Togo/La Coalition de l’opposition veut boycotter les législatives

Quatorze partis forment la Coalition de l’opposition. Pour ces législatives les membres de ladite coalition veulent mettre à exécution leur plan qui est de boycotter   les élections législatives du  jeudi 20 décembre 2018 prochain. Brigitte Adjamagbo-Johnson est la coordonnatrice de cette Coalition de l’opposition. Elle porte son avis  face à ce qu’elle considère comme « un régime qui fait tout à l’envers ».  Derrière ce renoncement, y a-t-il un SOS lancé aux deux médiateurs de la Cédéao, les présidents Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha Condé de Guinée ?  

Pourquoi voulez-vous boycotter les législatives du 20 décembre 2018?

 Nous ne boycottons pas les élections du 20 décembre, nous sommes dans la logique de tout faire pour que ces élections soient arrêtées et qu’ensemble nous préparions des élections consensuelles, démocratiques et transparentes, tout comme le recommande la feuille de route de la Cédéao.

Et à quelles conditions pourriez-vous participer à des législatives ?

À condition que ce soit préparé au sein d’une Céni paritaire où chaque parti serait représenté par huit membres et où il y aurait un président neutre.

Votre principale revendication, c’est la limitation à deux mandats présidentiels avec effet rétroactif, pour que le président Faure Gnassingbé ne puisse pas se représenter en 2020, mais d’ici au mois de  mars 2020, vous avez encore quinze mois pour essayer d’obtenir cela. Alors en attendant, pourquoi n’allez-vous pas à ces législatives pour essayer de peser sur le futur débat parlementaire en vue d’une éventuelle révision de la Constitution ?

Voyez-vous, nous avons affaire à un régime qui fait tout à l’envers. En réalité, les Togolais n’ont pas demandé des élections. Les Togolais ont avant tout demandé des réformes pour parvenir à l’alternance. Alors la Cédéao, qui est intervenue comme médiateur, nous a proposé comme solution à la fois les réformes puis des élections législatives. Et il est prévu que les réformes aient lieu avant les élections, mais à ce jour les réformes n’ont pas pu avoir lieu parce que le régime n’en veut pas. Les élections, [les hommes du régime] veulent les organiser unilatéralement et organiser, comme ils en ont l’habitude, des élections frauduleuses. La feuille de route prévoyait également que les détenus, ceux qui sont détenus arbitrairement, soient libérés. Et bien, je peux vous dire qu’à ce jour nous avions 44 détenus, mais que, tout récemment, on en a pris encore au moins 12. Vous voyez bien que, dans ses conditions, il n’y a vraiment pas de quoi vouloir aller à quelque élection que ce soit.

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Dans la chambre actuelle, vous avez une minorité bloquante qui empêche le pouvoir de réviser la Constitution à la majorité des quatre cinquièmes. Alors-, si vous boycottez, le pouvoir ne pourrait-il pas faire tout ce qu’il veut ?

Mais ce qu’il y a de nouveau dans le contexte actuel, c’est que nous sommes dans un processus de règlement de crise qui est encadré par la Cédéao. Alors nous, nous prenons nos responsabilités en tant que Togolais, parce que nous sommes les premiers concernés, mais nous attendons également que  cette Institution prenne ses responsabilités.

 Feu Siradiou Diallo, qui s’opposait au général Lansana Conté en Guinée, disait souvent : « la fraude c’est condamnable, mais il vaut mieux avoir une minorité de députés que pas de députés du tout ».

Ce que je peux vous dire, c’est que le peuple togolais est décidé à ne pas laisser organiser, de toute façon, des élections frauduleuses et nous allons tout faire pour que ce processus-là soit arrêté.

Et s’il y a élection quand même, vous renoncez à toute présence à la chambre des députés ?

Il n’y aura pas élection, le peuple est déterminé à les empêcher et dans tous les cas, ce serait sans conséquence.

Vous dites sans conséquence à ceci près que s’il y a élection, il n’y aura plus de députés de l’opposition.

