Politique/Le Fpi : l’art de se désintégrer et de se reléguer durablement

Par Dr Kévin Boumi*

Cette analyse prendra à revers tous ces esprits fanatisés, donc en libre décote à la bourse de la raison. La micro-cohésion espérée au FPI s’est soldée par une situation inédite ce lundi 9 Août 2021. L’idée des légitimes de laisser l’enveloppe aux légaux pour reconstituer le contenu.

Décidément, s’entendre sur l’essentiel au FPI ou dans ce qui reste du FPI est plus difficile que sourire ou se laisser trahir par un humour énigmatique au Palais présidentiel. Et dire que la médaille de chainon manquant de la réconciliation nationale, luisait presque déjà du côté droit du veston de certaines personnes… Mais passons !
La messe est dite. Chronique d’une marche lente mais très déterminée vers une dislocation durable.

Le président Laurent Gbagbo entretenant l’auditoire

Oui, en politique, avec les nouveaux enjeux, penser que seules la popularité et la qualité inviolable de ‘’père du multipartisme’’ ou de ‘’enfant du peuple’’, peuvent être des ingrédients exhaustifs pour se nicher définitivement dans l’esprit des électeurs, est peut-être une erreur d’appréciation.

C’est vrai que l’expérience carcérale peut inviter au changement de cap, mais penser que ce comeback peut se faire en dehors d’une paix des braves à l’intérieur de sa propre formation politique, une paix où on sacrifie juste une parcelle de son charisme ; c’est avoir un regard amputé sur les nouveaux jeux de rôles.

Comment le choc des égos au FPI et l’expérience mal négociée d’une opposition post-opulence risquent de corrompre durablement la belle symphonie née d’une victoire obtenue de haute lutte contre les puissances coalisées à la Haye ?

Mamadou Koulibaly, le bel incompris parti avec l’idéologie originelle…

Si l’horizon consensuel attribue à Laurent Gbagbo la qualité de leader légitime du FPI, à Affi celle du FPI légal, l’on est fondé à voir en Mamadou Koulibaly la figure du FPI idéologique ; dont l’offre politique s’inscrit dans un socialisme à visage humain. Il avait sans nul doute une vision moins attentiste et plus combative de l’action politique.

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Mais dans un environnement de déification de la figure tutélaire, la mise en minorité des esprits anti-conformistes est un exercice de routine. Trop idéalistes pour changer le monde, Mamadou Koulibaly et son Lider, ont toujours vu leurs beaux discours réalistes se heurter à une muraille d’endoctrinés.

Toute conscience honnête reconnait tout de même que c’est l’une des rares formations politiques à dénoncer courageusement la gestion du pouvoir et à faire des propositions réalisables. En clair, le rôle d’une vraie opposition. Et pendant ce temps, quid du FPI légal ou du FPI dit légitime ? Rien qu’une guerre de logo, rien qu’une grosse énergie déployée pour croiser le verbe à l’interne, rien que des accusations de parricide…

Affi N’Guessan et sa légalité avec son morceau du FPI

Avec Affi N’Guessan, tout commence avec une incarcération à Bouna, puis des rumeurs (difficilement vérifiables) d’un deal avec le régime aux fins d’offrir le FPI au pouvoir. Vient ensuite une participation à la compétition électorale de 2015 malgré le boycott des GOR. Des victoires judiciaires…

 Mais Affi, c’est aussi, et il faut le préciser, le boycott des présidentielles de 2020, la désobéissance civile, la prison suite à la mise en place du défunt Conseil National de la Transition (CNT). Cette dernière expérience a redéfini la position de certains analystes sur une supposée collusion longuement entretenue avec le pouvoir. Mais cette dernière épreuve n’a été d’aucune importance pour amorcer un début de cohésion au FPI. Au contraire, comme de vieux ennemis qui ne vident leur contentieux que par le venin de l’égo, le fossé s’est agrandi.

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Même une récente demande d’audience dont on parle tant (je n’ai pas vu copie de cette demande), n’a été d’aucune utilité. Et l’enveloppe de ce grand parti va demeurer à jamais dans le coffre des légalistes ou des légaux. Dans tous les cas, les fanatiques diront ‘ ‘Le chef a toujours raison’’. Et voilà qu’on assiste à une volonté revendiquée de s’autodétruire, alors qu’on a ri avec ceux qui semblaient focaliser la contradiction principale.

Simone Ehivet probablement ‘‘out’’, reste en embuscade…

La future création d’un parti auquel on veut conférer la grandeur originelle du FPI est un pari très risqué. Tout porte à croire que le futur parti se bâtira immanquablement sur des bases d’une douce exclusion.

 Hormis Mamadou Koulibaly et sa portion idéelle, Affi et sa parcelle légale, le parti en gestation laissera probablement sur le bord du chemin Simone Ehivet Gbagbo. Improbable de voir Simone être, aux côtés de Gbagbo, membre fondateur d’un autre parti, juste après qu’une d’une procédure ordinaire de divorce ait fait l’objet d’une surmédiatisation sans doute volontaire.

 Mais la variable que le futur parti doit intégrer à son tableau de bord, est que la base militante n’est pas si extensive qu’on peut l’imaginer. Ce sont les mêmes militants qui auront chacun à faire leur choix dans le champ des possibles que leur offre une incompréhensible incapacité à faire chorus. Le nouveau parti devra faire face d’abord à Simone qui, sans détenir la branche légale et très discrète dans la branche légitime, flambe.

Qu’on le veuille ou non, la grande maturité de son unique sortie après l’épisode du fameux communiqué de divorce, a suscité des sympathies, beaucoup de sympathies. Va-t-elle capitaliser cette tendance ? Va-t-elle rejoindre Affi ? Va-t-elle insuffler une nouvelle orientation au mouvement « Ehivet capable » après un week-end chargé de symboles à Bonoua ? Dans l’un cas comme dans l’autre, ce sera une grosse saignée au sein des légitimes, des légitimés et des autolégitimés. Et tout part ainsi en l’air… l’art de se désintégrer !

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Et le RHDP règnera encore longtemps sur ces petits groupes incapables du minimum

Les défections ou autres remous idéologiques pendant les grands moments d’incertitude d’un mouvement politique, ont toujours existé, surtout quand le leader est incarcéré. Mais le leadership s’affirme et s’affermit toujours par la capacité de ce dernier à fédérer toutes les énergies pour un objectif commun et à forcer un consensus.

Le cas Mandela est un cas d’école ; et la prise de pouvoir après la parenthèse carcérale n’a été que dans l’ordre normal des choses. Mais bref !!! Si la guerre interminable au FPI laisse perplexes les formations comme le PDCI d’Henri Konan Bédié ou l’UDPCI d’Albert Toikeusse Mabri, qui n’hésiteront pas à se retrouver dans une grande coalition anti-Ouattara, cette guerre fait directement l’affaire du régime.

Qui travaille finalement pour le RHDP ? Pendant que le FPI précédé d’une bonne renommée s’abolit et se désintègre par son incapacité à afficher une cohésion dans un environnement de paix, le RHDP montre un bel exemple de solidarité et de discipline de ses cadres. Une telle dynamique est le carburant d‘un règne du RHDP qui a des chances de se pérenniser. Wait and see !

 
Observateur de la scène politique*