RDC/Félix Tshisekedi peut-il impulser une nouvelle gouvernance ?

Ce 24 janvier 2019, Félix Tshisekedi est devenu le 5ème  président  de la République démocratique du Congo (RDC). Pour le chercheur Bob Kabamba, il ne sera pas un président fantoche, car il va nommer un informateur qui pourra l’aider à trouver une majorité parlementaire.

Félix Tshisekedi est devenu ce jour 24 janviers 2019, le cinquième président de l’histoire de la République démocratique du Congo, est-ce  une surprise?

 Oui, c’est une surprise, lorsque l’on analyse le processus électoral. Et cette analyse tendait à montrer de manière très claire que le candidat Fayulu a pu mobiliser l’électorat qui vote généralement Kabila ou qui vote généralement pour les candidats de l’est du pays. Par ailleurs, nous avons remarqué aussi qu’il y a eu quand même un engouement pour Félix Tshisekedi dans les régions du centre et dans certaines régions de l’ouest, ainsi que dans les régions de l’est. Et donc, ces deux candidats ont pu capter des électeurs qui ne sont pas de leur région. Ce qui prouve véritablement que l’électorat congolais était, manifestement, pour un changement. Alors quel changement ? Est-ce que c’était un changement avec l’actuel président  ou un changement avec Fayulu ? Les résultats, qui ont été publiés par les médias – tendent à prouver de manière claire que c’est Fayulu qui a pu capter l’essentiel de l’électorat anti-régime, que ce soit à l’ouest, mais aussi à l’est du pays.

Mais alors, pourquoi le pouvoir sortant a-t-il privilégié le scénario Félix Tshisekedi au détriment de Martin Fayulu ?

…… Si vous prenez le cas de Fayulu, vous allez vous rendre compte que, derrière lui, il y a deux poids lourds, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. Ces deux leaders peuvent être des adversaires farouches par rapport au pouvoir en place actuellement. D’une part, parce que Jean-Pierre Bemba peut être en mesure de pouvoir contester les équilibres qui existent au niveau des forces de sécurité, et d’autre part, Moïse Katumbi peut être en mesure de déséquilibrer le monopole des moyens financiers que détient le pouvoir en place. De ce point de vue-là, Félix Tshisekedi, qui n’a que Vital Kamerhe, si l’on peut dire, comme soutien, s’avère être un adversaire moins farouche que ne le représente Fayulu.

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Du coup, se pose la question du partage du pouvoir entre le nouveau président Tshisekedi et l’ancien président Kabila. Comment voyez-vous la suite ?

La Constitution a vraiment essayé de faire en sorte qu’il n’y ait pas des dispositions conflictogènes et qu’il puisse y avoir véritablement une concertation, à chaque fois, entre le président de la République et le gouvernement, qui est issu de l’Assemblée. D’autre part, il y a aussi une disposition intéressante, c’est la possibilité pour le président de la République, c’est-à-dire Félix Tshisekedi, de pouvoir nommer un informateur. C’est-à-dire, quelqu’un qui va essayer de voir, au sein du Parlement congolais, comment dégager une majorité parlementaire. Et donc, cet informateur peut travailler pendant trente jours pour essayer de proposer une assemblée parlementaire, qui serait dirigée par une nouvelle coalition. Cet aspect peut effectivement amener à ce que le président Tshisekedi ait une certaine marge de manœuvre vis à vis de Kabila. Cette marge de manœuvre peut lui permettre d’essayer d’avoir une capacité d’action, en termes de gestion du pays.

Voulez-vous dire que, grâce à cet informateur, les députés pro-Kabila peuvent-ils  devenir des pro-Tshisekedi ?

Tout à fait et tout dépendra, effectivement, de l’habileté des négociations de cet informateur. Donc on peut proposer à Félix Tshisekedi une nouvelle majorité qui ferait exploser la plateforme FCC, qui est une plateforme électorale. Cette plateforme électorale regroupe en son sein plusieurs groupements politiques et plusieurs partis politiques.

La transhumance est-elle autorisée à Kinshasa ?

La transhumance est autorisée et est généralement facilitée par la capacité d’achat des regroupements politiques. L’achat se fait suivant des moyens financiers, mais aussi par rapport à l’appât des postes ministériels et des autres responsabilités au sein de l’Etat. Généralement, les partis politiques sont friands de ces postes de responsabilité, ainsi que des postes ministériels. Et le fait de pouvoir disposer de cet outil-là va permettre à cet informateur de pouvoir capter toute une série de regroupements et les faire basculer du FCC, majoritairement kabiliste, à une espèce de majorité qui serait pro-Tshisekedi.

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Est-ce que vous imaginez franchement que Joseph Kabila puisse renoncer au contrôle sur la sécurité et sur les mines ?

Joseph Kabila ne pourra pas renoncer sur ces deux secteurs, du fait qu’il les a bâtis depuis, quand même, plusieurs années, pour arriver effectivement à avoir le monopole sur le service de sécurité, notamment sur l’armée, la police et aussi sur les services sécuritaires civils.

Vous voulez parler notamment de l’Agence nationale de Renseignements(Anr) ?

Oui, -. Ces trois piliers du service de sécurité sont dirigés essentiellement par des hommes fidèles à Kabila et le nouveau président aura du mal à pouvoir les changer puisque, tout simplement, pour pouvoir les changer, il est indispensable de passer par le gouvernement. Et si le gouvernement est contrôlé par des hommes de Kabila, je vois mal comment il pourrait accéder à une demande, par exemple de Tshisekedi, pour les changer. Par ailleurs, au sujet des finances de la Rdc, il y a, d’une part, les finances publiques. Malheureusement, celles-ci ne sont pas très importantes, puisque l’on sait que le budget congolais tourne autour de cinq (5) milliards de dollars par an. Et d’autre part, il y a ce que l’on appelle le secteur financier mobilisable en dehors de l’Etat. Et ce secteur mobilisable- est constitué de deux piliers essentiellement. Il s’agit des mines et du pétrole. Or, ces deux secteurs sont déjà contrôlés par des sociétés qui ont des liens directs ou indirects avec le régime de Kabila. De ce fait, il y a carrément un monopole, de ce côté-là, que Félix Tshisekedi aura du mal à pouvoir briser. Or, sans ces deux outils, le chef de l’Etat aura vraiment, véritablement, beaucoup de difficultés à pouvoir arriver à asseoir son pouvoir et aussi à pouvoir impulser une autre gouvernance que celle qui est attendue, aussi bien par les Congolais, que par la région, ainsi que par la communauté internationale.

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Source : rfi.fr