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Présidentielles 2025/Après sa radiation de la liste électorale, Tidjane Thiam ne compte pas baisser les bras

Candidat empêché à la présidentielle ivoirienne et à la tête du principal parti d’opposition à Alassane Ouattara, l’ancien dirigeant de Credit Suisse, Tidjane Thiam a été radié des listes électorales le mardi 22 avril dernier, alors qu’il comptait se présenter à l’élection présidentielle prévue en octobre. Etonné ? Il assure que non. Abattu ? Encore moins, jure-t-il. Il s’est prêté aux questions-réponses du journal « Le Monde Afrique ».

 Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous étiez radié de la liste électorale et que vous ne pourrez donc être candidat à l’élection présidentielle d’octobre en Côte d’Ivoire ?

Je n’ai pas été très surpris. Depuis le début, beaucoup de choses rendaient ce procès étrange. D’abord, parce que ce sont des gens du Rhdp-qui ont déclenché cette procédure judiciaire, ce qui me fait penser que le parti au pouvoir est impliqué dans cette affaire. En plus, cette voie-là conduisait à une décision sans recours possible, ce qui en faisait l’option la plus efficace pour bloquer ma future candidature à la présidentielle.

 Enfin, la juge chargée de rendre la décision était connue, car c’est celle qui avait décidé en décembre 2023 d’interdire le congrès de mon parti politique. Je ne lui faisais donc pas beaucoup confiance.

Cette juge a considéré que vous aviez perdu votre nationalité ivoirienne lorsque vous vous êtes inscrit sur les listes électorales. Elle s’appuie sur un article du code de la nationalité de 1961 qui dispose que l’on perd sa nationalité ivoirienne si on en acquiert une autre par la suite – vous concernant, la nationalité française. Alors, êtes-vous ou non ivoirien ?

Tidjane Thiam se dit prêt à affronter cette injustice dont il est victime.

 Je suis ivoirien et on dit que nul n’est censé ignorer la loi, mais 99,9 % des Ivoiriens, dont moi, ignoraient jusqu’ici l’existence de cet article car, en soixante ans, il n’a jamais été appliqué. On a pu retrouver un seul cas, en 2011, et c’est tout.

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Si cet article de loi était connu et appliqué, une grande partie des hauts magistrats ivoiriens se retrouveraient dans la même situation que moi et toutes les décisions prises par ces juges seraient illégales et devraient être annulées. Il faudrait aussi rendre la Coupe d’Afrique des Nations gagnée en 2024 parce que la moitié de l’équipe nationale est dans la même situation que moi ! Tout cela n’a aucun sens.

Comment comprenez-vous alors cette décision ?

Selon un sondage fait récemment et que nous avons en notre possession, les Ivoiriens interrogés me placent largement en tête devant le président Alassane Ouattara en cas de face-à-face au deuxième tour à la présidentielle. Je suis de loin la personnalité politique la plus populaire de Côte d’Ivoire. J’ai été élu à 86 % président de mon parti, le PDCI, les militants m’ont choisi comme candidat à la présidentielle à 99,5 %. Il fallait à tout prix casser cette dynamique. C’est ce qu’a permis cette procédure.

Pensez-vous donc que cette décision de justice est politique, pour vous exclure de la course à la présidentielle ?

Oui, même si le pouvoir d’Alassane Ouattara le niera toujours. Quand bien même ce sont certains de ses militants qui ont initié cette procédure…

Quel est désormais votre avenir politique, alors qu’aucun recours n’est possible après cette décision de justice ?

La politique, c’est une affaire de rapport de force. J’ai pour moi d’être populaire auprès des Ivoiriens, donc je vais m’appuyer sur cela pour changer les choses.

Allez-vous mener votre combat depuis Paris, où vous êtes depuis plusieurs semaines, ou allez-vous rentrer en Côte d’Ivoire ?

