Coups d’état en Afrique de l’Ouest/ Kobenan Tah Thomas VP PDCI « Des putschs populaires ou des leurres métropolitains »
La chronique ‘’Les Actualités Politiques Ivoiriennes’’ numéro 18 du mercredi 02 Février 2022 de Kobenan Tah Thomas, Vice-président du PDCI-RDA.
Des putschs populaires ou des leurres métropolitains !
Je voudrais de nouveau inviter à une relecture des crises politiques qui ont cours actuellement dans la sous-région ouest-africaine. Plus particulièrement dans les Etats francophones qui sont paradoxalement les seuls dans lesquels des putschs ont lieu.
Vous devinez bien la raison d’un tel débat ! Il y a le buzz du blogueur Chris Yapi sur les audio attribués au président Ouattara de Côte d’Ivoire mais il y a aussi et surtout l’inattendu coup d’Etat opéré au Burkina Faso.
La dernière semaine de janvier 2022 a en effet enregistré un autre putsch au pays de Sankara dont l’ex-président avait lu le communiqué des sanctions contre la junte malienne le 10 janvier 2022.
Il s’agit donc du troisième du genre depuis Août 2020, date de la chute du président IBK au Mali, suivie de celle de monsieur Alpha Condé en septembre 2021 en Guinée Conakry.
Le coup d’Etat survenu le 24 janvier de 2022 contre M. Roch Christian KABORE pourrait s’inscrire dans la logique d’un phénomène de mode. La Guinée l’a fait, le Mali l’a fait et l’a parfait ; le faire donc au Faso ne pouvait que s’inscrire dans la logique d’un phénomène de mode.
Car à bien des égards, rien ne présageait d’une disgrâce du Président KABORE engagé aux côtés de Paris et d’autres partenaires dans la lutte contre les récurrentes et meurtrières attaques djihadistes au sein de la population du Burkina.
Or, apparemment, il n’en est rien ! Puisque ce putsch inattendu est finalement applaudi par le peuple (je ne m’en tiens ici qu’aux scènes populaires dans les rues des grandes villes du Faso). Cela pourrait ne pas suffire pour accorder légitimité à la junte qui occupe le Palais de Kossyam à Ouagadougou. Mais ignorer ce détail important, c’est aussi jouer à l’autruche niant la réalité des faits. Pour l’heure en tout cas, nous n’en sommes qu’aux formalités des condamnations de principe. Le putsch est consommé, l’attention de l’Elysée est ailleurs. Et surtout, l’exaspération de monsieur Le Drian qui casse les usages de la langue de bois diplomatique pour insulter presque les autorités actuelles du Mali nous montre à quel point c’est le Mali qui déroule le jeu tandis que la France réagit. Le cas du Faso et les potentiels autres cas ne sont et ne seront que subsidiaires ! Bref !
Tout compte fait, l’attitude de fermeté de la CEDEAO observée contre la junte malienne a laissé place à une certaine condescendance sur le cas burkinabé et l’on devine bien pourquoi.
La réalité est qu’il existe une cassure entre les aspirations des peuples et les méthodes de leurs dirigeants.
Entre les officiels de ces Etats et leurs populations, il se profile de plus en plus une mésentente profonde sur l’appréciation de la qualité des indépendances et des souverainetés nationales.
Les peuples colonisés réclament plus de liberté et d’autodétermination réelle là où leurs dirigeants s’accommodent encore du bon déroulement des jeux de pouvoirs dans l’ordre mondial.
Les peuples africains veulent commercer librement avec les partenaires de leur choix ; c’est une nécessité absolue ! Ils veulent résoudre leurs problèmes avec les partenaires les plus efficaces et les plus efficients. Les liens historiques et les questions de pré carré hégémoniques sont devenus obsolètes dans l’entendement des peuples.
La Centre-Afrique de M. Faustin-Archange TOUADERA a introduit ce modèle d’action, le Mali du Colonel Assimi Goïta et son peuple franchissent des pas « impensables » chaque jour dans un jeu de défiance contre la France métropolitaine. Un jeu de défiance où ils risquent jusqu’à l’équilibre de leur Etat.
Mais pourrait-on en dire autant pour la Guinée post Alpha Condé et pour le Burkina-Faso ? Il pourrait avoir des doutes là-dessus ! Je dis bien des doutes.
Car dans ce jeu, et dans l’optique de diluer l’ardeur des peuples ouest-africains à exiger plus de liberté, la France pourrait devancer l’élan des peuples et susciter des putschs qui ne sont que des leurres. Il faut donc aller au-delà des apparences.
Il faut retenir surtout que cette instabilité sous régionale et ses implications auront d’énormes incidences sur les économies de l’espace UEMOA.
Par exemple, la Côte d’Ivoire sera obligée de compenser son manque-à-gagner de recettes budgétaires du fait des embargos et restrictions commerciales avec certains pays de l’hinterland par l’augmentation des taxes ; donc des pressions fiscales à l’horizon.
Les précautions de règlement de ces crises par la CEDEAO devront donc entrevoir une visée d’ensemble et non réduire leur champ de règlement au seul fait du putsch. Et c’est le dialogue qui est recommandable dans ce cadre-là.
Merci et à mercredi prochain.