Qu’il y ait élection, ce ne sera pas ça qui mettra fin à la détermination des Togolais à en découdre avec ce régime, à mettre fin à plus de cinquante ans de règne.

Au terme d’une médiation Cédéao, les deux chefs d’Etat Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha Condé de Guinée encouragent les autorités à organiser des législatives avant la fin de l’année. C’est précisément ce que font les autorités. Est-ce que cela n’est pas décevant pour vous ?

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Non, non, ce n’est pas du tout décevant dans la mesure où les mêmes chefs d’État ont préconisé avant les élections que les réformes soient faites. Et dans la mesure où les mêmes chefs d’État ont bien dit, nous ont fait savoir, qu’il n’y aurait pas de fétichisme de dates et que les dates qui ont été annoncées l’ont été tout simplement à titre indicatif, cela qui veut dire que les deux protagonistes doivent pouvoir s’entendre pour aller aux élections lorsque les conditions seront réunies.

La médiation ouest-africaine a démarré après les grandes marches du mois d’août à octobre 2017, malheureusement ces actions n’ont plus cours de citer aujourd’hui. Cette inspiration est-elle mise aux calendres grecs ?   

En ce qui concerne les marches, je crois que vous vous trompez, le peuple a montré qu’il reste déterminé. Nous avons renoué avec les marches. Il y en a eu déjà deux fois en moins d’une semaine et ne vous en faites pas, nous en préparons d’autres.

La journée « Togo mort » qui a été organisée hier mardi n’a pas été autant suivie que vous le souhaitiez ?

Ah oui, vous faites allusion au bilan de la journée Togo mort. On peut dire que le bilan est mitigé, mais nous sommes convaincus que ça n’entame en rien la détermination des Togolais. Au contraire, nous interprétons ce bilan mitigé comme une demande des Togolais d’actions plus élargies qu’une opération Togo mort. Et c’est vers ça que nous irons dans les jours à venir.

Alors vous annoncez vouloir empêcher les législatives qui doivent se tenir dans deux semaines, c’est-à-dire le jeudi 20 décembre. Concrètement, allez-vous mettre à exécution ce plan pour empêcher les gens de voter au risque d’affrontements avec les forces de l’ordre ?

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Nous utilisons les moyens en notre possession pour faire en sorte que cette campagne n’ait pas lieu et que le processus électoral soit stoppé. Si affrontements il y a, je pense que ce sera le régime qui en sera responsable.

Les deux présidents facilitateurs du Ghana et de la Guinée lancent un appel pressant à toutes les parties, donc y compris à vous-même, pour qu’elles s’abstiennent de toute violence et pour qu’il y ait le dialogue. Quel est votre avis ?

Nous sommes dans cette logique et nous en appelons encore une fois aux facilitateurs. Nous savons qu’ils ont un agenda chargé, mais nous sommes convaincus qu’ils prendront leurs responsabilités et qu’ils interviendront avant que la situation ne dégénère.

Et qu’est-ce que vous  répondez  aux médiateurs Nana Akufo-Addo et Alpha Condé lorsqu’ils vous demandent de vous abstenir de toute violence?

Nous leur répondons que c’est ce que nous avons fait depuis le début du processus de médiation et nous restons dans la même disposition d’esprit, pourvu que l’on intervienne à temps pour faire en sorte que le Togo ne bascule pas dans le chaos.

 Espérez-vous une médiation de dernière minute avant ces législatives ?  

Mais absolument. Ce serait logique qu’ils interviennent pour dire « basta, ça suffit, ce n’est pas ce que la feuille de route prévoit ce que vous êtes en train de faire ». Il y a trois axes dans la feuille de route. Il y a les mesures d’apaisement à travers la libération des détenus et la levée de l’état de siège dans les villes qui sont assiégées, il y a les réformes et il y a le processus électoral. Quand on fait le bilan à ce jour, aucun des trois axes n’est vraiment respecté et quand on creuse pour voir à qui la faute, et bien, on est bien obligés de reconnaître que c’est le régime qui ne veut pas de cette feuille de route et qui a tout fait pour qu’elle ne soit pas appliquée.

Source : rfi.fr