Politique Afrique/ Mali : à quoi sert la Cedeao et pour qui joue-t-elle ?

Nazaire Kadia, Analyste Politique

Créée le 28mai 1975, la Communauté Economique des Etats de l ‘Afrique de l’Ouest (CEDEAO), regroupe quinze (15) états : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone et Togo. L’objectif de cet ensemble d’états de l’Afrique de l’Ouest, est de favoriser l’intégration économique et promouvoir ainsi, la création d’un marché intra régional, s’accompagnant d’une liberté de circulation des hommes et des marchandises.

Face à la récurrence des conflits régionaux, la Cedeao, s’est dotée d’une force militaire d’interposition : L’Ecomog. Celle-ci a eu à intervenir, au Libéria, en Guinée-Bissau, en Sierra Léone, etc.

Si sur le principe, on peut apprécier la noblesse de la mission assignée à cette organisation, dans la pratique, il y a beaucoup à redire quant à ses interventions et surtout à son alignement systématique sur les positions de la France. Les exemples sont légion.

Pendant la crise ivoirienne de 2002 jusqu’à son épilogue en 2011, la Cedeao a eu une position trouble. A la demande de dialogue et de recomptage des voix à l’issue du deuxième tour de l’élection présidentielle pour départager les deux candidats en lice, et éviter ainsi un conflit armé, répondaient un refus d’un des candidats arc-boutés sur les soldats rebelles, un refus également de la France et de l’Onu. Le Secrétaire Général de l’Onu a même déclaré qu’un recomptage des voix serait une injustice pour l’un des candidats.

La Cedeao, cornaquée par la France se bandait les muscles à travers l’Ecomog, et sous l’instigation du Nigéria, menaçait à tout instant d’utiliser la force, pour faire partir M. Laurent Gbagbo du pouvoir. Dans le même temps, Boko Haram soumettait les populations du nord du Nigéria à un carnage, sans pour autant attirer l’attention et l’intervention de l’Ecomog.

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L’organisation sous régionale, fait également une lecture à géométrie variable des coups d’état, selon les positions de la France. Autant elle condamne les coups d’états militaires, autant elle devient aphone quand il s’agit des coups d’états constitutionnels qui aboutissent aux troisièmes mandats comme en Côte d’Ivoire et en Guinée.

Au Mali, après le deuxième coup d’état du Colonel Goita, que bien entendu la Cedeao a condamné à l’instar de la France qui pendant ce temps, adoube celui du Tchad,  l’heure est désormais aux pressions de tous genres. Pour en finir avec ces dirigeants maliens, difficilement contrôlables, ils sont sommés d’organiser au plus vite des élections et mettre fin à la transition. La France est à la manœuvre, instrumentalisant les organisations internationales et régionales pour arriver à ses fins.

Dans ce poker menteur, la France a le soutien sans faille de l’Union européenne.

Là où le Mali pouvait espérer avoir le soutien et la compréhension de ses voisins de la sous-région, à l’effet de recouvrer l’entièreté de son territoire et pouvoir tenir son destin en main, en combattant efficacement les terroristes avec l’aide de nouveaux partenaires,  il est plutôt soumis à des sanctions par ces voisins à travers la Cedeao.

Le premier ministre et vingt-sept (27) membres du gouvernement, ainsi que cent vingt et un (121) membres du Conseil National de Transition, font l’objet de sanctions ciblées de la Cedeao : interdiction de voyager au sein de la Cedeao, gel des avoirs, etc.

On le voit, dans cette confrontation entre la France et le Mali, la France a le soutien de l’union Européenne, et le Mali les sanctions de la Cedeao !

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Il ne serait pas faux de parodier Senghor en disant que : « la solidarité est hellène et la sanction nègre ».

A juste titre, on peut se demander : à quoi sert la cedeao ? Pour qui joue la Cedeao ?

On comprend que le Mali a l’impérieux devoir de mettre un terme au plus vite à la transition, par des élections transparentes, et remettre la gestion du pays à des civils.

Mais est-il décent d’organiser des élections, alors qu’une partie du territoire, notamment la région de Kidal, est occupée par des hommes en armes qui ne sont pas du tout inquiétés ? Huit ans que cela dure. Que dit la Cedeao à ce sujet ?

C’est cette erreur que fit Laurent Gbagbo et qui s’est terminée par une guerre, où la France, main dans la main avec les rebelles ont eu raison de lui pour installer un pouvoir qui leur sied.

N’est-ce pas le même modus operandi qu’on veut reproduire au Mali ?

Quand la France aura fini avec le Mali et installé un homme malléable et corvéable à souhait, ce sera le tour de la Guinée, étant entendu qu’au Tchad, il n’y a pas le feu en la demeure, la situation étant sous contrôle total.

Il serait bon de rappeler à la Cedeao, que la France a des intérêts économiques, géopolitiques et géostratégiques dans le sahel qu’elle défend bec et ongle, et qui ne coïncident pas toujours avec ceux des populations qui y vivent. Elle doit œuvrer pour sauvegarder les intérêts de ses propres populations et non se faire complice de leur exploitation. Sinon à quoi sert-elle ?

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Mais s’il y a eu un soir en Afrique, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.