Logement sociaux/Le pire cauchemar
Enquête réalisée par Haidmond Kaunan/afriquematin.net
(Jeudi 11 avril 2019)-Six ans après le lancement du projet présidentiel de 60.000 logements sociaux, projet qui avait suscité en son temps un engouement auprès des Ivoiriens, celui-ci est en passe de devenir le pire cauchemar des différentes parties engagées dans ce qui avait suscité au départ l’espoir des populations ivoiriennes.
Lancé le mardi 2 juillet 2013 en pleine promesse de campagne électorale, le projet de construction de plusieurs logements sociaux de l’actuel président Ivoirien, Alassane Ouattara, a été mis en exécution, après l’accession à la magistrature suprême de celui-ci, en vue d’offrir des maisons à moindre coûts aux populations. Ainsi, plus d’une soixantaine de chantiers immobiliers sur des superficies de dix (10), voire quinze (15) hectares ont été lancés afin de faire sortir de terre lesdits logements. Les Ivoiriens, sceptiques au départ, se sont laissé convaincre par le démarrage des travaux lancées partout sur tous les sites concernés par l’opération. L’État de Côte d’Ivoire avait prévu, au profit des promoteurs immobiliers, un abattement de 80% du bénéfice imposable, résultant de l’exploitation, contre une exonération de 50% actuellement. Ils devaient donc réaliser Un programme de 10.000 logements sociaux ou économiques qui devraient voir le jour par an, sur une période de sept (7) ans et réduire progressivement le problème de logement sur toute l’étendue du territoire. Mais alors que les maisons étaient prévues pour être livrées au plus tard la fin du premier quinquennat de son initiateur, ces promesses tardent à se concrétiser.
L’origine de l’arrêt des travaux de la cité ADO
Inaugurée le 22 décembre 2016 en grande pompe par la remise de clefs, en dépit de la protestation des responsables de la Sicogi qui estimaient que les conditions ne s’y prêtaient pas, la cité ADO présentée par l’ex- ministre de la construction, Mamadou Sanogo comme le projet phare du programme de logements sociaux -,est devenu un véritable casse-tête chinois. Impuissant face à une telle situation, le maître d’ouvrage qu’est le ministre de la construction délèguera ses pouvoirs à la Sicogi, spécialiste de la construction pour le volet commercial de la cité. Le bureau national d’études techniques et de développement(Bneted), qui joue le rôle de maître d’œuvre, aura pour mission de superviser les travaux de construction confiés à une entreprise de Construction, qui devrait réaliser plus de deux-mille logements sur une superficie de 20 hectares. Pour la première, manche, ce sont au total 652 logements qui sont sortis de terre et 512 autres sont en voie d’être livrés. La déception des souscripteurs est d’autant plus grande qu’ils ne savent à quel saint se vouer.
A l’origine de l’arrêt des travaux de la cité AdO, se trouve le non-respect des cahiers de charge entre l’État de Côte d’Ivoire et l’entreprise qui réalise le projet. Au décompte, seulement 86 familles ont pu être «casé » sur un espace aménagé et inauguré il y a trois ans de cela, pour 652 acquéreurs. Et ce sont 2086 acquéreurs qui attendent et espèrent rentrer en possession de leur maison. Face à cet imbroglio et des nombreuses plaintes, la Sicogi, qui ’arrive difficilement à voir tous les contours de ce projet, a saisi le ministère de la construction pour l’arrêt de la commercialisation de la deuxième tranche en attendant d’y voir un peu plus clair.
La colère des acquéreurs.
La cité ADO, promise pour être livrée aux souscripteurs en 2015, peine à être achevée à cause du manque de professionnalisme et d’expérience de l’entreprise, choisie par l’ancien ministre Mamadou Sanogo pour exécuter ce projet présidentiel . « Nous étions obligés de reprendre certains travaux vu que certaines maisons sont tombées en ruines », souligne, amère, K.A, cet habitant de la cité. Il ajoute également « qu’à mon avis ce bail qui nous a fait rêver a échoué, car il a été conçu sur de mauvaises bases ». Les souscripteurs disent avoir porté plainte, à cet effet, contre la Sicogi bien qu’elle ne soit pas l’entrepreneur.
