Réconciliation au sein du FPI / après la rencontre manquée AFFI –GBAGBO: Le point de non-retour ?
Par Jean Levry – Afrique Matin
C’est la mort dans l’âme qu’Affi N’Guessan Pascal, président statutaire du Front populaire ivoirien (FPI) est rentré à Abidjan le vendredi 22 mars 2019 après sa rencontre avortée avec le président Laurent Gbagbo. Il a tenu à exprimer sa déception lors de la conférence qu’il a animée à sa résidence de la Riviera M’Badon. Toutefois, pour lui, la réconciliation reste toujours possible au FPI pourvu que Gbagbo le veuille et agisse en conséquence.
Dans son franc-parler qu’on lui connait, Pascal Affi N’guessan a relaté les circonstances de son départ à Paris, d’où il devrait comme prévu, rejoindre Bruxelles, la capitale Belge pour rencontrer « son patron ». Mais une fois sur place, c’est l’intermédiaire, Aka Emmnuel, ancien Ambassadeur de la Côte d’Ivoire au Ghana, ami personnel du président Gbagbo et coreligionnaire d’AFFI lui-même, qui revient sur une déclaration de reconnaissance de Gbagbo comme présidence du parti sur Radio France Internationale (RFI). Condition préalable selon lui pour rencontrer le président Gbagbo alors qu’il avait rejeté, depuis Abidjan où celui-ci était venu l’informé de la possibilité de voir Gbagbo, une déclaration de cette nature.
« Gbagbo n’est pas président du FPI. Je ne le reconnaitrai ni aujourd’hui, ni demain. Il est président-fondateur du parti. Nous pouvons même dire qu’il est notre chef. Mais président du parti, c’est une chose et être fondateur d’un parti, c’est une chose. Etre un chef aimé et adulé, c’est une chose. Mais ce qui ne vous appartient pas, vous ne pouvez pas faire usage d’une quelconque notoriété pour vous l’approprier. Gbagbo a tort de dire que c’est lui le président du Fpi. Cela le discrédite. Si le président veut la présidence du parti, c’est une chose. Mais dire qu’il est le président du parti, c’est faux. (…) Quelle que soit la considération que j’accorde au président Gbagbo, il n’est pas président du parti. Et je trouve même ce débat honteux. Je trouve honteux qu’aujourd’hui, le président Gbagbo soit dans une bataille pour le contrôle du FPI avec moi. Il n’est plus président de fait de la République ? Ouattara n’est plus celui qui a usurpé son poste en 2011 ? Soyons sérieux parce que moi c’est parce que je suis sérieux que je suis au FPI. Je peux me retirer de la présidence du FPI au profit d’un autre cadre y compris le président Gbagbo mais on ne peut pas me dire que le président Gbagbo est le président du FPI et puis je vais l’accepter. C’est où il a été élu ? À La Haye ou à Mama ?
Le président a tort de croire qu’il est le président du parti et de vouloir que quelqu’un aille déclarer qu’il est le président du parti. C’est la vérité. Et je sais que lui aussi est attaché à la vérité. Il ne faut pas qu’il s’engage dans des actions de mensonge. Ce n’est pas par une déclaration qu’on devient président. Combien de déclarations Assoa Adou n’a-t-il pas fait pour dire que c’est Gbagbo qui est le président. Si cela suffisait, il ne serait pas en train de me demander de faire une telle déclaration», a affirmé Affi N’Guessan tout feu-tout flamme.
Le président du FPI estime que c’est sa mort politique qui est ainsi programmée. « Ce n’est pas l’unité du FPI qui l’intéresse ( Gbagbo), c’est plutôt l’assassinat politique d’Affi qui est sa préoccupation. Parce qu’à partir du moment que la personne dit que si tu demandes la présidence, il te la donne, pourquoi tu veux qu’il se déculotte d’abord, qu’il s’humilie, qu’il apparaisse aux yeux de l’opinion comme un faux type ? C’est pourquoi je leur dit (aux intermédiaires, Ndlr) que je suis convaincu que même si je fais cette déclaration, le président Gbagbo ne va pas me recevoir », a-t-il déploré, avouant avoir déjoué le piège qui lui avait été tendu.
