RDC/A quand la fin des conflits armés ?

Le coordonnateur des recherches sur la violence au Congo pour l’Institut Ebuteli, basé à Kinshasa et partenaire du Groupe d’études sur ce pays, de l’Université de New York, Pierre Boisselet s’explique sur le risque de conflit ethnique qui opposerait la rébellion du M23 aux civils qui se sentent menacés parce qu’ils appartiennent à telle ou telle communauté dans plusieurs localités du Nord-Kivu.

La guerre dans le Nord-Kivu peut-elle provoquer des tensions à caractère ethnique ?

 -On peut même dire que c’est le cas actuellement dans la province du Nord-Kivu. Il y a malheureusement une histoire longue de tensions intercommunautaires. Et on voit assez clairement que, depuis la résurgence du mouvement du M23 au mois de novembre 2021, il y a eu plusieurs exactions qui semblent avoir visé des communautés spécifiques du Nord-Kivu.

« c’est difficile de prédire l’avenir, mais par rapport au génocide de 1994, qui avait été exercé par un État et par des organes étatiques avec un entraînement et un embrigadement très forts de la population, aujourd’hui, au Congo », ajoute le coordonnateur des recherches sur la violence au Congo.

Justement, quelles sont les communautés qui se sentent-elles menacées par le M23 ? Leurs craintes sont-elles justifiées ?

Ce qu’il faut peut-être rappeler, c’est qu’il y a eu un massacre important à Kishishe à la fin du mois de novembre [le 29 novembre] qui a été perpétré par le M23. Plusieurs dizaines de civils ont été tués à cette occasion et il y avait des membres de la communauté Nandée, Hutue et Hundée parmi les victimes.

Ont-ils été tués parce qu’ils appartenaient à ces communautés ?

Tout n’est pas clair sur ce massacre, mais ce qu’il semblerait, c’est que des miliciens issus de ces différentes communautés avaient combattu le M23 dans cette zone les jours précédents. Et donc, vraisemblablement, ce qui s’est passé, c’est que le M23 a exercé des représailles contre les civils de ces communautés au cours de ces massacres.

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Les Maï-Maï et les autres milices congolaises qui combattent le M23 ne risquent-ils pas d’exercer, elles aussi, des représailles – contre les populations tutsies du Congo ?

– Il y a eu plusieurs cas ces dernières semaines et depuis le mois de décembre, on a pu vérifier la mort violente de trois (3) personnes de la communauté tutsie du Nord-Kivu, la disparition de 2 autres. Une partie de ces exactions sont le fruit précisément de groupes armés présents dans la zone et venus combattre le M23.

Dans certaines villes du Masisi, situées au Nord-Kivu, n’y a-t-il pas des quartiers tutsis, qui se sont vidés de leur population par crainte de -représailles ?

Il semble que, notamment à Kitchanga, à la frontière entre les territoires de Masisi et Rutshuru, une grande partie des membres de la communauté tutsie ont quitté la ville à la suite de l’arrivée de miliciens, notamment de l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS). Cela fait suite aussi à d’autres exactions, notamment exercées contre le bétail.

On sait que c’est un élément important à la fois symbolique et économique de la communauté tutsie. Et donc, assez clairement, la communauté tutsie aujourd’hui, qui est minoritaire, est dans une situation assez précaire. Et cette précarité et cette menace ont été en fait renforcées depuis la résurgence du M23.

Naturellement, tout le monde pense au-massacre des Tutsis rwandais de 1994. Pensez-vous qu’il y a un risque de génocide qui pointe à l’horizon, au Congo ?

Évidemment, c’est difficile de prédire l’avenir, mais par rapport au génocide de 1994, qui avait été exercé par un État et par des organes étatiques avec un entraînement et un embrigadement très forts de la population, aujourd’hui, au Congo, je ne pense pas qu’on voit cela, en tout cas pour l’instant.

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En RDC, « Il y a beaucoup de groupes armés qui recrutent sur une base communautaire et cela donne lieu à des conflits qui peuvent être extrêmement sanglants. », affirme Pierre Boisselet .

Bien sûr, et je l’ai signalé, il y a des exactions à l’égard de civils. Mais, en fait, dans l’État congolais, l’armée congolaise notamment se caractérise plutôt par sa faiblesse, son incapacité à contrôler le territoire, ce qui d’ailleurs l’amène parfois à faire alliance avec des rebelles et des miliciens dans l’est du Congo.

Le président Félix Tshisekedi a affirmé que la Constitution congolaise est intraitable avec toute personne appelant à la discrimination et à la xénophobie. – Il reconnaît néanmoins qu’il y a eu quelques dérapages et que- l’État congolais a pris des mesures et sanctionné les coupables…

Oui. On ne voit pas forcément, disons, le caractère intraitable de l’État congolais sur ces dérapages. On pourrait citer par exemple le cas du général de la police, Aba Van Ang, qui, au mois de mai dernier, avait appelé les jeunes de Goma à s’armer de machettes pour se défendre, ce qui évidemment a rappelé le génocide de 1994. À ma connaissance, cet officier est toujours en poste à Goma.

En dehors du Nord-Kivu, y-a-t-il-des régions où de vieux clivages ethniques peuvent-ils se réveiller et provoquer des drames ?

-Il y a beaucoup de groupes armés qui recrutent sur une base communautaire et cela donne lieu à des conflits qui peuvent être extrêmement sanglants. Je pense notamment à celui en cours sur le territoire de Djugu, dans la province de l’Ituri, où notamment un groupe de milices qu’on appelle Coopérative pour le développement du Congo(Codeco), qui recrute essentiellement dans la communauté lendue, a commis un grand nombre de massacres sur des civils, notamment sur des déplacés.

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Et il y a aussi dans cette région d’autres milices qu’on appelle Zaïre qui, pour leur part, ont commis des exactions contre des civils lendus. Donc, c’est un conflit plus sanglant encore que celui en cours au Nord-Kivu pour l’instant.

Source : rfi.fr

N.B : Le titre est de la Rédaction de afriquematin.net