Entre doute et angoisse
D’une superficie de 40 hectares, un autre site a été aménagé pour accueillir des logements sociaux à Bingerville. Cette opportunité reste la convoitise de plusieurs opérateurs et promoteurs immobiliers qui rivalisent d’ardeur..Malheureusement, la situation géographique de cet espace constitue un frein. Les promoteurs immobiliers doivent déployer des moyens techniques colossaux pour réussir le pari, car le relief accidenté est difficile d’accès. Face à la mise en œuvre des voiries, des réseaux. Certains opérateurs sont obligés de se tourner vers des financements extérieurs. Malgré leur détermination les souscripteurs se trouvent animés par un sentiment de doute et d’angoisse quant à la fiabilité de ces constructions en période de pluies.
Dans l’attente de recevoir les droits de purge
Les villageois du village Songon Kassemblé, situé sur l’axe Abidjan-Dabou, constitués en collectifs de 59 propriétaires terriens et 270 producteurs agricoles attendent toujours leur droit de purge. Ils ont en effet signé en 2013 un protocole de cession de parcelles avec l’État de Côte d’Ivoire, via le ministère de la construction, dans le cadre des 60.000 logements sociaux. Une indemnité de 8,7 milliards de francs CFA et 1,8 milliard devrait être versée aux planteurs qui ont vu leurs biens détruits, sur la période de 2013 à 2018.Curieusement certains villageois ont été surpris d’apprendre par voie de presse que «des souscripteurs auraient cotisé vingt (20)milliards, auprès de 26 promoteurs immobiliers cooptés au départ pour le projet Kassemblé.et qu’en plus les montants de 5 milliards de francs CFA et 15 milliards ont été octroyés à la Côte d’Ivoire par des financements extérieurs pour le règlement des droits coutumiers et différents propriétaires terriens et des travaux ». Suite à cette information qui n’a pu être démentie, , les populations avaient bruyamment manifesté pendant des années afin que l’État paye six (6) milliards des 8,7 milliards francs CFA de droit de purge et 1,5 milliard pour l’indemnisation des cultures détruites sur 1,8 milliards qui leur revenaient de doit. Il doit toujours plus de 3 milliards de purge et d’indemnité. « Le ministre Claude Isaac Dé nous payait en monnaie de singe et individuellement .On a compris que ce programme de logements sociaux visait à appauvrir les propriétaires terriens et prioritaires des cultures. Nous avons décrié la méthode qui est contraire à l’ancien mode de payement », a souligné un propriétaire terrien de Songon Kassemblé.
La déception des promoteurs
H.B, cet homme d’affaires ivoirien ne cache pas son amertume à cause des grèves à répétions des populations villageoises relatives à leur droit de purge qui lui ont fait perdre beaucoup d’argent, « d’où le retard observé dans la livraison des premières maisons. Lors du lancement du projet, il fallait repartir les promoteurs immobiliers sur quatre sites, mais il y a eu un désordre. Nous qui sommes à Songon, avons observé qu’on nous a donné des clients qui avaient souscrits pour les sites de Bingerville et Grand Bassam. Nous avons été obligés de procéder à des remboursements. Et cela fait trois ans qu’on n’arrive pas à livrer les premières maisons attendues pour un délai d’un an.80% de nos clients ont désisté à cause du choix du site. Avec un manque à gagner de 2 milliards 800 millions de francs CFA »,a-t-il déploré.
Des logements hors de portée
Le quartier Modeste, route de Grand Bassam, occupe plus de quatre-vingt et un ha que partagent huit (8) promoteurs immobiliers, dont certains sont très avancés dans la réalisation des travaux. Des maisons sont prêtes et certains acquéreurs y ont même aménagé. « À ma connaissance, aucun habitant n’a eu de logement ici .On n’a fait que nous chasser sur notre site .Ils ont tout rasé », a confié un autochtone qui manifeste une frustration. Visiblement, les habitants de Modeste ne semblent pas être concernés par ce projet où il faut débourser la somme de 18 millions de francs CFA pour une maison. « Les droits de purges coutumier ont été versés, mais les producteurs agricoles attendent toujours leur dus pour leurs biens détruits », rappelle Kassy Fernand, un habitant.
Tous sans exception, souscripteurs, promoteurs immobiliers et propriétaires terriens sont déçus de tout ce qui se trame autour de ce projet qu’ils qualifient désormais d’arnaque.