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CEDEAO/ Le nouveau président Julis Maada Bio pourrait-il fermer définitivement l’ère des régimes militaires du « deux poids deux mesures » ?

C’est finalement le Sierra-Léonais Julius Maada Bio qui a été choisi pour présider pendant un an la Cédéao, en remplacement du Sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui était attendu. La décision a été prise dimanche dernier, lors d’un sommet à Abuja, au Nigeria. Pourquoi ce choix ? Pape Ibrahima Kane, chercheur sénégalais et spécialiste des questions régionales en Afrique fait son analyse. 

C’est le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui était fortement pressenti pour prendre la tête de la Cédéao au nom de l’alternance anglophone francophone. Mais finalement, c’est le Sierra-Léonais, Julius Maada Bio qui a été désigner. Quel est votre avis?

Je sais que la Cédéao est dans une dynamique de négociation avec l’Alliance des États du Sahel, (AES), un militaire parlant à des militaires, c’est peut-être une bonne méthode d’approche de la situation. D’autant plus qu’il y a beaucoup-de méfiance entre la Cédéao et ces États de l’AES. Ces éléments-là ont certainement dû jouer depuis un an. Les lignes commencent à bouger et il y a à peine dix jours qu’une réunion s’était tenue à Accra et qui avait réuni plusieurs acteurs, aussi bien de ces États que de ceux de la Cédéao. Et les choses se sont très bien passées…

Récemment, dans une interview, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a déclaré que les trois États de l’AES entraient dans une phase d’apaisement et de réalisme avec la Cédéao. Il a appelé à la conclusion rapide d’un accord sur les questions commerciales et la libre circulation des personnes. Est-ce à dire que les trois États- veulent garder les avantages de la Cédéao tout en quittant l’organisation ?

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« Pour un quatrième mandat d’Alassane Ouattara, la communauté sera obligée de se prononcer sur cette question », note Pape Ibrahima Kane.

Tout à fait. Je pense qu, vous dites et avec la situation qui prévaut sur le terrain, notamment au plan sécuritaire et aussi au plan économique, les États de l’AES réalisent que les choses ne sont pas aussi faciles. Et je pense que la réunion qui s’est tenue à Bamako entre le président de la Commission et les ministres des Affaires étrangères a vraiment permis de déblayer le terrain. Et comme l’a dit le président Tinubu dans son discours, il pense que tôt ou tard, les trois pays reviendront dans la maison mère.

Julius Maada Bio est un ancien militaire putschiste, vous le dites et  qui s’est converti à la démocratie puisqu’il y a presque 30 ans, il a quitté volontairement le pouvoir, puis il a été élu deux fois démocratiquement et promet aujourd’hui de ne pas faire de troisièmes mandats. Est-ce à dire que sur les questions constitutionnelles, il sera vigilant avec les onze autres États membres de la Cédéao ?

Il est obligé d’être vigilant parce qu’aujourd’hui, c’est lui qui est le gardien du respect de toutes les règles communautaires que la Cédéao s’est donnée en la matière. Vous avez rappelé qu’il a lui-même décidé de ne pas faire un troisième mandat et donc son rôle en tant que président en exercice, c’est de s’assurer au moins que la Cédéao respecte la démocratie et respecte les droits de l’homme.

Et si, par exemple, Alassane Ouattara sollicite un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire, est-ce que vous pensez que son homologue Sierra-Léonais fera-il une observation ?

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La communauté sera obligée de se prononcer sur cette question. Parce que si nous sommes là, c’est parce qu’un certain nombre de règles n’ont pas été respectées. C’est parce que beaucoup de présidents se sont donné la liberté de faire ce qu’ils voulaient. Maintenant, on va voir si Julius Maada Bio est le président de la Commission, M. Touré, vont être courageux pour mettre les dirigeants devant leurs responsabilités.

Ce qui s’est passé au Togo est une manipulation de la constitution. Un président qui quitte le poste de président pour devenir Premier ministre, simplement pour rester au pouvoir, ce sont des choses qui ne doivent pas être acceptées dans une région. La Cédéao doit montrer cela aux dirigeants de manière à ce que le déficit de confiance qu’il y a entre cette institution et les populations, que ce déficit-là s’amenuise.

Et si, contrairement à sa promesse initiale, le général Mamadi Doumbouya se présente à la future présidentielle en Guinée ? Est-ce que vous pensez que son voisin de la Sierra Leone sortira le carton jaune ?

Cette question ne relève pas seulement de la Cédéao, elle relève aussi de l’Union africaine. Si vous vous rappelez, il y a deux présidents militaires qui ont fait leur retour sur la scène africaine grâce à l’Union africaine. Il y a le président du Tchad qui a fait un coup d’État et qui maintenant est accueilli au sommet de l’UA. Vous avez le président du Gabon qui a fait un coup d’État et qui a été adoubé par ses pairs.

Donc, ce n’est pas seulement une question de la Cédéao, c’est aussi une question de l’Union africaine. Il faut que l’on ferme définitivement l’ère des régimes militaires en refusant totalement cette civilisation des régimes militaires. Ce n’est pas dans l’intérêt des populations, ce n’est pas dans l’intérêt de l’Union africaine, ce n’est pas dans l’intérêt de la démocratie en Afrique.

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Source : rfi.fr