Covid-19/Traitement au plasma, l’OMS adopte la prudence

L’autorisation aux États-Unis de la transfusion du plasma sanguin de personnes guérie du Covid-19 à des patients hospitalisés a été annoncée le dimanche 23 aout dernier par le président américain Donald Trump. La validation américaine de cette thérapie pour lutter contre le coronavirus vient en amont des résultats des essais cliniques. L’infectiologue et cheffe de service à l’hôpital Saint-Antoine de Paris, Karine Lacombe  prône la prudence.

  Quel est le rôle du plasma dans le corps ?

« Lorsqu’une personne est malade, en l’occurrence du Covid-19, on décongèle les poches de plasma, et on lui transfuse », selon l’infectiologue et cheffe de service à l’hôpital Saint-Antoine de Paris, Karine Lacombe.

  Le plasma, c’est le liquide dans lequel baignent les cellules sanguines, comme les globules blancs, les globules rouges et les plaquettes. Mais ce liquide transporte également beaucoup de protéines, par exemple, les anticorps qui sont des protéines qui permettent de se défendre contre les virus et les bactéries. C’est un liquide extrêmement important dans le fonctionnement du corps, en particulier dans sa lutte contre les maladies infectieuses.

Pourquoi utiliser le plasma pour traiter le Covid-19 

La plasmathérapie est un traitement qui existe depuis extrêmement longtemps et qui a été utilisé contre beaucoup d’autres infections bactériennes et surtout virales. Dans le cadre du Covid-19, l’idée est d’utiliser le transfert passif d’immunité : dans le plasma, vous avez ces anticorps qui, chez les personnes guéries de la maladie, ont développé des défenses immunitaires. On va collecter ces anticorps et les transfuser à des personnes malades qui ne sont pas encore débarrassées du virus, et donc qui n’ont pas développé d’anticorps, la plupart du temps. L’idée en transférant de façon passive ces anticorps est de fournir des défenses immunitaires aux personnes malades.

En quoi consiste le traitement ?

Le traitement, c’est une collecte de plasma. Des personnes guéries font un don de sang et dans ce don, on enlève les plaquettes, les globules blancs, les globules rouges et on les réinjecte au donneur. On ne garde que le plasma, qui est ensuite traité. Des tests sont faits : si le plasma est positif à des virus, il est éliminé, sinon il est gardé. On lui fait aussi subir un traitement pour éliminer tout agent pathogène, bactérien ou viral.

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Le plasma est ensuite conditionné puis congelé. Lorsqu’une personne est malade, en l’occurrence du Covid-19, on décongèle les poches de plasma, et on lui transfuse, comme n’importe quel produit sanguin labile [On appelle produit sanguin labile, le produit issu d’un don de sang et destiné à être transfusé à un patient, ndlr].

Où en sont les essais cliniques ? 

Plusieurs essais cliniques ont été initiés entre avril et mai dans le monde entier. Actuellement en France, nous sommes en cours de recrutement, celui-ci ayant été ralenti à partir du mois de mai puisqu’il y a eu beaucoup moins de cas grâce au confinement. Toujours en France, par exemple, lorsque le patient a un Covid-19 pulmonaire et moins de dix jours de symptômes (c’est une condition pour entrer dans l’essai), il entame l’essai thérapeutique et peut soit bénéficier du plasma, soit être dans le groupe de contrôle, c’est-à-dire un traitement standard sans plasma.
Parmi les autres essais thérapeutiques qui sont en cours dans le monde, il y en a certains pour lesquels nous avons eu des résultats préliminaires : certains montrent que ça marche, certains montrent que ça ne marche pas, mais pour l’instant, nous n’avons pas encore de réponse probante. L’évaluation de l’efficacité du plasma est encore en cours.

Pourquoi les États-Unis ont-ils autorisé l’élargissement de la transfusion du plasma sanguin de personnes guéries du Covid-19 à des patients hospitalisés ?

En France et aux États-Unis, nous avons ce que l’on appelle un accès compassionnel, c’est-à-dire une possibilité de traitement accéléré par le plasma. Cet accès compassionnel est cependant très encadré.

