Sacrifices rituels : De graves révélations sur les marabouts, comment distinguer les bons des faux
Depuis le meurtre de Traoré Aboubacar Sidiki dit ‘’Bouba’’, tous les regards sont désormais tournés vers les marabouts. Ils sont indexés et accusés d’être derrière les enlèvements d’enfants pour des sacrifices rituels. Mais qui sont-ils ? Des guides musulmans les ‘’déshabillent’’…
L’enlèvement du garçonnet de 4 ans, ‘’Bouba’’, samedi 24 février 2018, et son assassinat dans des conditions effroyables, a mis Abidjan et, partant, toute la Côte d’Ivoire, en émoi. Interpellé moins de 24 heures après, le présumé tueur, Etienne Sagno, 27 ans, a laissé entendre que c’est sur conseil de son marabout qu’il a commis l’acte. Depuis lors, les marabouts sont indexés. Suscitant ainsi plusieurs interrogations sur la nature, la fonction ou encore la qualité du marabout. Guide spirituel de la Communauté musulmane d’Abobo-Banco (Comuba), Cheikh Mahmoud Sanogo alerte : « Si on n’y prend garde, c’est tout un corps social qui risque d’être brûlé. Or, le marabout n’a rien à voir avec ce corps qui est celui du guide spirituel musulman avec qui l’opinion le confond. C’est pourquoi il convient de s’intéresser d’emblée à l’étymologie du mot marabout lui-même, comprendre son évolution et son utilisation aujourd’hui ».
Étymologie. Sur ce point, l’imam principal de la mosquée ‘’Masdjid nour’’ de Yopougon-Ananeraie carrefour Sorbonne, Soualio Ouattara, renseigne que le terme ‘’marabout’’ dérive du mot arabe ‘’rab’’, qui renvoie à ‘’Seigneur’’. Mais, en Afrique subsaharienne, le terme est ambigu au point de désigner deux corps profondément contradictoires. A savoir le guide religieux musulman et le charlatan, qui s’est infiltré dans le corps du dignitaire musulman. « A l’origine, marabout désigne celui qui est en Dieu, qui vit avec Dieu tout le temps. Mais, aujourd’hui, des féticheurs sont rentrés dans le milieu spirituel musulman. Etant donné que des guides respectables sont appelés marabouts, les féticheurs, les sorciers ou encore les charlatans se sont infiltrés et engouffrés dans ce terme ‘’marabout’’ pour camoufler leurs pratiques non islamiques. C’est pourquoi vous verrez que, de plus en plus, on ne se revendique plus marabout. Mais plutôt cheikhs, imams, ‘’oustaz’’ ou encore ‘’moilims’’, pour se démarquer du marabout. Disons du charlatan », souligne le guide de l’association tidjanite Nasrul Ilm, section Yopogon-Ananeraie.
«Si on met le marabout dans son sens étymologique et son contexte d’ascète, il ne peut s’apparenter au charlatan, dont la pratique est contraire à l’Islam. Même au Bénin, le maître vaudou se fait appeler aussi marabout. C’est juste pour profiter de l’aura du marabout », ajoute-t-il. De son côté, le guide de la Comuba relève que si l’on remonte à l’origine du mot ‘’marabout’’, on verra bien qu’un faux procès est fait à l’Islam. « Le terme ‘’marabout’’, qui a un rapport avec ‘’al mourabit’’, désigne un ascète, un érudit qui attire les fidèles vers lui pour des prières. On verra aussi qu’il y a des oiseaux, de très grands échassiers des latitudes tropicales de 3 espèces, qu’on appelle oiseau-marabout. Deux espèces nichent dans le sud de l’Asie et la troisième se trouve en Afrique subsaharienne. Il y a aussi des bouilloires appelées marabouts. C’est un mot qui renvoie à plusieurs choses à la fois. Ce qui facilite la manipulation. Sinon, même au Sénégal aujourd’hui, l’appellation de cheikh prime sur celle de marabout », fait valoir le cheikh Mahmoud Sanogo, spécialiste de numérologie islamique.
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Symboles non islamiques évoqués. Si tant est que le marabout est différent du guide musulman, la frontière semble difficile à déterminer entre les deux. Comment reconnaître alors l’ascète musulman du manipulateur, disons du faux marabout ? « Vous trouverez chez le marabout-charlatan des cauris, des pagnes blancs qui comportent des signes et symboles cabalistiques et des représentations dans sa maison qui n’ont rien à voir avec l’Islam. Le maraboutage n’est rien d’autre que l’invocation d’Allah par la prière, pour une cause. Le charlatan, lui, appelle des génies, qu’on appelle »djinns ».
