Politique/Le Mali est-il devenu un no man’s land pour les puissances européennes ?
Par Nazaire Kadia (analyste politique)
La situation qui prévaut actuellement au Mali, montre de jour en jour que ce pays est devenu un champ de bataille entre les puissances européennes, dont les intentions et les préoccupations sont loin de coïncider avec les attentes et les espérances du peuple malien.
On a désormais droit à une lutte sans merci pour préserver une zone d’influence ou pour en acquérir ; et la lutte contre les djihadistes et autres terroristes apparait comme le cache-sexe, l’argutie développée pour prendre pied dans ce pays et dérouler sa stratégie.
A cet égard, le Mali semble être devenu un no man’s land où chaque acteur étranger, peut au gré de ses intérêts, agir et faire des déclarations sans tenir compte de la souveraineté d’un pays et d’un peuple qui ne demande qu’à vivre en paix.
On se rappelle les invectives et les déclarations à l’emporte-pièce des autorités françaises, surtout celles du président Macron à l’encontre du premier ministre malien M. Choguel Maïga et du gouvernement, allant jusqu’à affirmer que ledit gouvernement n’est pas légitime ; comme s’il lui revenait de conférer une quelconque légitimité à un pouvoir. C’est à croire qu’il ne considère pas le Mali comme un département français ou à tout le moins un territoire d’outre-mer !
Comme si cela ne suffisait pas, des forces spéciales du Danemark ont débarqué au Mali pour intégrer la force européenne Takuba, sans avoir eu la courtoisie et au mépris des usages diplomatiques, d’en avertir les autorités maliennes. Et comme il fallait s’y attendre, le gouvernement malien, dans un communiqué, demande en toute logique, le retrait immédiat de ce contingent danois de son territoire, contingent dont le déploiement viole de toute évidence les protocoles d’accord existants.
Pour toute réponse, les danois affirment avoir publié un communiqué pour annoncer l’arrivée de leur troupe au Mali ! Faut-il en rire ou pleurer ?
Cette réponse est véritablement une insulte au gouvernement et au peuple malien, et montre le mépris affiché à son égard. Aucun gouvernement responsable, ne saurait accepter une telle réponse donnée avec tant de désinvolture. Le Danemark n’accepterait jamais une situation pareille sur son sol. Mais ici il s’agit de l’Afrique et tout y est permis.
Cerise sur le gâteau, la ministre allemande de la défense, a déclaré dans une interview, que les troupes allemandes resteront au Mali, alors que ce pays avait manifesté quelques jours auparavant, des velléités de retrait de ses troupes. Pour celle-ci, son pays n’entend pas faciliter la tâche aux Russes, dont l’aide a été sollicitée par le gouvernement malien à l’effet de combattre les djihadistes, et autres rebelles. Les allemands resteront donc au Mali tant que les Russes y sont.
Alors question : les troupes allemandes sont-elles au Mali pour combattre les terroristes ou pour empêcher les Russes d’y prendre pied ?
Aujourd’hui, la présence des européens qui avait été masquée sous le fallacieux prétexte de lutte contre le terrorisme au Mali, et qui a nécessité le déploiement de la force Takuba, apparait au grand jour comme une lutte pour préserver l’influence des puissances européennes et surtout française au Sahel.
Il reste entendu que les pays de l’Union Européenne n’ont pas une politique spécifique à chacun pour ce qui concerne l’Afrique francophone, mais s’alignent tous sur celle de la France. Donc toute cette agitation est une marque de solidarité à l’égard de la France, grandement concurrencée par la Russie dans ce qui était jusque-là son pré carré, notamment en Centrafrique, aujourd’hui au Mali et bientôt ailleurs.
A ce jeu de lutte d’influence et de préservation d’intérêts, les préoccupations et les aspirations du peuple malien comptent pour du beurre et on lui dénie même le droit de faire appel à des partenaires pour se défendre et chercher à recouvrer l’entièreté de son territoire.
Et c’est aussi le lieu de véritablement s’interroger sur les résultats obtenus par la force européenne Takuba depuis son déploiement sur le sol malien. Quels sont ses hauts faits de guerre dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ? A quel résultat a-t-elle abouti ?
Si après plusieurs années de présence sur le sol malien de la force européenne Takuba et française Barkhane, et que la situation sécuritaire de ce pays n’a guère évolué, pourquoi ne pas mutualiser les efforts avec la Russie, si tant est que la préoccupation est d’éradiquer le terrorisme ? Mais ceci est une fiction, car les préoccupations sont ailleurs.
On le voit, dans ce poker menteur malien, la France bénéficie de la solidarité des pays de l’Union Européenne pour préserver ses intérêts colossaux, mais le Mali est abandonné par ses voisins de la Cedeao, mis sous embargo par ceux-ci, pour qu’il se livre pieds et mains liés à la France.
Ainsi va l’Afrique.
Mais s’il y a eu un soir au Mali, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai