Ouattara Gnonzié (Président du RPP) fustige le « faux houphouëtisme »
Samedi 9 février 2019, les militants du Rassemblement pour la paix, le progrès et le partage (RPP) se sont mobilisés pour présenter les vœux de nouvel an au président du parti, le ministre Ouattara Gnonzié. Le siège du parti, sis à Cocody Vallon a refusé du monde tant les militants sont venus nombreux.
Le président du RPP Ouattara s’est prononcé sur l’actualité politique et surtout sur la question de l’houphouetisme qui divise le Pdci et ses alliés d’hier. Nous vous proposons un extrait du discours de son discours.
» (…) Un autre signe dont on aurait pu penser que le pays en tirerait le meilleur profit, c’est le nom de Felix Houphouët-Boigny le père fondateur de la Côte d’Ivoire. En effet, depuis la disparition du Sage de Yamoussoukro, on n’avait jamais autant cité son nom en Côte d’ Ivoire que ses douze derniers mois. Que des citoyens ou des hommes politiques entreprennent de revisiter l’action et l’œuvre du premier Président du pays, qui pourrait s’en offusquer, au lieu de se réjouir. Dans l’espoir que la classe politique en tirerait plus de sagesse, en apprenant plus du Dialogue et de la paix, piliers essentiels de la politique houphouëtiste.
Malheureusement l’usage fait de cet apparent retour aux sources engendre pour toute la nation plus de problèmes que d’espoir qu’il était sensé apporter.
En effet se servir du nom d’Houphouët-Boigny, grand pacificateur, grand rassembleur, devant l’Eternel, pour diviser les Ivoiriens, les sanctionner, les exclure, les menacer et même les emprisonner, est plus qu’une gifle faite à l’illustre disparu.
Est-il acceptable et imaginable qu’un individu, se disant ou prétextant agir sous le contrôle de la pensée et l’idéologie houphouëtistes, se mette en transe pour prononcer des oukases de licenciement contre des citoyens et des fonctionnaires, parce qu’ils ont simplement usé de leur liberté d’actions, d’expression, d’opinion, de choix politique, en refusant d’intégrer un groupement politique, fut-il celui choisi par le tsar pour faire la paix et la stabilité.
Le retour au parti unique et au parti Etat est fondamentalement anti-houphouëtiste. C’est bien Houphouët-Boigny qui en 1990, sous la pression de la rue, a avoué, qu’en 1958, il avait rassemblé tous les partis politiques, avec leur accord, pour aller à l’indépendance. Mais aujourd’hui, ajoutait-il, “je me rends compte que le consensus est rompu“. Alors, concluait-il, “j’autorise le retour au multipartisme, avec la mise en œuvre de l’article 7“ de la constitution d’alors.
Le Président Houphouët-Boigny venait ainsi de sonner le glas du parti unique et du parti Etat, en intégrant la Côte d’Ivoire dans l’ère moderne de la démocratie multipartisane.
Près de 30 ans après est-il décent d’associer le nom d’Houphouët-Boigny à une telle aventure.
En politique nos compatriotes doivent pouvoir apprendre à faire la distinction entre les Discours et les Actes.
Il y a ce que les hommes politiques disent et ce qu’ils font. On peut vous dire qu’on est le plus humble, le plus modeste. Mais vous avez vos yeux pour voir, apprécier et juger.
Qui ne sait, par exemple, qu’aujourd’hui en Côte d’Ivoire, l’arrogance, est la chose la mieux partagée dans certains cercles politiques.
Comment peut-on prétendre se réclamer du Président Houphouët BOIGNY, s’inspirer de sa philosophie et de ses principes de vie, alors qu’on contrarie quotidiennement tout ce qui résume la vie et l’œuvre de ce grand homme. Un génie hors pair, pour citer le Général De GAULE.
Comment peut-on avoir en abomination le dialogue et la concertation, nier l’humilité, magnifier l’arrogance, répandre la culture de la division et de la haine, narguer et mépriser les pauvres là où Houphouët-Boigny faisait du partage une valeur fondamentale de sa politique sociale.
En démocratie, faut-il le rappeler, le dialogue et la négociation sont des valeurs d’accompagnement précieux. Ce qui, on s’en doute, fait défaut dans notre pays.
En politique, comme en philosophie ou en littérature, on ne décrète pas connaitre un homme ou une femme, parce qu’on a coutume de partager ses repas, ou s’asseoir à ses côtés. On connait un homme ou une femme politiques, ou un littéraire ou philosophe, parce qu’on maîtrise sa pensée, sa philosophie. On maîtrise ses idées au point de pouvoir imaginer, annoncer, ce qu’il aurait dit, ce qu’il aurait fait, le comportement qu’il aurait eu, dans telle situation ou tel autre cas de figure.
Connaissant ainsi parfaitement l’homme, on finit par lui ressembler dans l’expression des idées et dans l’action.
Autrement dit, le vrai houphouëtiste, c’est celui qui se comporte comme un autre Houphouët-Boigny : humble, attaché et ouvert au dialogue et la négociation, recherchant constamment la paix, non pas par les discours mais par les actes, proche des pauvres qu’il soulage quotidiennement parce qu’il appelait le partage.
André Malraux, grand homme de culture français, qui fut ministre du Général De Gaule disait de l’homme, dans une célèbre formule :
« Tout le monde a été, est ou sera Gauliste ».
Dans le cas de la Côte d’Ivoire, vu les débats actuels, on pourrait paraphraser cette formule de Malraux : « Tout le monde a été, est et sera Houphouetiste ».
Cependant, la crainte de grand nombre d’ivoiriens, c’est qu’il ne nous soit pas vendu, à coups de matraques et de marketing politique, un Houphouët-Boigny, défiguré, dénaturé et masqué.
Parce que dans ce pays, il y a encore des hommes et des femmes qui connaissent bien ou ont connu Houphouët-Boigny sur toutes ses facettes. Au nombre de ces vrais connaisseurs : il y a sa famille, ses collaborateurs qui l’ont servi 20 – 30 à 40 ans.
Certains historiens dont mon ami et confrère, Frédéric Grah Mel qui a rédigé plusieurs tomes d’ouvrages historiques contenant des milliers de pages.
Et aussi des journalistes qui ont consacré une grande partie de leur carrière à travailler sur ses discours, sa pensée et ses œuvres.
Je me suis appesanti à dessein sur l’houphouetisme, parce que l’homme à son corps défendant, contrairement à sa vie, sa pensée et ses œuvres se trouve aujourd’hui au centre de tous les dangers qui planent sur la Côte d’Ivoire.
Face à tant d’agitations dont on ne peut prévoir jusqu’où elles peuvent aller, Houphouët-Boigny ne doit certainement cesser de se retourner dans sa tombe. Et il doit être constamment attristé de savoir qu’il y a des compatriotes qui sont persécutés à cause de son nom. Lui qui, à la fin des années 80, parlant de militantisme a pu dire : « les meilleurs militants ne sont pas seulement ceux qui exercent des responsabilités dans le parti ou consacrent leur temps au parti. Les meilleurs militants ce sont aussi, ceux ou celles, fonctionnaires, travailleurs, techniciens et autres qui exercent avec compétence et sérieux, les tâches et fonctions qu’ils exécutent dans leurs administrations ou entreprises ».
NB: les titres sont de la rédaction