Contrebande du Cacoa/Il faut des mesures structurelles pour enrayer le fléau

La contrebande du cacao en Côte d’Ivoire est un problème important et majeur, car le pays en est le premier producteur mondial. Cette activité illégale implique le transport et la vente de fèves en dehors du circuit officiel, souvent vers les pays voisins, notamment le Libéria, la Guinée, le Ghana, le Burkina et même le Mali. Le 18 février 2025 dernier, les douanes ivoiriennes ont intercepté six conteneurs contenant 1 266 sacs de cacao destinés à l’exportation frauduleuse. Le Professeur Séraphin Prao Yao relève les maux qui minent la filière et surtout les conséquences sur l’économie ivoirienne lors d’un entretien sur une chaine radio internationale.

. Quelle est la situation de la contrebande du cacao en Côte d’Ivoire ?

 Au dernier trimestre 2024, près de 50 000 tonnes de cacao auraient été vendues illicitement vers les pays voisins. Mais selon des enquêtes menées auprès des coopératives, dans l’ouest du pays, ce sont environ entre 100 000 et 200 000 tonnes qui ont été vendues en Guinée et au Libéria lors de la saison 2023-2024. En moyenne, ce sont environ 150 000 tonnes qui sont sorties illégalement en 2024.

Pouvez-vous nous rappeler quelques zones concernées ce fléau ?

Longtemps confinée aux frontières du Ghana et de la Côte d’Ivoire, la contrebande de cacao gagne du terrain dans d’autres pays ouest-africains situés dans le bassin cacaoyer. Si le Togo, le Burkina Faso ainsi que le Libéria font partie de cette liste, c’est toutefois la Guinée qui est au cœur des inquiétudes des autorités ivoiriennes

« Le cacao est une aubaine pour les acheteurs, mais une malédiction pour les planteurs des pays tropicaux », souligne le Professeur Séraphin Prao Yao.

En effet, la Guinée bénéficie d’une longue frontière commune (610 km) avec le pays, ce qui offre plusieurs points d’entrées aux camions chargés de cacao. La ville de Sipilou est située à 6 km de la Guinée. Ouaninou est à 18 km de la Guinée et Danané n’est pas loin de la Guinée et du Libéria. Actuellement, c’est dans ces zones que le trafic du cacao bat son plein de façon frénétique.

Les pertes potentielles pour la Côte d’Ivoire sont-elles énormes ?

 Notons en premier lieu qu’en Côte d’Ivoire, le cacao est stratégique, puisqu’il représente environ 15% du produit intérieur brut (PIB), près de 40% des recettes d’exportation, 12% des recettes fiscales et fait vivre 5 à 6 millions de personnes, soit un cinquième de la population, selon la Banque mondiale. Au bas mot, ce sont environ 350 milliards de franc CFA que le pays a perdu pour la saison 2023-2024.

En second lieu, le pays perd des ressources financières alors que le prix de cacao se comporte bien au niveau international. Le prix du cacao a atteint un niveau record de 12 646 dollars la tonne en décembre. Des années de mauvaises conditions climatiques dans la région clé de production de cacao d’Afrique de l’Ouest et la maladie du swollen shoot du cacao ont entravé la production. Le 27 février 2025, le cacao se négociait à 9130 dollars la tonne. On se souvient que le budget 2017 avait enregistré une perte de 400 milliards FCFA due à la baisse des cours du cacao, du pétrole et du paiement des soldes des militaires qui se sont radicalisés. Dès lors, lorsque les principales spéculations se comportent bien sur le marché international, le pays doit en profiter au maximum.

Quelles sont les différentes causes de la contrebande du cacao dans votre pays ?

 Il est possible d’énumérer cinq (5) causes pouvant expliquer la contrebande du cacao dans notre pays. D’abord, il y a la cause relative à la pauvreté que vivent les paysans. En Côte d’Ivoire, 24% de la population ivoirienne vivent du cacao, et plus de la moitié des producteurs vivent en deçà du seuil de pauvreté, avec moins de 757 francs CFA (1,2 dollar) par jour.

 La dernière enquête des ménages montre ainsi que 54,9% des producteurs de cacao vivaient en-dessous du seuil de pauvreté en 2015. Près de 80% des gains de la filière sont concentrés au niveau de la deuxième transformation (celle de la pâte de chocolat) et de la distribution des produits finis aux consommateurs, deux étapes où la Côte d’Ivoire ne joue pas de rôle important.

Selon le ministre de l’Agriculture, sur les 100 milliards de dollars générés par le binôme café-cacao, les producteurs ne reçoivent que 2% contre 6% pour l’État. En effet, les producteurs ivoiriens n’ont reçu qu’une part relativement faible du prix mondial, à cause de la forte taxation à laquelle ils sont soumis (taxes à l’exportation et autres prélèvements). Cette pauvreté des producteurs de cacao les rend très vulnérables et donc preneurs des prix proposés par les pisteurs contrebandiers.

