L’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba acquitté en appel par la CPI

En 2016, l’ancien chef de guerre avait été reconnu coupable par la Cour pénale internationale de « crimes contre l’humanité » et de « crimes de guerre » commis en Centrafrique.
L’ex-vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, le 21 juin 2016, devant la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye.
Dix ans après son arrestation, l’ancien chef de guerre congolais Jean-Pierre Bemba a finalement été acquitté en appel par la Cour pénale internationale (CPI), vendredi 8 juin. La chambre d’appel « annule la déclaration de culpabilité de Jean-Pierre Bemba » et « prononce l’acquittement de l’accusé car les sérieuses erreurs commises par la chambre de première instance font entièrement disparaître sa responsabilité pénale », a déclaré la juge Christine Van den Wijngaert.
En 2016, l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) et candidat à l’élection de 2006 avait été condamné en première instance pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis, non pas dans son pays, mais en Centrafrique, en 2002 et en 2003. Le « chairman », comme l’appellent ses partisans, avait été condamné à dix-huit ans de prison. Ses défenseurs avaient fait appel, comme le procureur, qui réclamait une peine d’au moins vingt-cinq ans.

A la surprise générale, la chambre d’appel a donc renversé la peine d’emprisonnement la plus lourde jamais infligée par la CPI, juridiction fondée en 2002 pour juger les pires crimes commis de par le monde. Lors du procès en 2016, les juges avaient « condamné à tort M. Bemba pour des actes criminels spécifiques qui étaient en dehors des charges telles que confirmées », a poursuivi Mme Van den Wyngaert.

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« La chambre d’appel a conclu, à la majorité, que M. Bemba ne saurait être tenu pour pénalement responsable des crimes commis par les troupes du MLC pendant l’opération menée en RCA et qu’il doit en être acquitté. »
Arrêté en Belgique en mai 2008

Jean-Pierre Bemba, qui n’était pas en République centrafricaine au moment des faits, avait été condamné en tant que supérieur hiérarchique n’ayant ni prévenu ni puni les crimes de sa milice, le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), devenue depuis un parti politique en RDC. Durant cinq mois, en 2002 et en 2003, quelque quinze cents soldats du MLC avaient tué, pillé et ravagé. De nombreuses victimes avaient déposé lors du procès en première instance, évoquant notamment des viols, le plus souvent collectifs et en public.

Au cours des audiences d’appel, en janvier, comme tout au long du procès, Jean-Pierre Bemba avait, une fois de plus, éludé ses responsabilités et nié tout contrôle de ses hommes présents en République centrafricaine. A l’époque des crimes, les miliciens du MLC étaient partis combattre au profit du président centrafricain Ange-Félix Patassé, en butte à la rébellion de son futur tombeur, François Bozizé. Les avocats de M. Bemba ont assuré qu’une fois passée l’Oubangui, qui marque la frontière entre les deux pays, les combattants du MLC avaient été placés sous l’autorité de l’armée régulière centrafricaine. Ange-Félix Patassé avait, un temps, été ciblé par le bureau du procureur de la CPI, avant que ce dernier décide de ne pas le poursuivre.

Jean-Pierre Bemba avait été arrêté en Belgique en mai 2008, à la demande de la CPI. L’homme d’affaires y vivait en exil depuis sa fuite de Kinshasa, en 2007.

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Ses partisans exultent
Dans ce procès, 5 229 victimes ont été représentées par des avocats, qui entendent obtenir des réparations. Quant aux partisans du « chairman », ils espèrent déjà qu’il pourra concourir pour la présidentielle en RDC, prévue le 23 décembre. Une petite foule s’est d’ailleurs réunie vendredi en fin d’après-midi devant le siège du parti Congo Avenir, de Jean-Pierre Bemba, dansant et criant le retour de leur chef. « Le président Bemba est libre et va nous débarrasser de Kabila », scandent ses sympathisants.

Le capitaine Isena, l’un des gardes du corps de Jean-Pierre Bemba, prévoit déjà une « catastrophe pour Joseph Kabila », l’actuel président du Congo :

« Le peuple de Kinshasa va inonder la ville. Depuis la mort d’Etienne Tshisekedi, plus personne ne représente le peuple. Jean-Pierre va diriger le pays. »
Un conseiller du président congolais a toutefois averti que la partie n’était pas gagnée. « Jean-Pierre Bemba a affronté Joseph Kabila en 2006, mais il a perdu, il a pris les armes et a massacré. Cette fois, s’il se présente, il n’aura pas d’armes, pas de milices », a-t-il réagi auprès du Monde, estimant que « les Congolais ne choisiront pas un nouveau Mobutu, car c’est ce qu’il est, en pire ».

Jason Stearns, spécialiste de la RDC, et chercheur au Congo Research Group, estime, lui que « son acquittement change la donne sur le plan politique » :

« Nombreux sont ceux qui pensent qu’il doit mener l’opposition, qui semble à bout de souffle. Quelque chose manque à l’actuelle opposition : c’est d’avoir été constante dans sa lutte contre le pouvoir de Kabila. Jean-Pierre Bemba l’a été. »
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Outre ce procès, l’ancien vice-président congolais, qui est l’une des principales personnalités politiques jugées devant le tribunal international, a aussi été condamné en 2017 à un an de prison pour subornation de témoins au cours de son procès et à 300 000 euros d’amende, qui doivent être versés au fonds de la CPI destiné aux victimes.

Jean-Pierre Bemba demeure donc en détention eu égard a cette autre affaire dans laquelle il a été déclaré coupable d’atteintes à l’administration de la justice. La CPI doit désormais se pencher « d’urgence » sur cette affaire, ont souligné les juges de la chambre d’appel.

Le MONDE