COP/Faut-il aller vers une transition énergétique ?
La ministre de l’Environnement du Congo-Brazzaville, Arlette Soudan-Nonault a décidé de quitter la COP avant la fin des négociations. Pourquoi cette décision ? Elle clarifie sa position.
Vous décidez de claquer la porte avant la fin de la semaine de la COP-, qui selon vous- est en passe de virer au cauchemar pour l’Afrique. Qu’est-ce qui motive votre mécontentement ?
Pourquoi ce coup de poing un peu sur la table ? Parce que ce n’est pas normal, la spécificité déjà de l’Afrique, qui n’émet que 4% des émissions mondiales, n’a pas été prise en compte. Là, nous venons pour parler d’adaptation, nous venons pour parler d’atténuation, nous sommes de bons élèves de l’atténuation, mais en tant que personnes responsables, il nous faut continuer à concilier atténuation et développement, il nous faut donc aller vers une transition énergétique avec des énergies propres, donc il nous faut des financements.
Dans le cadre de tout ce qui est inondation, érosion, impact du changement climatique sur nos vies, il faut également avoir ce qu’on appelle un financement des pertes et dommages, mais là également, c’est un os en plus. On nous donne l’impression d’avoir créé un nouvel instrument, non ! Il faut simplement mettre en place les deux conventions qui existent depuis toujours, mais jamais ne mises en pratique.
Est-ce les financements qui bloquent certaines avancées ?
Comment voulez-vous que nous, on aille à une transition énergétique ? Puisque Glasgow a donné l’illusion qu’on prenait en compte le bassin du Congo, vous avez entendu ce chiffre d’un milliard et demi mobilisé, mais je ne sais pas ce qu’on en a fait du milliard et demi ! Moi, je suis la coordinatrice des seize pays du bassin du Congo, nous avons un plan d’investissement, un fonds fiduciaire, qui est le fonds bleu pour le bassin du Congo, et une banque multilatérale de développement qui va gérer les finances, la ligne budgétaire, et ensuite rendre éligible certains projets déjà identifiés, il y en a près de 254 dans le plan d’investissement. Mais finalement, on nous reproche d’être de bons élèves de l’atténuation ?
Les plans climat, nous les avons, les plans d’adaptation, nous les avons, et chaque fois que nous avançons on nous ouvre une porte et on en ferme une autre, et ensuite, j’entends l’Union européenne prendre la parole, Monsieur Timmermans, pour dire tout simplement, en chuchotant pratiquement, que le charbon n’est pas cette énergie que l’on veut polluante ! Mais attendez, on se moque de qui là ?!
Estimez- vous un -peu victime du fait qu’on a mis toutes les énergies fossiles au même rang ?
La majorité des pays européens maintiennent ces centrales à charbon, qui polluent énormément, et d’un côté, on veut nous donner des leçons, sans nous donner une contrepartie, une économie alternative pour nos populations. Vous comprenez que j’ai beaucoup d’inquiétude, je suis venue très optimiste ici, mais vous m’entendez très déçue.
Qu’attendez-vous de cette COP ?
…Il y a des démarches déclaratives vous avez Kerry qui vous dit que c’est de l’injustice climatique, vous avez Biden qui est arrivé qui dit qu’il faut prendre en compte les forêts et les tourbières du bassin du Congo, vous avez le président de l’Union africaine, Macky Sall, qui dit qu’il faut prendre en compte aujourd’hui l’Afrique, les promesses n’engagent que ceux qui y croient, nous ne sommes pas des naïfs. Mais que nous ayons l’honnêteté de nous laisser aller clairement vers ce qu’on appelle le marché du carbone souverain.
…Dans le cadre de l’atténuation, la problématique du bassin du Congo n’a même pas été évoquée ? Et celle de l’Afrique n’a pas été évoquée du tout, donc je crains qu’on ne veuille nous étouffer. Il faut nous citer pour reconnaître que nous sommes le régulateur, ils ne le disent pas ! Parce que reconnaître que nous sommes un bon élève de l’atténuation, derrière, qu’y a-t-il ? Mais derrière, il y a les services écosystémiques que nous réclamons et qui nous sont dus ! Mais nous ne venons pas quémander, pourquoi on veut nous faire passer pour des mendiants ?
Peut-on aussi discuter- que c’est difficile à comprendre que les pays africains producteurs d’hydrocarbure demandent des financements alors qu’ils vont continuer à en produire ?
D’abord, le fait que nous exploitons nos hydrocarbures, vous avez bien vu que nous n’émettons qu’à 4%, donc ce n’est pas nous qui provoquons les plus gros dégâts, ça, c’est le un. De deux, si vous voulez que nous ayons un moratoire, au même titre que la carbonisation de façon générale avec les pays du Nord, mais il faut qu’on en discute, ça ne doit pas être quelque chose vers quoi on veut nous obliger, à aller dans cette impasse, sans nous donner une alternative économique, nous avons droit également à une vie décente, à un développement, vous n’allez pas nous demander à nous, pays africains, de nous serrer la ceinture pour que le monde riche respire.
De ces gisements d’hydrocarbure les populations riveraines disent qu’elles n’ont toujours pas l’électricité, est-ce que les hydrocarbures sont-ils un vecteur de développement ?
Bien sûr, prenez le cas de mon pays, ça a permis déjà de mettre de grandes infrastructures, d’accessibilité, sur le plan sanitaire, sur le plan scolaire, et on a commencé déjà, dans le cadre d’une décentralisation, d’une déconcentration, à développer les collectivités locales, ça ne se fait pas d’un claquement de doigts.
Le développement des énergies renouvelables n’est-il pas-à même d’électrifier finalement un pays, comme le Congo ?
On est dessus, on y est, mais comme on nous demande aussi d’un autre côté de commencer ce désengagement et que nous sommes des personnes responsables, mais donc pour aller vers ces énergies moins polluantes, ces énergies propres, il nous faut beaucoup d’argent pour justement changer ces différentes centrales.
Source : rfi.fr