Ensuite, il y a la hausse des coûts de production ; un prix payé aux producteurs trop faible, face à des coûts de production toujours plus élevés, entraîne la contrebande du cacao. En effet, si on associe les coûts des intrants, des produits phytosanitaires et des sacs pour stocker les fèves, alors on se rend compte que tout ceci affecte le niveau de revenu des producteurs.

En outre, les paysans doivent nourrir les manœuvres qui travaillent dans les champs. Or, les prix du sac de riz, de l’huile, de la tomate ont augmenté sur nos marchés. Du coup, les paysans, au final, ne s’en sortent pas malgré la fixation du prix du kilogramme du cacao à 1800 franc CFA.

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Le revenu brut du producteur dans cette nouvelle réalité dépend du prix de vente élevé du cacao auquel on doit soustraire le prix élevé des intrants, des produits phytosanitaires. Donc le revenu du producteur a diminué.  De même, la pauvreté augmente car le revenu net est insuffisant pour combler ses frais de subsistance (santé, éducation, nourriture, logement, électricité).

L’autre cause aussi est la proximité géographique et culturelle des planteurs frontaliers. Vous voyez, Sipilou est une ville frontalière située à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, distant seulement de six (6) Km de la Guinée, par rapport au département de Biankouman qui lui est à soixante-cinq ((65) Km et Abidjan qui, quant à elle, se trouve à sept-cents (700) Km. Cette localité est située sur la limite entre la zone de savane et la zone de forêt dense ivoirienne.

 La population de Sipilou, d’ethnie Yacouba, appartient au groupe Dan. Ils seraient venus de la Guinée voisine et du Libéria. Certains Yacouba de Sipilou ont leurs parents en Guinée connus sous le nom ethnique Cônon. Le Yacouba de Sipilou parle d’abord sa langue et ensuite le Cônon. A Danané également, la proximité avec le Libéria voisin, rend les producteurs de cacao de cette zone sensibles à un arbitrage entre la vente de leurs productions en Côte d’Ivoire ou au Libéria.

On retrouve la même situation à Ouaninou, qui est situé à 18 km de la frontière Guinéenne. A l’Est de la Côte d’Ivoire, à Kotokossou, localité située dans la sous-préfecture de Damé, à 10 km à l’Est du département d’Agnibilékrou et à quelques encablures de la frontière ivoiro-ghanéenne, on constate le même trafic. Le trafic du cacao à Kotokossou n’est pas un cas isolé dans la région de l’Indénié-Djuablin. Les départements d’Abengourou et de Bettié ont été, eux aussi, en proie à cette fuite clandestine et massive. On retrouve également cette contrebande dans le département de Tanda et de Bondoukou.

La quatrième cause est le différentiel des prix bord-champs dû aux systèmes de commercialisation. L’impact et la conséquence de cette subite hausse des cours mondiaux du cacao pour les planteurs des pays producteurs est différent selon le système de vente et de commercialisation adopté par le régulateur.

Dans le cas de la Côte d’Ivoire, sur le marché de vente à terme ou par anticipation, le régulateur met en vente un an à l’avance, la production de cacao qu’il attend ou qu’il espère. Ces ventes sont faites aux négociants et aux exportateurs sur la base du prix du marché. Mais, le régulateur peut vendre ses contrats beaucoup plus chers s’il estime qu’il dispose d’une bonne qualité et s’il s’estime assez fort pour imposer son prix.

Au niveau de la commercialisation intérieure, un prix minimum représentant 60% du prix CAF, est garanti aux producteurs de café et de cacao dès la campagne 2012-2013. Pour la commercialisation extérieure, l’Etat a mis en place un système de ventes anticipées à la moyenne (PVAM) qui permet de tirer avantage des hausses éventuelles du marché et de garantir un prix minimum aux producteurs.

Les ventes sont organisées à travers une messagerie électronique et la règle de gestion prévoit un prix plafond au-delà duquel toute offre est rejetée pour éviter la surenchère. L’Etat maintien la fiscalité et de la parafiscalité à 22% du prix CAF conformément aux engagements pris par le Gouvernement vis-à-vis des Partenaires au développement.

