TEHFOUR KONE, ex détenu pro-Soro : « j’ai lu sur les réseaux sociaux que le président Kanigui Soro et moi aurions trahi la cause de notre combat ».

Par Christ Zorro / Afriquematin.net

L’ex député de la commune d’Abobo et 1er vice président du Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (RACI), Koné Tehfour, a accordé une interview au quotidien Nouvel Génération dans laquelle  il  revient sur les causes de sa détention tout en faisant des révélations sur les accusations de trahisons qui éclaboussent son parti.

Quels sentiments vous animent-ils après être sorti de dix mois d’incarcération?

Je suis allé en prison de façon injuste ; je ne me reconnais ni d’Adam ni d’Êve dans ces chefs d’accusation. Mais je sais que je suis un homme politique, un homme public dont le rôle est de gérer ce qu’on appelle le contrepouvoir ; d’amener les gouvernants à connaître les pans cachés de leur gouvernance. Je me suis mis à la disposition d’un leader charismatique, qui pour moi est porteur de valeurs ; qui pour moi est une locomotive du changement positif, un homme qui est porteur d’une proposition de gouvernance à la nation ivoirienne. Je suis allé en prison parce que je suis allé l’accueillir à son retour d’un exil de six mois, le 23 décembre 2019; j’ai été arrêté sur des suspicions de diffusion de fausses nouvelles, d’atteinte à l’autorité de l’Etat

 Comment expliquer votre arrestation ?

Je suis allé en prison pour mon combat pour l’avènement de la démocratie ; pour l’avènement de l’Etat de droit, des valeurs citoyennes et civiques ; pour des valeurs démocratiques et de la République. La prison est difficile, elle est dure. Des moments ont été particulièrement difficiles pendant cette détention ? Oui, pendant cette privation de liberté, ma femme, mes enfants, mon père, un vieux de soixante-dix-huit ans…

Le jour où ma femme est venue me voir avec mes enfants, j’avoue que j’ai eu des larmes aux yeux. J’étais à la prison civile de Tiassalé : mon fils a regardé la garde pénitentiaire tenant des kalach, j’étais derrière les grilles pendant que lui est au parloir. Mon fils m’a regardé, et demande à sa maman : « papa fait quoi là ? » Je l’ai salué, il ne m’a pas répondu. Je l’ai regardé, il avait des larmes aux yeux et le plus petit âgé de quatre ans, sa mère lui dit : « voilà papa », mais, il cherchait qui est papa ? Pourquoi, selon vous, cherchait-il ? Il ne me reconnaît pas …

 A ce moment précis, qu’avez-vous ressenti au plus profond de vous ?

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Au plus profond de moi-même, j’ai compris que tous ceux qui ont été incarcérés injustement, pour leur combat allant dans le même sens, pour la République de Côte d’ivoire, partageons les mêmes douleurs. Je me suis dit : plus jamais ça en Côte d’Ivoire ! Je me suis dit qu’il faut lutter pour que la démocratie qui est un conflit pacifique, qui règle tout ce qui est divergences puisse être instaurée afin que plus jamais on ne puisse incarcérer un homme politique.Qu’il soit issu de la majorité présidentielle ou de l’opposition pour son opinion contraire parce que cela est consacré dans la Constitution de Côte d’Ivoire. L’expression plurielle de nos choix et nos pensées libres. Je me suis donc rendu compte que le combat valait la peine d’être mené. « Plus jamais ça ».

 Est-ce l’expression de la tolérance, du pardon pour tout ce qui est arrivé ?

Je vous assure que comme mon leader Guillaume Kigabfori Soro, je me suis inscrit résolument dans le pardon. Je me suis dit quand on mène le combat pour une bonne cause, les souffrances qu’on subit doivent être transformées en des bénédictions. Pendant que j’étais en prison, les heures de prière que je ratais, je les ai rattrapées et je les ai exécutées correctement pour être en phase avec Dieu. Aussi, j’ai pris l’engagement de pardonner ces dérives mais en même temps je me suis juré que si un jour je me retrouve dans la position de ceux qui m’ont mis là-bas, je dirai : j’en ai souffert, je ne peux soumettre un seul Ivoirien de façon arbitraire. Je combattrais cette injustice à tout moment.

