UA/ Abdel Fatta el-Sissi promet le panafricanisme économique
Le 32ème sommet de l’Union africaine (l’UA) qui s’est tenu à Addis-Abeba s’est terminé tard dans la soirée du 11 février 2019 avec le passage de relais par le Rwandais Paul Kagame à son successeur l’Egyptien Abdel Fatta el-Sissi, qui devient pour un an le nouveau président de l’organisation continentale. L’austérité du président rwandais dont la méthode mêlant l’imagination et l’impatience a profondément marqué les esprits à l’Ua, laisse la place à une certaine rondeur. Même si cette rondeur n’est pas dépourvue d’autoritarisme, comme en témoigne la décision du raïs de boucler la conférence de presse de clôture par la lecture d’un discours préparé sans se plier à la tradition de questions-réponses. Cette séance de clôture pendant laquelle on est passé de la jovialité conviviale des participants à une conférence de presse solennelle, voire impériale, était à l’image des sentiments mixtes qu’a suscités cette rencontre au sommet, tiraillée entre l’admiration des uns et les inquiétudes des autres.
Depuis, semble-t-il, l’Egypte comme les autres grands pays souverainistes de l’UA comme l’Afrique du Sud ou l’Algérie, ne veulent plus entendre parler de la proposition des réformateurs visant à donner plus de pouvoir à la Commission, bras exécutif de l’UA. Tout cela promet des tensions à la tête de l’UA, opposant le nouveau président tournant de l’assemblée des chefs d’Etat des pays membres, en l’occurrence le président al-Sissi et le président de la Commission, Moussa Faki Mahamat, dont le mandat électif de quatre ans se termine en 2021.
Ce dernier doit déjà regretter le départ de Paul Kagame auquel il a rendu un très vibrant hommage à l’ouverture du Sommet. « La complicité entre les deux hommes a permis de faire avancer rapidement l’agenda de réformes de la présidence Kagame », se souvient un observateur de la vie politique panafricaine.
Retour au bercail
La joie était manifestement du côté des Egyptiens. « Cette présidence qui débute est en quelque sorte un retour au bercail pour nous », confie une journaliste égyptienne, parfaitement francophone, dépêchée à Addis par son agence pour couvrir le sommet. La presse égyptienne, des stars de la télé aux bloggeurs en passant par les médias plus classiques, étaient venus nombreux pour couvrir l’événement. C’est un signe qui ne trompe pas, signe de l’importance qu’attache le pouvoir égyptien à son retour en force dans le bercail panafricain.
Historiquement, le panarabisme, dont se revendique l’Egypte, a partie liée avec le panafricanisme à l’origine de l’UA. Le père de l’Egypte moderne, Gamal Abdel Nasser n’avait-il pas soutenu à bouts de bras les mouvements anticolonialistes dans les années 1950, avant d’accueillir en 1964, au Caire, le premier sommet de l’Organisation de l’unité africaine, l’ancêtre de l’UA ? Depuis, au moins à trois reprises, en 1964, en 1989 et 1993, l’Egypte a présidé aux destinées de l’organisation panafricaine, avant de s’en désintéresser après l’épisode traumatique de l’attentat contre le président Moubarak en 1995. Celui-ci était en route pour Addis afin de participer au sommet des chefs d’Etat africains.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2013, le maréchal al-Sissi devenu président de l’Egypte fort de sa victoire avec 96,9% des voix à la présidentielle de 2014, a progressivement renoué avec l’Afrique. Selon la presse égyptienne, 25 sur 86 des visites effectuées à l’étranger depuis son irruption sur la scène politique il y a six ans concernent des pays africains. L’homme aime rappeler que « l’Egypte est pharaonique par ses origines civilisationnelles, arabe par sa langue et sa culture et africaine par ses racines et sa culture ».
Enjeux géopolitiques
C’est sans doute cette conviction qui fait que Sissi tente de marcher dans les pas de Nasser, ambitionnant de faire de l’Egypte la porte du monde vers l’Afrique et la porte de l’Afrique vers le monde. Ce rapprochement est fondé sur des enjeux géopolitiques majeurs pour Le Caire qui a d’emblée axé sa présidence sur la sécurité, le maintien de la paix et la reconstruction post-conflit.
La pacification de la Libye voisine est l’un des objectifs majeurs de la politique étrangère égyptienne, mais selon ses propres termes, car elle se méfie de l’interventionnisme occidental au Moyen-Orient, aux effets souvent désastreux pour les pays visés et pour l’ensemble de la région. Faisant sien l’objectif de l’UA de « faire taire les armes » d’ici 2020, le président Sissi a annoncé dans son discours d’investiture l’organisation d’un « forum pour la paix et le développement » à Assouan courant 2019. Parions que l’évolution de la Libye y occupera une place majeure.
Le Caire s’inquiète aussi de la dérive somalienne, de la fin de règne à Khartoum où il veut être un acteur incontournable dans la nouvelle équation qui est en train de se mettre en place. Enfin, la construction en cours du gigantesque barrage éthiopien sur le Nil par l’Ethiopie est aussi une source d’inquiétude pour les décideurs politiques égyptiens qui craignent de voir leur part des eaux se diminuer avec des effets néfastes sur la sécurité alimentaire.
Axe économique et commercial
Le commerce promet d’être l’autre axe prioritaire de cette présidence. La presse égyptienne est revenue ces derniers jours, de long en large, sur la mobilisation de différents ministères et agences gouvernementales pour mettre en œuvre des actions de promotion de commerce et d’investissement interafricains. A l’initiative du gouvernement, l’Egypte a même accueilli entre novembre et décembre 2018 pas moins de trois événements, un forum d’investisseurs ainsi qu’une foire interafricaine et une réunion de ministres interafricains du commerce, afin de sensibiliser les acteurs économiques du continent aux opportunités et aux potentialités des uns et des autres dans leurs domaines de spécialisation respectifs.
Le raïs égyptien qui est le nouveau président de l’Union africaine a pris des engagements forts pour renforcer la coopération entre l’Afrique subsaharienne et son pays. L’Egypte est une puissance régionale, qui fut autrefois un soutien sans faille des mouvements indépendantistes africains à travers le continent. Le président Sissi est aussi attendu sur la consolidation des acquis de la présidence de son prédécesseur, Paul Kagame
Source : rfi.fr