Mali/Une figure emblématique de la presse a rangé sa plume

Beaucoup d’émotion au Mali depuis le vendredi dernier, après l’annonce du décès du journaliste Adam Thiam. Éditorialiste réputé, collaborateur de plusieurs médias, mais aussi homme de communication et de conseil auprès des dirigeants successifs du pays, jusqu’à l’actuel président de la transition Bah NDaw. L’ancien directeur du journal « Le Républicain », Sidy El Moctar Kounta dont le défunt était un collaborateur de longue date décrit l’homme.

Quels sont vos sentiments, depuis l’annonce du décès d’Adam Thiam ?

 Nous sommes peinés de voir partir un homme aussi considérable, un homme si aimable, si affectueux… Il était quelqu’un qui voyait toujours devant, quelqu’un qui ne baissait jamais les bras et qui ne se décourageait jamais. Il avait toujours un chantier, un projet pour son pays, un projet pour son continent, un projet pour les siens.

Quel est le dernier moment que vous avez partagé avec lui et quel était son état d’esprit ?

Avec Adam on ne peut pas avoir un dernier moment de partage ! Tous les jours sont des jours et des heures de partage ! Que ce soit physiquement ou par téléphone ou de quelque moyen que ce soit, nous nous parlions tous les jours. Il avait le moral. Il ne se désolait pas, il ne se décourageait pas… Et pour lui, les chantiers attendaient sa guérison.

Selon Sidy El Moctar Kounta , Adam Thiam était une figure emblématique de la presse , « on venait le chercher, parce qu’on voulait profiter de son analyse, de son expertise ».

Pourquoi Adam Thiam était considéré comme une figure centrale de la profession journalistique, au Mali ?

Je dirais que ce serait réducteur de le ramener seulement à un journaliste, fut-il le meilleur, parce qu’il était le meilleur. Il était, incontestablement, le meilleur ! Mais c’était un homme tellement multidimensionnel, pluridisciplinaire… Et je crois qu’il tient cela de la formation très solide qu’il a eue au Mali, d’abord. Ensuite, à Dakar, en sociologie. Et plus tard, à Harvard. Adam a été un homme de culture extraordinaire ! Il a produit, il a écrit un livre qui mérite d’être très connu – Cri pendulaire – un recueil de poèmes. Il était d’une profondeur extraordinaire !

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Avait-il un talent de plume particulier, selon vous ?

Une qualité de plume incontestable ! Je suis fondé à en parler, parce que nous avons été journalistes ensemble. J’étais son directeur de publication et il était éditorialiste. J’ai toujours été impressionné – pendant les cinq-six-sept ans où nous avons travaillé ensemble au quotidien – de la qualité et de la pertinence de sa plume. Comme l’a dit quelqu’un : c’est l’un des esprits les plus brillants que notre pays ait produit.

Et puis il s’intéressait à tous les domaines, il était curieux… C’est-à-dire que, c’est quelqu’un qui connaissait des auteurs dont on n’avait jamais entendu parler et il exploitait ce qu’ils ont écrit. Cela, ce n’est pas donné, je pense, et j’ai toujours été impressionné par ce journaliste.

De cette époque commune, y avait-il une anecdote que vous pouvez partager et qui illustre son tempérament, à vos yeux ?

C’est presque une colle que vous me posez parce que la vie d’Adam Thiam, son vécu et son rendu, c’est que les choses se côtoyaient. Il parle de Pink Floyd tout comme il peut parler du Bembeya jazz… Une parfaite connaissance de la musique andalouse mais aussi de Brel et des autres.

L’anecdote, si je peux me permettre, quand il produisait un texte, tant qu’il n’était pas publié, il ne dormait pas. La moindre virgule, le moindre point d’interrogation, la moindre coquille ! C’était, pour lui, source de transe, donc il cherchait la perfection.

C’est aussi quelqu’un qui parlait à tout le monde, qui connaissait tout le monde, qui avait beaucoup de réseaux et beaucoup d’amitiés…

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Une des choses importantes que je retiens aussi de lui, c’est que, c’est le plus grand VRP que je n’ai jamais connu. C’est-à-dire que, si vous êtes en sa compagnie, en vingt-quatre heures de séjour à Bamako, vous rencontrerez mille personnes qui n’ont rien à se dire, mais qu’il arrivait à conglomérer, à rassembler… Et, naturellement, à mettre en musique, à tirer le meilleur d’eux…

L’homme a aussi été acteur de la vie politique. Il a conseillé les dirigeants successifs du Mali… Comment conciliait-il ces deux activités ?

De la manière la plus simple qui soit. En restant lui-même, en ne se reniant jamais. Il n’était pas dans le fayotage, passez-moi l’expression. Il avait une connaissance intime des domaines dans lesquels il était sollicité. Et ceux qui le sollicitaient, justement, ne s’y trompaient pas ! Qu’il s’agisse du président Konaré, alors chef de la Commission de l’UA, que ce soit le président de la transition Diocunda Traoré, et que ce soit aussi avec le président IBK ou le président de la transition actuelle Bah N’Daw, et avant lui, ATT… Il a été le conseiller – très honnête, très rigoureux -, de toutes ces personnalités.

Selon lui, cela ne posait-il  pas de problème de conflits d’intérêt ? N’est-ce pas  avant tout un moyen de faire avancer son pays ?

Oui. Je crois que c’est une raison suffisante. Servir son pays, servir son continent, servir l’homme… Je crois que c’est un bon credo, non ? L’essentiel c’est de pouvoir rester soi-même. Il faut dire qu’il ne courrait pas derrière, non plus ! On venait le chercher ! Et cela, ça fait toute la différence ! On venait le chercher, parce qu’on voulait profiter de son analyse, de son expertise. Et il était d’une telle dimension qui le portait loin, tel un albatros.

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 Source : rfi.fr