En termes d’avantages, en théorie, ce type d’opération permet de stabiliser à l’avance les prix et, sur la base de ce marché global, garantir un prix unique d’achat. La Côte d’Ivoire vend 80% de sa production à terme et 20% au comptant ou spot. Généralement, les 80% sont vendus au début de la campagne principale qui se déroule entre octobre et fin mars, et les 20%, lors de la campagne intermédiaire qui se déroule d’avril à septembre.  Ces systèmes garantissent aux agriculteurs des prix fixes, mais ils peuvent bien inférieurs aux prix du commerce mondial. En revanche, au Cameroun, au Nigéria, en Guinée et au Libéria, la hausse des cours mondiaux du cacao est directement répercutée sur le prix payé aux planteurs et dépasse largement l’équivalent des prix proposés en Côte d’Ivoire.

La libéralisation du système de vente signifie que le régulateur ne fixe pas de prix garanti obligatoire à respecter par l’exportateur ou le négociant. Le planteur et les acheteurs doivent « négocier » et « s’entendre » sur un prix de vente avec comme référence, le prix de clôture du marché de cacao, la veille. Avec un tel système, le planteur est seul face aux négociants qui disposent de toutes les informations et de tous les instruments de couverture et de protection contre les fluctuations quotidiennes du marché. Le planteur perçoit un prix élevé quand le marché monte et un prix bas quand le marché est en chute libre.

La rigidité des prix face aux envolés des prix sur le marché international conduit les producteurs frontaliers des pays où les prix sont bas à vendre dans les pays voisins où les prix sont meilleurs. Avec le prix de 1800 FCFA payé aux producteurs ivoiriens, au Libéria et en Guinée, les prix varient entre 4000 FCFA et 5000 FCFA.

Quelles sont les solutions proposées par les autorités ivoiriennes à la contrebande du cacao ?

 Il est possible d’énumérer quatre solutions engagées par le gouvernement pour stopper la contrebande du cacao dans notre pays. La première est le dispositif de surveillance, les forces de l’ordre sont déployées pour empêcher le trafic du cacao vers les pays voisins dans les zones sensibles. Depuis le 02 octobre 2024, l’opération “Verrou 322” conduit par les Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire et les Corps paramilitaires, a été initiée et vise à lutter contre la fuite des produits agricoles de rente.

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 Dans ce cadre, des enquêtes sont menées dans les zones de persistance du phénomène. Le 14 janvier 2025, un vaste réseau impliquant des autorités administratives et militaires dans l’ouest du pays, accusées d’être impliquées dans l’exportation illégale de produits agricoles vers un pays voisin, a été démantelé.

Face à la gravité de ces faits, le chef d’État-major général des armées, le général de corps d’armée, Lassina Doumbia, a annoncé des mesures fermes. En effet, des sanctions administratives ont été immédiatement prises à l’encontre de ces personnes par leurs différentes hiérarchies, sans préjudice de poursuites pénales. Ainsi, le préfet du département de Sipilou, le Commissaire de police de ladite ville, le chef du détachement des FACI, le commandant de la brigade de Gendarmerie et le chef de Bureau des douanes ont été immédiatement relevés de leurs fonctions.

La deuxième solution concerne les compétences données au pôle financier du tribunal de première instance d’Abidjan. Ainsi, pour freiner l’élan des trafiquants, le Garde des Sceaux, Sansan Kambilé a donné pleine compétence au pôle financier du tribunal de première instance d’Abidjan, pour juger les affaires concernant la contrebande du cacao.

Désormais, le directeur général du conseil café cacao, Yves Brahima Koné, pourra porter plainte contre les contrevenants et trafiquants de l’or brun. Cette plainte doit désormais être déposée devant le pôle économique et financier d’Abidjan et non plus devant les juridictions des villes de l’Ouest de la Côte d’Ivoire, où l’infraction est commise.

La troisième solution reste la sensibilisation, le gouvernement essaie de sensibiliser les producteurs sur la nécessité de vendre leurs productions en Côte d’Ivoire. En effet, l’économie du pays dépend fortement de cette spéculation. Ce sont les taxes prélevées sur l’exportation des matières premières qui permettent à l’État de financer la construction des hôpitaux, des dispensaires, des écoles et des routes. Ainsi, le gouvernement compte sur le patriotisme économique des producteurs pour enrayer la contrebande du cacao.

Et enfin la quatrième solution reste l’amélioration des conditions de vie des producteurs. Les producteurs de café et de cacao, les deux principaux produits agricoles de l’économie ivoirienne, bénéficient désormais d’une assurance maladie entièrement prise en charge par l’Etat, à hauteur de 12 milliards de francs CFA (20 millions de dollars américains) par an.

En effet, désormais tous les producteurs de café et de cacao détenteurs de la carte du planteur, ainsi que leur famille, bénéficieront de la Couverture maladie universelle (CMU) », a annoncé le ministre en charge de l’Agriculture, Kobenan Kouassi Adjoumani, en prélude à l’ouverture de la campagne de commercialisation 2024-2025 du café et du cacao sur l’ensemble du territoire. Les planteurs n’auront pas à débourser de l’argent pour avoir accès à la CMU car c’est le Conseil du café-cacao (organe parapublic de gestion de la filière) qui se chargera du paiement de la prime liée à cette assurance.

