Laurent Gbagbo : qui a peur de son retour ?

Nazaire Kadia (analyse politique)

Assurément le retour du président Laurent Gbagbo dans son pays natal après un long séjour à l’extérieur, et ce à son corps défendant, ne laisse personne indifférent.

Ses partisans l’attendent dans une ferveur impatiente et indescriptible et s’apprêtent à lui réserver un accueil des plus chaleureux et des plus délirants à la dimension de ce qu’il représente pour eux.

Ses adversaires ne l’entendent pas de cette oreille, et envoient des messages subliminaux à l’effet de limiter cet accueil au strict minimum, lui donner un caractère banal pour finalement en limiter la portée et les retombées.

Qu’est ce qui peut objectivement expliquer cette fébrilité au point de formuler des menaces à peine voilée ?  Ont-ils peur du retour de Gbagbo sur la scène politique ? Ont-ils peur de voir que même après dix ans d’absence au pays, l’homme reste toujours populaire ?

Et portant, ceux des nôtres qui ont momentanément la gestion de notre chose commune, ne déclament aucun discours officiel, sans faire référence au vivre ensemble et à la réconciliation nationale.

Comment peut-on vivre ensemble ou se réconcilier si on empêche des ivoiriens de manifester leur joie de voir revenir au pays l’un des leurs et non des moindres ?

Quelle est cette propension à toujours adopter une posture de belligérance dès lors qu’il s’agit de l’opposition ? Attend-on de l’opposition une posture de soumission pour la tolérer ? Ou, conçoivent-ils le vivre ensemble dans une soumission totale de l’opposition ?

Ainsi, les partisans du pouvoir peuvent marcher en bravant l’interdiction édictée par le gouvernement, mais prennent la mèche dès lors que des ivoiriens veulent accueillir un des leurs dans une ferveur et dans une liesse que rien n’interdit.

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A cet égard, les actions peu orthodoxes d’Issiaka Diaby et de son groupe d’association auto-proclamée « victimes de la crise postdoctorale de 2010 » frisent le ridicule voire la misère morale et n’inspirent que la pitié. Désormais leur cheval de bataille est l’incarcération du président Laurent Gbagbo pour le « casse » de la BECEAO.

C’est à croire que M. Issiaka Diaby est désormais le Directeur Général ou le Président du Conseil d’Administration de la banque suscitée. Comment dans une affaire aussi mal ficelée, où la banque censée avoir subi un préjudice ne porte pas plainte et pire, ne dit mot, M. Issiaka Diaby peut-il agir comme « l’étranger qui pleure plus fort que la famille du défunt » ?

Comme si les soutiens objectifs du pouvoir se sont passé le mot, c’est le tour du directeur exécutif du RHDP, M. Adama Bictogo, de renchérir et d’exiger que l’on pense aux 3000 mots officiels de la crise postélectorale de 2010, tout en menaçant d’organiser une contre-manifestation. Cette préoccupation dont fait maintenant mention M. Bictogo au moment où l’on prépare l’arrivée de Gbagbo, est vraiment surprenante.

Depuis dix ans, le RHDP ne commémore et ne se souvient que des « 7 femmes d’Abobo ». Celles-ci sont célébrées comme des héroïnes et portées au panthéon de la République. Quid des 2993 autres morts ?  Quand a-t-on entendu le RHDP évoquer la mémoire des morts de Guitrozon, de Nahibly ou de Duékoué ? Pourquoi maintenant ?

Pour boucler la boucle, les jeunes du parti au pouvoir estiment qu’un accueil chaleureux au président Laurent Gbagbo équivaudrait à une provocation !

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Dans quel pays sommes-nous ? Il est utile de rappeler qu’un pays fonctionne au regard des lois qui le régissent. Personne, fut-elle dans le pouvoir ou proche de celui-ci, ne peut prétendre prendre ses humeurs ou ses états-d ’âmes comme ce autour de quoi doit tourner la vie des ivoiriens.

C’est désespérant de constater que nombre de nos concitoyens, parce que proches du pouvoir, s’arrogent le droit d’en imposer aux autres. C’est le cas de cet obscur conseiller à la primature, qui s’invite sur le podium de Yodé et Siro lors de leur concert à Bouaké, pour interdire l’interprétation d’une chanson que lui n’aime pas. A-t-il pris l’avis des milliers de spectateurs qui étaient dans la salle avant de faire une telle demande ?

A tous les niveaux, les ivoiriens doivent savoir raison garder. Un accueil chaleureux et délirant au président Gbagbo, ne saurait être un danger pour le pays. Il suffit simplement que la foule soit bien encadrée par les forces de l’ordre et surtout que les « miliciens » et autres « microbes » se tiennent cois et ne s’adonnent pas au spectacle désolant qui était le leur lors des manifestations contre le troisième mandat. Certes ces derniers peuvent se sentir forts et intouchables aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il demain ? Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours.

Le président Laurent Gbagbo, reviendra en Côte d’Ivoire, les ivoiriens l’accueilleront dans la ferveur, et le ciel ne leur tombera pas sur la tête. C’est tout au contraire, le prélude aux semailles de l’hivernage à venir. Et s’il y a eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.

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