Dérive autoritaire en Guinée : Jean-Yves Le Drian interpelle Alpha Condé

La tenue de l’élection présidentielle, prévue le 18 octobre prochain, est source de tensions en Guinée. Alpha Condé, président sortant, a promulgué une nouvelle Constitution qui lui permet de se faire élire pour un troisième mandat alors que le pays connaît une crise politique et institutionnelle sans précédent. Jean-Yves le Drian a précisé à l’Assemblée nationale que la France défendrait « la démocratie et le Droit ».

« J’enterrerai beaucoup de gens qui souhaitent ma mort », déclarait récemment le chef d’Etat de la république de Guinée, âgé de 82 ans. Après des rumeurs sur son état de santé, Alpha Condé semble vouloir briguer un troisième mandat. Se présentant comme le garant de l’unité nationale, le président de Guinée a pourtant plongé son pays dans une crise institutionnelle sans précédent en proposant un référendum pour changer la Constitution.

Jean-Yves Le Drian : « Il y a des exactions qui sont commises que nous n’acceptons pas ».

« Alpha Condé (…) veut, comme d’autres avant lui, changer la Constitution pour l’autoriser à un troisième mandat (…). Par un tour de passe-passe, la constitution ratifiée par référendum n’est pas celle qui a été publiée officiellement. Et je ne m’étends pas ici sur les répressions meurtrières aveugles contre les civils », résumait hier dans l’hémicycle le député Bruno Fuchs du Mouvement Démocrate.

Interpellé par ce dernier, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, n’a pas manqué de clarifier la position de la France au sujet de la crise guinéenne. « Notre posture est de soutenir la démocratie et le Droit. Nous souhaitons que des initiatives soient prises par le président Condé pour apaiser la situation à la suite d’un référendum que nous avons contesté ».

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Menace de sanctions internationales

Le ministre français a rappelé au passage que la Guinée a signé en 2000, dans le cadre des pays ACP, l’accord de Cotonou permettant la mise en place d’un partenariat entre l’Afrique et l’UE, dont le volet politique repose sur le respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’État de droit, que les deux parties s’engagent à respecter. Faute de quoi, l’aide européenne pourrait être suspendue.

Face à ce que certains voient comme une confiscation du pouvoir par le président Alpha Condé, la menace de sanctions internationales plane très fortement sur le pays. Un double scrutin (législatif et constitutionnel), fortement contesté par les Guinéens et la communauté internationale du fait d’irrégularités électorales, s’était malgré tout tenu le 22 mars dernier, provoquant une dizaine de morts, d’après les chiffres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). L’irrégularité du fichier électoral avait été pourtant pointée du doigt par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE) et l’Organisation des nations unies (ONU).

L’opposant Cellou Dalein Diallo en appelle à un scrutin « inclusif, transparent et juste »

Dans ce contexte, la tenue d’une élection présidentielle le 18 octobre prochain s’annonce presque impossible face au bilan politique et économique désastreux du chef de l’Etat. La société d’assurance-crédit Coface révèle « un climat des affaires défavorable (156e sur 190 pays dans le classement Doing Business 2020) », notamment causé par « l’anxiété grandissante à l’approche des échéances électorales de 2020 ». La tenue de l’élection présidentielle en octobre prochain risque d’engendrer des actes de violence et de faire fuir les investisseurs sur le long terme.

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Pour le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, le mépris des règles sanitaires par le président de la République révèle le peu de cas qu’il fait de la population guinéenne : « Alpha Condé a préféré continuer la campagne électorale pour son 3ème mandat et a organisé son double scrutin. Les regroupements liés à la campagne électorale et l’organisation du scrutin ont augmenté les risques de propagation du virus ».

Cellou Dalein Diallo en appelle à une annulation pure et simple du double scrutin du 22 mars. A la place, et afin de restaurer l’Etat de droit en Guinée, l’opposition souhaite s’assurer que les conditions d’un scrutin « inclusif, transparent et juste » soient à nouveau réunies.

La Rédaction