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Je suis à Paris car la liberté de mouvement et de parole est sérieusement menacée en Côte d’Ivoire. Une certaine prudence s’impose. Bien sûr, je vais rentrer, mais avant de passer des frontières, j’attends d’être fixé sur ma situation. Comme j’ai renoncé à ma nationalité française [pour être candidat], il semble que je sois désormais apatride.

Avez-vous derrière vous une importante carrière dans le privé, vous avez été PDG d’importantes entreprises… Pourquoi vouloir être président ?

Je suis très attaché à mon pays, déjà, en 1994, j’ai tout lâché pour devenir ministre d’une Côte d’Ivoire qui venait de subir 50 % de dévaluation, alors que j’avais des offres professionnelles mirobolantes en Occident. Mais il fallait rebâtir ce pays. Je me suis ensuite éloigné à la suite du coup d’Etat de 1999, car la violence était devenue un moyen légitime d’action politique.

Aujourd’hui, il y a une fenêtre dans ce pays pour faire de la politique autrement. C’est urgent. L’espérance de vie actuelle en Côte d’Ivoire était de 59 ans en 2022, alors qu’elle était de 68 ans au Sénégal. Notre PIB par tête [2 531 dollars, soit 2 235 euros] est pourtant 1,5 fois plus important ! Il faut faire quelque chose.

Était-ce raisonnable de briguer la présidence après avoir passé une grande partie de votre vie à l’étranger ? Vos détracteurs estiment que vous ne connaissez plus ce pays…

J’ai grandi dans la politique ivoirienne, mon père a été ministre de l’information, en 1963, j’ai été en partie élevé par Félix Houphouët-Boigny, le premier président de la Côte d’Ivoire, de 1960 à 1993. Je crois que je connais très bien la Côte d’Ivoire, j’ai fait le tour de ce pays mille fois.

Mais laissons les Ivoiriens en décider ! Que dans les urnes ils disent s’ils veulent de moi.

Maintenant que vous êtes radié de la liste électorale, qu’allez-vous décider pour votre parti ? Avez-vous un plan B pour la présidentielle ?

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 Il n’y a pas de plan B, le parti m’a choisi lors de sa convention, le jeudi 17 avril] à 99,5 % pour être son candidat, parce qu’il considère que je suis la bonne personne pour le conduire à la victoire. Je vais continuer le combat.

Soutenu par son parti politique, Thiam compte compétir.

Quitte à boycotter l’élection ?

Je n’irai pas sur ce terrain, ma radiation des listes électorales ne date que du 22 avril, nous n’allons pas révéler notre stratégie.

Avant même votre radiation, votre parti, mais aussi le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, ont annoncé suspendre leur participation à la commission électorale indépendante. Est-ce que cela veut dire qu’il n’y aura pas de représentants des principaux partis d’opposition en lice pour la présidentielle ?

Il y a un niveau de fraude extrêmement important, avec un vrai problème de listes électorales. Ce n’est pas possible d’aller ainsi à une élection.

A 83 ans, le président, Alassane Ouattara, n’a pas encore dit s’il se représentera pour un quatrième mandat en octobre. S’il le fait, qu’elle sera votre position ?

 Je ne veux pas spéculer. Reposez-moi la question s’il se présente effectivement. Mais j’ai toujours dit que j’étais contre tout scénario qui pouvait engendrer des morts.

Vous avez dirigé de grandes entreprises durant onze ans. Le monde politique est-il plus dur que celui des affaires ?

 Beaucoup de PDG portent un regard méprisant sur la politique. Mais je leur ai toujours dit que la politique, c’est beaucoup plus difficile. Faire de la politique, c’est s’occuper d’humain, pas d’argent comme dans le privé.

 Et diriez-vous que le monde politique est plus violent ?

Ça, ce n’est pas sûr. Quand il s’agit de dizaines de milliards de dollars, les gens peuvent faire preuve de ressources insoupçonnées !

Source: Le Monde Afrique