A partir de là, on reconnait le guide musulman du marabout-féticheur ou du marabout-charlatan qui travaille avec les génies, les forces occultes », soutient Mahmoud Sanogo. « A l’origine, le marabout n’est pas mauvais. Mais, aujourd’hui, c’est devenu le surnom du bandit, de l’usurpateur, du charlatan, de l’associationniste. Le bon et vrai marabout, c’est celui qui guide, qui enseigne. Et c’est lui qu’on appelle le cheikh. On le reconnait par ses vertus. Il guide vers le bien et le licite. Quand vous êtes devant quelqu’un qui se proclame marabout et qui vous demande du sacrifice humain, qui ne condamne pas ce qui est blâmable et qui encourage l’illicite, alors vous avez affaire à un faux marabout », apprend l’imam Soualio Ouattara.
Révélations. L’imam principal de Masdjid Nour poursuit pour relever que la nature du rite permet d’épingler le présumé marabout. « Le vrai marabout ne peut conseiller de verser le sang humain pour avoir le pouvoir et faire fortune. Or, des fidèles nous rapportent que de faux marabouts leur demandent d’avoir des rapports illicites, comme par exemple un père avec sa fille mineure ; ou un homme à la recherche du pouvoir politique, avec une folle. Certains même vont jusqu’à déterrer des restes de leurs parents défunts au cimetière, pour des rites. Quand tu vois la nature du rituel, tu sais à qui tu as affaire. Celui qui demande ces rites bizarres, comme coucher avec une folle, enlever des enfants innocents, faire l’amour au cimetière avec un proche, c’est pactiser avec le diable. A ce moment, on n’est plus musulman. On est dans la sorcellerie, le fétichisme », apprécie-t-il.
Le numérologue Mahmoud Sanogo abonde dans le même sens. « Le marabout exige des sacrifices obscurs qui ne sont qu’un pacte qui ne dit pas son nom, avec le diable. Un fidèle m’a confié qu’un marabout lui a demandé de porter des habits d’une folle pour avoir le poste électif qu’il veut briguer. Des fillettes sont violées pour la même raison, sur conseils de marabouts. Avant, c’étaient plus les albinos qui étaient enlevés pour des sacrifices rituels visant le pouvoir politique et l’argent en vitesse. Le sang humain est sacré. Si cela était permis, depuis le monothéisme, Dieu aurait permis qu’Abraham immole son fils Ismaël. Ce phénomène n’est donc pas islamique », fait-t-il savoir ; avant de souligner que trouver des corans chez les faux marabouts pour « orner leurs maisons et berner le client » ne fait point d’eux des guides musulmans. « Il faut apprendre à connaître sa religion et les vrais hommes de Dieu. Il faut faire preuve de responsabilité et de discernement pour ne pas se mettre le couteau au cou avec des sacrifices bizarres contraires à la foi islamique », recommande-t-il.
Ce même appel est lancé par le cheikh Abdel-Aziz Oumar Chérif, qui explique que la nature de l’adoration musulmane est avant tout de retirer tout fidèle du blâmable et permettre de lever le voile entre le fidèle et son créateur, Allah. « C’est un phénomène de société. Quand les individus sont voilés parce que la foi n’est pas ancrée dans leur cœur, on retrouve une société voilée. Les passions deviennent d’autres divinités pour eux pour déboucher sur un environnement de pervers. Nous vivons une époque où la foi a perdu sa valeur et nous avons besoin de connaître Dieu en suivant de vrais hommes de Dieu pour mettre dans les cœurs la lumière de Dieu », conseille le guide spirituel de Nasrul Ilm Côte d’Ivoire, qui promeut l’excellence dans l’adoration. « Nous vivons le temps des déviations, des dérives des cœurs impurs qui se laissent détourner de la voie d’Allah. Des groupes constitués qui s’écartent eux-mêmes des principes divins et écartent les autres des valeurs islamiques. Tous se proclament cheikhs et se donnent la qualité de saints. Or, un saint homme de Dieu a 5 valeurs, au nombre desquels celui qui connaît Dieu, qui guide vers Dieu et qui est un vrai imam tourné vers le bien. Voici le guide à fréquenter, à suivre », interpelle le guide tidjanite à la tête du cercle spirituel Nasrul Ilm qui ambitionne d’être le réseau musulman ivoirien le plus puissant d’ici 2025.
TRAORE Tié
Source: linfodrome