Mali-Attaque meurtrière/Un sociologue explique les causes de ce carnage

Depuis deux ans, le Centre du pays est en proie à un conflit multidimensionnel mélangeant tensions ethniques, groupes armés d’autodéfense et terrorisme.  Après le massacre de plus d’une centaine de civils ce week-end, des questions restent pendantes. Quelles solutions pour sortir de cette spirale de la violence ? Le sociologue Mahamadou Diouara donne des pistes.

L’attaque la plus meurtrière de l’histoire de la région est survenue à Ogossagou, ce week-end. Comment expliquez-vous qu’il y ait eu autant de morts ?

Les assaillants ont tiré sur les civils, incendiés des habitats, et même des greniers. Bref, il y avait une volonté manifeste de faire un carnage.

Les miliciens Dogons sont accusés d’avoir mené cette attaque, qu’en pensez-vous ?

C’est possible, il y a eu des massacres civils, dans le cadre de ce conflit entre ce groupe d’autodéfense et les présumés jihadistes de la communauté peule.

Cette offensive aurait-elle pu être instrumentalisée par d’autres acteurs ?

Beaucoup de fois, des Peuls ont été accusés d’être à la base d’attaque terroriste, mais quand on va questionner on se rend compte que ce n’est pas eux. Aussi beaucoup de fois des Dogons ont été accusés ou des Dozos ont été accusés, mais on ne peut pas non plus affirmer que ce ne soit pas eux, parce que pour le moment il y a des indices qui les accusent.

C’est-à-dire que toutes les pistes sont ouvertes, rien n’est fermé pour le moment ?

Toutes les pistes sont ouvertes parce que l’attaque n’a pas été revendiquée. En dehors de ça, il y a beaucoup de confusion parce que la tenue utilisée par les acteurs pour venir, le type d’armes utilisées, et le mode opératoire utilisé, renvoie à des analyses différentes, et cette attaque montre qu’il y a coalition entre le conflit intercommunautaire et les groupes terroristes parce que les indices renvoient à la fois à l’un et à l’autre.

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Selon vous, est-ce que cette attaque aurait pu être évitée ?

Je pense que si le système de sécurité mis en place était plus adapté à la nature de la menace, on aurait pu éviter ça. C’est-à-dire que si, on avait créé un système de défense militaire, civil et économique, on aurait pu d’une part créer un équilibre qui permet aux gens de ne pas être contraints à saisir ces alternatives, mettre en place un système de confiance et de participation où les civils s’organisent pour recueillir l’information alertée, et prendre des mesures, et, l’Etat c’est la base de cette bonne information, de mettre en place un système capable de réagir à temps.

Comment expliquez-vous cette attaque meurtrière ?

 Le fait que l’armée n’est pas de bras poussés au sein des communautés ça réduit son efficacité. Deuxièmement, la nature des moyens qu’ils vont envoyer ont besoin de route pratique, et très malheureusement, ce sont ces raisons dans lesquelles il n’y a pas eu d’investissement pour faire des routes. Donc c’est autant de facteurs qui expliquent sans justifier le retard énorme de l’armée. Et comme je le dis encore une fois, si on avait des moyens aériens, la région de Mopti n’est pas aussi grande que ça, je crois que la réaction des autorités qui consiste à sanctionner la hiérarchie militaire est une chose, pour une fois, un message est donné, mais je pense que la responsabilité n’est pas seulement au niveau du commandement militaire, elle est carrément au niveau de la gouvernance sécuritaire qui va au haut sommet de l’Etat, à commencer par le chef de l’Etat.

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Le village d’Ogossagou abritait l’un des quatre camps informels du processus de désarmement du centre amorcé par le gouvernement. Des anciens combattants terroristes ont été tués dans cette attaque. Pensez-vous que ce processus a aujourd’hui encore une chance de réussir ?

Je pense que les anciens combattants vont continuer à participer à ce processus, mais à condition que les mesures soient prises pour les protéger. Le gros défi c’est de faire en sorte que ceux qu’on doit protéger ne soient pas ceux qu’on va devoir combattre. Parce qu’en réalité, on peut dire aux gens, « désarmez-vous », on peut dire aux gens « composez avec l’Etat », mais quand on compose avec l’Etat et que le lendemain on est lynché, on est assassiné parce que l’Etat n’est pas présent. Quand on désarme et que deux jours après, parce qu’on n’a pas d’armes et que l’autre sait qu’on a plus d’armes, on vient nous attaquer, on tue tout le monde. Les gens vont devoir s’accrocher à d’autres alternatives, parce qu’à chaque fois que quelqu’un est victime, cette personne devient vulnérable et il devient une recrue potentielle.

Pensez-vous que la piste d’un armement ou d’une riposte violente de la communauté peule soit probable ?

Je pense que cela est en construction depuis très longtemps, le premier nom du groupe d’Amadou Koufa c’était le FLM, Front de libération du Macina, et avec l’évolution de ces vocables on se rend compte que l’agenda est un agenda justement d’organisation de la communauté peule avec un front militaire. Et ce n’est pas étonnant parce que Iyad Ag Ghaliqui est l’encadreur de Amadou Koufa et qui est son maitre spirituel, Iyad Ag Ghali a construit Ansar Dine sur les combattants Ifoghas et alliés donc sa tribu. Amadou Koufa a construit sa milice sur les communautés peules du Macina sa communauté et donc ce n’est pas du tout étonnant, je crois que leur agenda a toujours été cela, la question c’est est-ce qu’on va réussir à les empêcher d’atteindre l’objectif qui sera dangereusement fâcheux pour notre pays.

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Source : rfi.fr