 Etant en prison, vous auriez été approché par des émissaires du parti au pouvoir, le Rhdp, afin de rallier ses rangs ; qu’en est-il exactement ?

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Je mets fin à ce genre d’allégations mensongères : ce ne sont que des rumeurs, des fakes news. En prison, je n’ai reçu que la visite de mes amis, de ma famille. Jamais je n’ai été en contact avec un dirigeant actuel.

 Toutefois, certains de vos compagnons de lutte politique auraient, eux, été approchés également…

Nous étions séparés. J’étais avec l’honorable Camara Loukimane. Nous étions au quotidien ensemble. Nous prenions les repas ensemble, nous prions ensemble. A Tiassalé, en tout cas, nous n’avons reçu aucune autorité. A côté de cela, nous n’avons pas été en contact avec les autres amis jusqu’à ce que je sorte de prison. C’est seulement à ma sortie, que j’ai lu sur les réseaux sociaux que le président du Raci (Mamadou Kanigui Soro, ndlr) et moi aurions trahi la cause de notre combat pour l’avènement de la démocratie, de l’Etat de droit et des libertés publiques.

 Et devant une telle information, qu’avez-vous fait ?

Je suis allé moi-même rencontrer le président Kanigui le samedi pour échanger avec lui afin de porter un démenti à cette allégation par le même canal des réseaux sociaux.

 Qu’est-ce qu’il vous a répondu ?

Je voudrais réserver sa réponse par respect de notre amitié. Mais quand je sors de cette visite, mon objectif est que lui et moi dissipions ces rumeurs. J’ai pris l’engament et je le lui ai dit de faire un post pour non seulement démentir mais réaffirmer son engagement au combat que mène le président Guillaume Kigbafori Soro pour l’avènement de la démocratie, l’Etat de droit et la promotion des valeurs ivoiriennes.

Les rumeurs continuent de courir le concernant. Je souhaite, et je voudrais profiter de votre canal, pour lui demander qu’il puisse mettre fin à ces allégations pour ne pas que notre parti soit vu à partir de la tête comme le parti qui veut trahir, abandonner la lutte.

 La libération dont vous avez bénéficiée est assortie de certaines restrictions ; vous ne devez pas faire des activités politiques …

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Je veux rectifier. Les neuf premiers amis qui sont sortis de prison ont reçu des documents qui les astreignent à des restrictions de libertés. Moi, quand je sortais, il m’a été présenté un document que j’ai signé qui ne m’astreint à aucune restriction de libertés. J’ai rendez-vous demain, mardi (ndlr, aujourd’hui), avec le juge d’instruction, c’est peut-être là-bas qu’il pourrait me donner l’information sur les éventuelles restrictions auxquelles je pourrais être assujettis. Mais jusqu’à preuve du contraire, je suis sorti pour une liberté provisoire qui n’est assortie d’aucune condition.

 Quelle est votre avis sur les restrictions faites aux libertés des autres ex-détenus, vos compagnons politiques ?

Je vous ai dit que j’ai été accusé de façon arbitraire. Je suis venu à la politique de la manière la plus pacifique. Donc je n’ai jamais participé à aucune action qui porte atteinte à l’autorité ou à la sûreté de l’Etat. Je suis enseignant de formation, conseiller en alphabétisation ; j’ai été député à l’Assemblée nationale à la législature passée. Mon rôle a été l’éveil des consciences des citoyennes et citoyens ; je ne fais que dire aux Ivoiriens ce que c’est que la République, je ne fais qu’interpeler par l’action du contrôle parlementaire en disant : ici, il y a problème ; là, il n’y a pas de problème.Voilà ce qui a toujours été mon rôle. Là où il y a des difficultés, j’ai été toujours présent pour soutenir les pauvres. Je n’ai jamais été convoqué à la police pour quoi que ce soit : je suis resté digne fils digne d’Abobo, digne fils de la Côte d’Ivoire jusqu’à ce qu’on aille m’arrêter sous prétexte que je diffuse des fausses nouvelles.

Source: Génération nouvelle.