Et Affi N’Guessan de poursuivre en dévoilant le dernier message d’Aka Emmanuel. Quand je l’ai reçu, ajoute-t-il, j’ai fait ma valise et pris l’avion pour rentrer à Abidjan :
« Cher frère Affi, compte rendu dernier entretien avec le Chef : Pour lui, le titre de président statutaire ou légitime n’est pas le plus important. Il veut que tu le reconnaisses, dans l’interview avec Navarro comme le PRESIDENT DU FPI. Ce préalable respecté, tu auras toute la latitude pour aborder avec lui, lors de votre rencontre, tous les problèmes de fond que tu voudras soulever. Si cette condition n’est pas remplie, votre rencontre n’est d’aucun intérêt pour lui et ne sera donc pas nécessaire. »
Affi N’Guessan trouve cette attitude décevante et méprisante à son égard et il n’a pas manqué de lui le souligner. « Je suis pour le respecte, pour la dignité. Or, pour le moment, ce n’est pas ce que je sens en face. C’est le mépris. Je ne mérite pas ce mépris. Je ne mérite pas ce que le président Gbagbo m’a fait le mercredi dernier après tout ce que j’ai pour lui et ce qu’il a fait pour moi. Ce n’est pas digne de lui, ce n’est pas digne de nos relations. Ce n’est pas digne des sacrifices que moi-aussi j’ai fait pour lui. Est-ce qu’il a dormi ce jour-là où j’ai pris mon avion pour rentrer à Abidjan sans le rencontrer ? », s’est-il interrogé.
L’unité du FPI, toujours possible
Tout en considérant désormais le président Gbagbo comme « le chef de la fronde », celui qui n’est nullement intéressé par l’unité du parti mais plutôt par son propre intérêt, Affi N’Guessan se dit toujours « disposé à faire tous les sacrifices nécessaires pour que le FPI retrouve son unité ». Toutefois, a-t-il précisé, « le sort du FPI est entre les mains de Gbagbo. La réconciliation du FPI est possible si le président Gbagbo fait preuve de sagesse. S’il sort de la fronde. Et il faut qu’il sorte de la fronde. Cette division qu’il a introduite dans le parti ne lui ressemble pas. Cette posture qu’il a prise ne lui ressemble pas et liquide tout le crédit que les uns et les autres lui ont accordé».
« Si c’est l’unité du parti que nous recherchons tous, laissons cette affaire de déclaration. Maintenant si c’est pour m’assassiner politiquement, peut être que là je peux comprendre cette insistance», a-t-il martélé avant de s’adresser à ses adversaires dits frondeurs : « Si vous voulez que le président Gbagbo soit un vrai Président du FPI, ne vous cantonnez pas à vouloir arracher une déclaration à Affi. Parce que ce ne sont pas les déclarations d’Affi qui rendent les gens président. (…) Je l’ai dit au cours d’une conférence que si le président Gbagbo sort de prison et qu’il veut la présidence du FPI, je la lui donne. A partir du moment que je suis prêt à lui donner la présidence, pourquoi voulez-vous que je fasse une déclaration. Alors qu’il suffit qu’il me rencontre et au sortir de là, je fais la déclaration ».
Selon Affi N’Guessan, Gbagbo doit se mettre au-dessus de toute considération partisane car il incarne l’espoir de toute la Côte d’Ivoire et l’image d’un démocrate reconnu et adulé en Afrique. « On le fait passer pour le père de la démocratie en Côte d’Ivoire. Comment le père de la démocratie peut vouloir être président à la suite d’une déclaration d’un individu sans passer par un congrès, organe statutaire du parti ? Les ivoiriens fondent beaucoup d’espoir sur l’unité du FPI pour être la locomotive de la lutte en Côte d’Ivoire. Il ne faut pas qu’il prenne en otage une partie du FPI. Je veux qu’il sorte de cette logique et qu’il joue la partition que tous les ivoiriens attendent de lui. S’il sort de cette logique d’allégeance, de combat personnel et qu’il s’engage dans la logique de la renaissance de la Côte d’Ivoire, dans la logique qui était le fondement de son engagement politique, je pense que le FPI va retrouver l’unité. Le sort du FPI est entre ses amis. Il lui appartient de dire que ce qu’il voudrait que ce parti devienne en Côte d’Ivoire», a-t-il fait savoir.
Pour finir le président du FPI, député de Bongouanou, a réaffirmé son attachement à l’unité du parti, raison pour laquelle il reste disposé à rencontrer le président Gbagbo.
« Je suis toujours ouvert à rencontrer le président Laurent Gbagbo et je pense que ça fera du bien à la Côte d’Ivoire. Mais c’est une rencontre qui va s’organiser dans un autre contexte et par d’autres personnes que celles avec lesquelles j’ai cheminé jusque-là sur la question de manière à garantir la réussite de cette rencontre. (…) Je rentre déçu de son attitude parce que ce qui est en jeu c’est l’avenir du fpi et de la Côte d’Ivoire.
Mais ce sont des questions politiques. Et pour les questions politiques, il faut dépasser les sentiments et les frustrations parce que ce n’est avec cela que nous construire la Côte d’Ivoire», a-t-il déclaré.
En attendant une possible unité, Affi et ses camarades sont sur le terrain pour maintenir le FPI en vie et compte participer aux échéances électorales de 2020. « On accepte Gbagbo mais on ne peut pas accepter Gbagbo ou rien », conclu-t-il.