Développement industriel/L’Afrique pourrait connaître de sérieuses difficultés
La Chine est aujourd’hui sans aucun doute le plus grand partenaire commercial de l’Afrique, avec des échanges qui, à la fin 2016, ont atteint les 114 milliards de dollars, soit environ 14% du commerce international réalisé par les pays du continent. Toutefois, les matières premières ont continué de représenter plus de 80% du total des importations chinoises en provenance d’Afrique. Les volumes de produits manufacturés eux sont demeurés faibles, à 7%, bien que leur part était en légère augmentation. Ainsi, dans leurs différentes stratégies de diversification, les pays africains ont misé sur une Chine, qui avait besoin de leurs minerais pour la réalisation de nombreux investissements infrastructurels. Mais cet âge d’or semble bientôt dépassé. L’économie chinoise fait face à une série de vents contraires qui, à terme, pourrait négativement impacter les besoins exprimés pour les matières premières africaines.
De récents indicateurs statistiques sur ce pays, font effectivement ressortir que la croissance des investissements dans les infrastructures chinoises a été de seulement 12% à la fin du mois de mai 2018. Une note qui, bien que positive, est sensiblement plus faible que les 20% de croissance qu’on avait observée sur la même période en 2017. Ainsi, des dizaines de projets annoncés pour l’année en cours ont été mis en veilleuse ou suspendus.
Une baisse du rythme des investissements qui plombera la demande chinoise pour les matières premières africaines
Cette baisse dans le rythme du développement des infrastructures en Chine est liée à plusieurs facteurs. L’un d’eux est que le gouvernement du président Xi Jinping, est en train d’évaluer l’efficience du stock des infrastructures actuelles. Le deuxième réside dans la volonté de réduire le poids de la dette publique du pays. En 2016, les banques chinoises ont accordé un volume record de prêts de 12 650 milliards de yuans (1880 milliards de dollars), le gouvernement ayant encouragé les mesures de relance financées par le crédit pour atteindre son objectif de croissance économique. A la fin du mois de mars 2018, l’encours global des prêts accordés aux entités publiques en Chine, atteignait les 5963,4 milliards $, représentant 47% du produit intérieur brut. Cette somme est très souvent empruntée auprès des banques, elles aussi publiques, pour le financement d’investissements, dont certains servent surtout à augmenter le nombre des emplois et ne présentent pas une rentabilité suffisante pour assurer le remboursement de cette gigantesque dette publique. Ajouté à ce problème, le gouvernement chinois doit faire face à la guerre commerciale que lui a déclarée directement l’administration américaine dirigée par Donald Trump. Techniquement, les 250 milliards $ de droits de douanes qui sont désormais imposés sur des produits chinois en entrant sur le sol américain, ne sont pas le plus gros problème. Le défi, derrière, est que, dans une situation où le gouvernement central doit trouver des solutions à la dette publique, il lui sera difficile de contenir la menace d’une baisse de ses importations, qui selon des analystes de la banque américaine JP Morgan, impacte indirectement plusieurs secteurs dans la chaine des valeurs des produits concernés. Enfin, on peut relever le récent accord commercial signé entre l’Union Européenne et le Japon, qui risque d’isoler davantage l’économie chinoise.
La hausse de la consommation chinoise comme une alternative ?
Face à ces contraintes qui menacent les ambitions d’investissement de la Chine, les analystes de l’agence américaine de notation Moody’s, ont estimé, qu’une opportunité pour l’Afrique, réside dans la migration de ce pays vers une économie de consommation. Mais les bénéfices de ce changement seront différemment ressentis par les pays du continent. La demande chinoise pour des produits comme le cuivre, le cobalt et l’aluminium restera forte. Ces métaux non ferreux sont largement utilisés pour produire des voitures, des appareils électroniques domestiques et des transports susceptibles de bénéficier de la consommation chinoise. En outre, l’initiative « Made in China 2025 » devrait également accroître la demande pour ces métaux. Toute chose qui bénéficiera à des pays comme la République Démocratique du Congo ou encore la Zambie.
De même, les analystes de Moody’s font savoir, que les exportations de produits alimentaires vers la Chine, telles que les oléagineux (huiles végétales), ont également augmenté au cours des dernières décennies et que cela devrait continuer. Cela profiterait à des pays tels que le Sénégal ou encore l’Éthiopie, un pays où la Chine investit massivement. Enfin, l’augmentation des niveaux de revenus en Chine implique également un changement des préférences de consommation vers des produits et des expériences plus sophistiqués, tels que le tourisme.
Les arrivées de touristes internationaux en Afrique ont déjà augmenté de 8,1% en 2016 selon l’Organisation mondiale du tourisme. L’arrivée des touristes chinois en Afrique reste modeste (1,5% du total des touristes chinois sortants), mais ils ont augmenté de 30% par an depuis 2012.
Une consommation menacée par une hausse importante de la dette des ménages
Sur cette opportunité que la consommation chinoise représente pour l’Afrique, plane tout de même une grosse hypothèque. C’est celle de la structure des revenus et de la dette des ménages de ce pays. Selon des statistiques officielles chinoises, depuis 2007, la part de la production de richesse nationale chinoise destinée aux ménages a diminué, de 46% à 42% du PIB. Le reste du revenu national de la Chine est principalement capté par les entreprises contrôlées par le gouvernement et leurs dirigeants d’élite. La part du revenu des ménages a diminué d’environ 1 point de pourcentage rien qu’en 2017. A côté de cela, on a aussi pu observer une baisse de la valeur des actifs boursiers. Depuis le début 2018, le principal indice de la Bourse de Shanghai était en recul de 15,7% au 16 juillet 2018. Sur les trois dernières années, ce repli est de plus de 32,8% selon des indicateurs de la plateforme Trade Economics. Ainsi, même si le nombre de millionnaires chinois augmente et que les revenus individuels ont aussi connu une courbe ascendante, la masse des consommateurs se trouve confrontée à la baisse des emplois et des revenus potentiels générés par les plus-values boursières. Mais la plus grande menace à laquelle font face les consommateurs chinois est la hausse de l’endettement des ménages qui a progressé bien plus vite que la croissance économique ces dernières années, à un rythme moyen d’environ 23%. Ainsi, alors que les revenus ont été multipliés par près de 3 dans le pays, la dette des ménages elle a été multipliée par 9.
Dans un rapport publié par la Banque internationale de règlement, il ressort que le poids de la dette des ménages au 31 mars 2018 était de 6141,3 milliards $ et représentait un ratio proche de 50% du Produit intérieur brut. Lorsqu’on rapproche cette dette du revenu net qui revient aux consommateurs chinois, on réalise qu’elle en représente 102% de la valeur. Ainsi, la baisse des investissements chinois pourrait être compensée par une hausse subséquente de la consommation, pour maintenir les flux d’exportations africaines vers ce pays. Mais cette consommation devra être suivie avec attention par les dirigeants africains, car elle est menacée par une hausse de l’endettement des ménages. Un défi, sur lequel les autorités chinoises n’ont pas encore donné des pistes de solution.
Source : agenceecofin.com