : l’AZAWAD, dont la  promesse  aurait été faite aux rebelles Touaregs. Ce qui signifierait la partition du Mali à l’instar de ce qui est advenu au Soudan. Cela est absolument inacceptable !

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La sanctuarisation de la région de Kidal aux mains des rebelles Touaregs, interdite d’accès aux autorités maliennes, et protégée par les français depuis des années, permet de donner une certaine crédibilité à cette thèse et surtout donne du grain à moudre aux « complotistes ». Certes la France n’avance pas à visage découvert, ce qu’elle ne fait jamais, mais il est aisé de décrypter ses intentions. Et le précédent de la Côte d’Ivoire est là pour instruire.

C’est le lieu d’en appeler aux maliens ; ils se doivent, à quelque niveau où ils se trouvent, d’être solidaires de leur gouvernement. Ce qui se joue aujourd’hui, déterminera leur avenir et leur devenir. Les partis politiques doivent se rendre à l’évidence que l’enjeu va au-delà des colonels qui sont à la tête du Mali, mais également au-delà de leurs propres ambitions de prendre le pouvoir et de l’exercer. S’ils se laissent entraîner par les chants de sirène qui ne manqueront pas, et se font instrumentaliser, alors ils auront trahi le peuple malien et par-delà, le peuple africain et l’histoire retiendra…

S’il y a eu un soir au Mali, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.