En France, nous avons eu cette autorisation en avril et nous avons déjà transfusé du plasma à des personnes malades du Covid-19, en particulier des personnes qui ne pouvaient pas développer leurs propres anticorps, parce qu’elles avaient des maladies hématologiques, par exemple, qu’elles n’avaient pas les cellules du corps qui leur permettent de développer des anticorps, ou parce qu’elles avaient des traitements comme des chimiothérapies qui les rendaient beaucoup plus fragiles face au Covid-19.

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 L’autorisation de mise sur le marché accélérée, qui a été octroyée il y a trois jours par la Federal Drug Administration (FDA) aux États-Unis, fait suite aux premiers résultats d’efficacité mais surtout de tolérance, c’est-à-dire d’innocuité (qui n’est pas toxique, nocif, ndlr). I

l y a 35 000 personnes qui ont été traitées aux États-Unis en accès compassionnel réglementé, et l’innocuité de la plasmathérapie a été démontrée et il n’y a pas eu d’effets secondaires majeurs rapportés dans le cadre d’un accès accéléré au traitement, donc l’autorisation a été donnée dimanche dernier aux États-Unis pour une utilisation plus large de la plasmathérapie dans le cadre du Covid-19.

Quels sont les risques et les effets secondaires possibles de ce traitement ?

Les risques et les effets secondaire sont les mêmes. Le risque d’inoculer un agent infectieux est quasiment nul. Il y a cependant des risques, que l’on comprend très bien, qui ne sont pas forcément liés à ce plasma de Covid-19 mais qui sont liés au plasma de façon générale. Le premier risque est lié au fait que l’on apporte du liquide dans le corps, et qu’il peut y avoir une surcharge.

 Pour les personnes qui ont, par exemple, des problèmes cardiaques, il peut y avoir ce que l’on appelle une « surcharge cardiaque ». C’est un risque que l’on connaît très bien et que l’on prévient en donnant un médicament qui va faire uriner la personne que l’on traite, pour lui permettre d’augmenter son extraction urinaire.

Le deuxième risque est un risque d’allergie. Là aussi, comme toute transfusion de produit sanguin labile, on peut faire une allergie au produit qui est inoculé. C’est un risque extrêmement faible mais qui n’est pas nul. Avec l’étude américaine faite sur 35 000 patients, nous avons constaté qu’il n’y a quasiment aucun cas rapporté d’allergie. Le bénéfice potentiel de ce traitement est beaucoup plus important que le risque de développer une surcharge cardiaque ou une allergie.

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Pourquoi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a-t-elle affiché sa prudence quant à la plasmathérapie ?

L’OMS a raison d’être prudente. Nous n’avons pas encore de résultats sur l’efficacité de ce traitement. Pour l’instant c’est un traitement qui est encore en cours d’expérimentation. À mon avis, Donald Trump a donné une autorisation beaucoup trop précoce, probablement à visée électorale. Il avait besoin de faire une annonce majeure dans le domaine du Covid-19. Il a déjà essayé de le faire avec l’hydroxychloroquine, et il veut le refaire avec le plasma. Mais il ne faudrait pas, à cause de cette annonce, que l’on pense que le plasma est la panacée.

 Nous ne le savons pas pour l’instant. Probablement que le traitement fonctionne chez certaines personnes et probablement beaucoup moins chez d’autres.

L’autre problème, et je pense que l’OMS avait ce risque en arrière-pensée, c’est que dans beaucoup de pays du monde, en particulier les pays en développement, la sécurité transfusionnelle n’est pas optimale. Sous prétexte de traiter le Covid-19, il ne faudrait pas exposer les personnes à l’Hépatite B, l’Hépatite C, ou au VIH.

 La plupart du temps, le Covid-19 est une maladie bénigne, dans 80% des cas c’est une maladie avec peu de symptômes, et dans 15% des cas, il y a hospitalisation sans passer par la réanimation, donc il ne faudrait pas que l’on se retrouve avec des cas de transfusion d’un plasma avec du VIH à quelqu’un qui a une forme bénigne du Covid-19. La prudence est la meilleure attitude à adopter pour le moment.

Source: rfi.fr