Samuel Kouakou : » Que le suivi et l’évaluation impactent le continent pour des projets viables au bénéfice des populations »

Par Aka Jean Mari – Afrique Matin.Net 

A la faveur de la 9ème Conférence Internationale de  l’Association Africaine d’Évaluation (AfrEA) qui s’est tenue du 11 au 15 mars dernier à Abidjan, nous avons rencontré M. Samuel Kouakou, vice-président de ladite structure qui nous fait le point des acquis.

Présentez-nous l’Association Africaine d’Évaluation (AfrEA)

L’Association Africaine d’Evaluation (AfrEA) a été fondée en 1999 en réponse à une demande croissante de partage d’informations, de plaidoyer, et de renforcement des capacités d’évaluation avancée en Afrique.

Basée à Accra (Ghana), l’AfrEA constitue une organisation faîtière à 39 organisations bénévoles nationales pour l’évaluation professionnelle (VOPE) en Afrique, à 113 membres individuels et 12 membres institutionnels. L’AfrEA vise à soutenir les évaluations qui contribuent à un développement réel et durable en Afrique ; à Promouvoir une évaluation ancrée sur l’Afrique et dirigée par l’Afrique en partageant les perspectives de l’évaluation africaine ; à Encourager le développement et la documentation d’une pratique et d’une théorie de l’évaluation de haute qualité ; à Soutenir la création et la croissance d’associations nationales d’évaluation ou de VOPE ; à Faciliter le renforcement des capacités, le réseautage et le partage des théories d’évaluation, des techniques et des outils entre les évaluateurs, les décideurs politiques, les chercheurs et les spécialistes du développement. En outre, l’AfrEA vise à donner à ses membres, les moyens d’influencer la politique nationale de Suivi- Évaluation (S & E) dans leurs Etats respectifs et de représenter l’Afrique sur la scène mondiale du suivi et de l’évaluation.

Pourquoi le choix d’Abidjan pour cette 9ème conférence Internationale 

Conformément au statut de l’AfrEA, la conférence biennale est organisée alternativement entre pays francophone et pays anglophone. La 8ème conférence biennale ayant eu lieu en Ouganda, un pays anglophone, il revenait donc à un  pays francophone d’abriter la 9ème conférence. Ainsi, suite à un appel à candidature, la Côte d’Ivoire a été sélection parmi plusieurs pays pour abriter cette conférence. L’un des critères majeur est l’engagement de gouvernement du pays à co-organiser la conférence ; ce qui a été fait à travers une communication en conseil des ministres, le 23 janvier 2019.

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Comment se porte l’évaluation en Afrique ? 

L’évaluation en Afrique se porte relativement bien. Sur le plan institutionnel, plusieurs pays ont intégré l’évaluation dans la Constitution nationale.

En outre, de nombreuses organisations volontaires pour la promotion de l’évaluation ont été créées.

Des programmes sont mis en œuvre pour le renforcement des capacités des évaluateurs émergents. C’est le cas du programme international de mentorat d’EvalYouth, financé par EvalPartners avec l’appui technique de l’Organisation Internationale de Coopération en Évaluation (IOCE).

Pour rappel, une étude menée par EvalYouth a montré de que 56% des demandes mondiaux, en renforcement des capacités des évaluateurs émergents, provint de l’Afrique. A ce titre, l’AfrEA a mis en place, depuis 2017, le Réseau des Évaluateurs Émergents africains qui vise au renforcement des jeunes et nouveaux évaluateurs en Afrique en travaillant avec les VOPE nationaux pour construire leur capacité en évaluation.

Enfin, l’AfrEA travaille actuellement à l’actualisation des lignes directrices de l’évaluation africaine qui permettra de promouvoir davantage le concept « Évaluation pour et par les africains ».

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Au niveau mondial plusieurs pays se distinguent par l’institutionnalisation de l’évaluation.

