Bombardement de 2004: soupçonnés coupables, les anciens ministres français ne seront pas poursuivis.

COMME NOUS L’AVONS TOUJOURS DIT, LA FRANCE VIENT DE PROUVER, UNE FOIS ENCORE, QU’ELLE EST UN ÉTAT QUI RECONNAIT DIFFICILEMENT SES CRIMES

Selon une information d’Europe 1, confirmée par l’Agence France-Presse (AFP), reprise par le journal français Le Monde sur son site, aujourd’hui à 12h39, « les anciens ministres Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier ne feront pas l’objet de poursuites judiciaires pour inaction après le bombardement du camp militaire français situé en Côte d’Ivoire…Ils ne seront pas poursuivis, ni jugés pour le bombardement de Bouaké en 2004…. » Pourtant, selon la presse française ce « bombardement avait coûté la vie à neuf soldats français et un civil américain… »

Le journal poursuit pour écrire que « la Cour de justice de la République (CJR) n’enquêtera pas sur les trois ex-ministres, car rien ne montre le rôle actif des anciens ministres, selon la commission des requêtes de la CJR. Seule instance habilitée à juger les actes des ministres dans l’exercice de leurs fonctions, celle-ci a décidé le 17 mai qu’il n’y avait pas lieu de saisir la commission d’instruction de la Cour… »

Avec cette information, « les victimes françaises »(les 9 soldats) dont les familles avaient commis Me Jean Balan, avocat au Barreau de Paris pour défendre le dossier à l’effet de rendre justice et connaitre réellement les circonstances de leur mort vont encore attendre longtemps pour être reconnues comme « victimes » et au delà pour que leurs familles soient dédommagées. Dans ce dossier hautement compliqué parce qu’il implique l’État français, les ministres avaient été nommément cités à comparaitre devant les juridictions compétentes pour « leur inaction ». Nous avions cru, pour une fois que l’État français allait situer, enfin, les responsabilités dans cette affaire surtout que la presse avait abondamment cité et tenu « Laurent Gbagbo, le président ivoirien à l’époque des faits pour responsable de la mort des soldats français ». Ce qui avait suscité la vendetta de Jean Pierre Raffarin (alors premier ministre de Jacques Chirac) qui, en déclarant « qu’on ne tue pas impunément un Français », ordonna à l’aviation de l’armée française basée à Libreville(Gabon) de détruire tous les aéronefs de l’armée ivoirienne le 06 novembre 2004. Dans la nuit du même 06 novembre, il ordonna aux chars français de l’opération Licorne d’aller renverser Laurent Gbagbo. Lorsque les Ivoiriens à l’appel de Charles Blé Goudé se sont dressés, ces chars formèrent un kyste belliqueux à l’Hôtel ivoire. Dans leur retrait, ils avaient tué plus d’une trentaine de jeunes ivoiriens non armés.

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Le verdict actuel de la CJR nous conforte dans notre position qui est que l’État français n’a jamais facilement reconnu ses crimes. En effet, en 1940, l’Allemagne nazie envahit et occupe la France. Le Maréchal Pétain (le héros déchu de Verdun-1916), alors président, choisit de collaborer avec l’envahisseur en établissant son administration à Vichy dans le sud de la France. De Vichy, la France devient nazie: la Gestapo française, la gendarmerie, la police se sont chargées de rafler et de déporter plusieurs milliers de citoyens français parce que Juifs. Pour la seule nuit du 16 au 17 juillet 1942, au Vélodrome d’Hiver, 13 000 enfants, hommes et femmes juifs fuirent raflés et déportés à Auschwitz. A la libération de la France, les officiels du Gouvernement Provisoire de La République Française (GPRF) ont occulté les crimes de Vichy. Déjà, lors de son discours du 25 août 1944, devant l’Hôtel de ville de Paris libérée, le Général De Gaulle qui sera le futur bénéficiaire, en France, au nom de la résistance française de la victoire sur les Nazis, déclara que « la République française n’a jamais cessé d’exister, en affirmant que Vichy est « illégitime, nul et non avenu ». C’était le décor planté pour ne pas que la France officielle endosse les crimes du gouvernement de Vichy. Et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale ont longtemps occulté la Shoah, le génocide des Tsiganes, des témoins de Jehovah, des homosexuels, des handicapés…Il a fallu que des fils et filles de victimes de la France de Vichy comme l’historien Serge Klarsfeld se battent à la tête d’associations pour que la France officielle endosse « ses crimes » en ouvrant des procès contre Klaus Barbie (extradé le 7 février 1983 de la Bolivie et jugé à Lyon en 1987). Aussi sur plainte des victimes, le 19 janvier 1983, Maurice Papon, après avoir été Haut fonctionnaire de la République donc protégé par la France, est inculpé de complicité de crime contre l’humanité. Les exemples sont légions mais c’est finalement en juillet 1995 que Jacques Chirac lors de la commémoration du 50è anniversaire du Vel’D’Hiv reconnut officiellement en tant que président de la République »la responsabilité de la France dans les crimes contre ses propres citoyens ». Quelques temps après lui, l’Église catholique française et la police faisaient leur mea culpa.

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De son côté, joint au téléphone par Le Monde afin de donner ses impressions, Me Jean Balan, l’avocat des parties civiles, déclare: « une mascarade absolue, dont le seul but est de protéger trois anciens ministres d’une enquête sérieuse, alors qu’il existe un faisceau d’indices graves et concordants qui les mettent en cause… L’enquête a été sabotée dès le départ. Le procureur et les prévôts n’ont eu accès à rien sur le terrain, les victimes n’ont pas été autopsiées alors qu’il s’agit d’un assassinat.. », poursuit Me Balan. Il conclut : « toute cette affaire est une manipulation. On voulait un prétexte pour renverser Laurent Gbagbo en poussant son armée à bombarder une emprise française que l’on pensait vide. Cela a mal tourné, mais je suis convaincu que Laurent Gbagbo n’y est pour rien et que l’armée française a été manipulée par les dirigeants politiques. Si une enquête venait à innocenter les trois ministres, je m’inclinerai, mais, là, tout est caché et il n’existe aucun moyen pour contester la dernière décision de justice… »

Avec ce rappel et s’appuyant sur sa déclaration, nous disons qu’il appartient à Me jean Balan et à ses confrères en charge du dossier pour la défense des « victimes françaises du bombardement de Bouaké » de doubler d’efforts, de tenir car il faudrait que nous sachions quelque chose dans cette affaire, un jour.

Excellence Zadi