Une cartographie de l’état des politiques d’évaluation nationales, commandé en 2013 par le Forum des parlementaires sur l’évaluation du développement, a examiné l’état des politiques nationales d’évaluation (PNI) dans 115 pays. Sur les 115 pays étudiés, 20 ont une politique d’évaluation écrite et légiférée. Les pays restants appartiennent à une sous-catégorie: élaboration d’une politique (23 pays), réalisation d’évaluation sans politique (34 pays) et ceux pour lesquels aucune information n’indique qu’ils en développent en ce moment (38 pays).

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En Afrique plusieurs pays se distinguent. Il s’agit entre autre de l’Afrique du Sud, du Bénin, du Kenya, de l’Ethiopie, du Maroc et de l’Ouganda.

Ces statiques ont depuis lors évaluées positivement avec l’intégration de l’évaluation dans la constitution de nombreux pays comme celle de la Côte d’Ivoire en 2016.

Revenons au thème de la récente rencontre, comment l’évaluation peut-il accélérer le développement de l’Afrique ? 

La 9ème Conférence de l’Association africaine d’évaluation (AfrEA) s’est déroulée autour du thème, « Accélérer le développement de l’Afrique : renforcer les écosystèmes nationaux d’évaluation ».

Cette conférence vise, avant tout, à impulser l’évaluation portée par les africains et qui est diffusable dans le reste du monde.

Ainsi à travers ce thème, il s’agit de voir comment l’évaluation peut permettre d’assurer le développement et faire en sorte que les gouvernements soient responsables vis-à-vis des populations.

Pour rappel le but de l’évaluation des projets et politiques publiques est de déterminer la pertinence et l’accomplissement des objectifs, l’efficience en matière de développement, l’efficacité, l’impact et la durabilité.

Une évaluation devrait fournir des informations crédibles et utiles pour permettre d’intégrer les leçons apprises dans le politiques nationaux ou dans les projets de développement afin de prendre des décisions pour améliorer le développement social et économique et assurer une mise œuvre efficiente des fonds.

Ainsi donc la pratique de la redevabilité par les gouvernements et l’amélioration de la conception des politiques nationaux, en prenant en compte les leçons apprises et recommandations des évaluations, devraient accélérer significativement le développement de l’Afrique.

Quelles stratégies la rencontre d’Abidjan a mis en place pour le renforcement des écosystèmes nationaux d’évaluation? 

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Au terme des travaux, un appel à la solidarité a été lancé à l’ensemble des partenaires au développement, des agences des Nations Unies et des gouvernements afin que l’AfrEA puisse atteindre les objectifs qu’elle s’est assignée depuis une vingtaine d’années.

Plusieurs résolutions ont été prises lors des travaux en commission, notamment, l’institutionnalisation de l’évaluation, la mise en œuvre du concept « évaluation pour et par les Africains » et la professionnalisation de l’évaluation.

L’objectif finale de toutes ces stratégies, eu égard aux résolutions de la conférence, est que le suivi et l’évaluation impactent le continent pour des projets viables au bénéfice des populations africaines.

A cette rencontre l’on a noté la présence des VOPE. Parlez-nous de cette organisation

Les VOPE sont les organisations bénévoles nationales pour l’évaluation professionnelle. L’acronyme VOPE vient de l’anglais « Voluntary Organizations for Professional Evaluation »

Les organisations bénévoles d’évaluation professionnelle (VOPE) sont des organisations d’évaluation à but non lucratif ouvertes aux personnes intéressées par l’évaluation.

L’évaluation étant une profession, les membres des VOPE conduisent, utilisent et commanditent une évaluation professionnelle et qui encouragent le recours à des évaluateurs professionnels pour effectuer des évaluations.

Les VOPE sont avant tout des réseaux importants où les évaluateurs et les commissaires à l’évaluation peuvent se rencontrer et discuter de questions d’intérêt commun, notamment la promotion de la profession, le renforcement des compétences en évaluation des membres, la recherche d’emplois, la création de partenariats de collaboration professionnelle, etc.

Les VOPE ont un rôle important à jouer pour aider les gouvernements et la société civile de leur pays à comprendre ce qu’est l’évaluation et le rôle que l’évaluation peut jouer pour appuyer des politiques et des décisions publiques mieux éclairées fabrication.