Selon la Banque mondiale, le binôme café-cacao fait vivre 6 millions de personnes, soit le quart de la population de la Côte d’Ivoire, premier pays producteur de cacao au monde. Mais ne bénéficieront de cette assurance que les producteurs détenteurs de la carte de planteurs de Café et de Cacao.

 Selon vous ces mesures sont-elles suffisantes pour enrayer la contrebande ?

Non. Les producteurs vivent dans une précarité telle qu’ils seront toujours tentés de vendre dans un pays voisin si les prix sont mieux qu’en Côte d’Ivoire. Les coûts de production grimpent en flèche, les engrais et autres matériaux nécessaires à l’exploitation devenant de plus en plus chers. En outre, le mauvais état des réseaux routiers gonfle également les coûts de transport, ce qui a encore réduit les marges des agriculteurs.

 En Côte d’Ivoire, malgré ce que représente le cacao pour le budget national, la plupart des villages de planteurs et des plantations sont totalement enclavés, faute de routes bitumées. Le gouvernement préfère ainsi développer les infrastructures routières à Abidjan et dans certaines grandes villes du pays pour s’attirer le soutien de leurs populations plutôt que de rendre accessible le cacao.

Selon les planteurs, pour livrer le cacao dans les zones indiquées par le Conseil Café Cacao, c’est toute une galère car ils doivent rouler sur des pistes d’une centaine de kilomètres. L’accès aux services sociaux est également un problème. En définitive, les politiques de développement doivent cibler la ruralité si la Côte d’Ivoire veut compter pendant longtemps sur les ressources tirées de la filière café cacao.

  Que pensez-vous de la durabilité de la filière cacao ?

 Premièrement, la déforestation en Côte d’Ivoire est inquiétante ; malheureusement, le secteur est de plus en plus confronté à une dégradation prononcée du couvert forestier et des terres du pays. La Côte d’Ivoire ne compte aujourd’hui que deux millions d’hectares de forêts, c’est près de 90% de moins qu’au début des années 60. En l’espace d’un demi-siècle, le couvert forestier s’est fortement dégradé. Les planteurs recherchent les zones forestières, car le cacao y pousse plus rapidement et les fèves récoltées sont de meilleure qualité. Ainsi, la Côte d’Ivoire a perdu plus de 90% de son couvert forestier en 50 ans.

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Selon le Professeur Séraphin Prao Yao « Les multinationales de l’agroalimentaire doivent intégrer désormais une dimension sociale et environnementale à leurs activités commerciales, au titre de la Responsabilité sociale de l’entreprise ».

Deuxièment, les planteurs tentés de fuir au Libéria ; la loi nouvelle européenne pourrait aussi avoir des effets pervers inattendus. En raison du plus grand contrôle de l’Etat ivoirien sur les forêts classées et de la répression accrue contre les responsables de la déforestation, des milliers de travailleurs agricoles pauvres migrent actuellement vers le Libéria voisin, à la recherche de nouvelles terres agricoles.

Ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, très pauvre, aimerait aussi profiter de cette économie de rente. Cette immigration est donc perçue comme une opportunité de développement économique, mais elle fait également peser le risque d’une déforestation massive à l’image de ce que la Côte d’Ivoire a vécu ces 30 dernières années.

Il y a aussi les changements climatiques qui menacent les rendements du cacao en Côte d’Ivoire ; la Côte d’Ivoire émet par exemple près de 100 000 millions de tonnes de CO2 par an, soit 0,0019% du total mondial. Elle vise toutefois une réduction de 30,41% de ses émissions, et une réhabilitation d’une partie de ses forêts, dont 90% ont disparu depuis 1960. Selon les prévisions du gouvernement ivoirien, le changement climatique pourrait « entraîner des pertes annuelles du PIB de 3 à 4,5% entre 2020-2030« . Les cacaoyers prospèrent dans un climat tropical stable, avec des températures idéales comprises entre 21 et 28°C.

 Cependant, ces dernières années, on observe une hausse inquiétante des températures dans les principaux pays producteurs comme la Côte d’Ivoire et le Ghana. Entre 2015 et 2024, ces régions ont enregistré quarante (40) jours supplémentaires où la température a dépassé 32°C, une chaleur excessive qui affaiblit les arbres, réduit la floraison et accélère le pourrissement des cabosses de cacao.

 L’irrégularité des précipitations est un autre facteur aggravant. Le cacao a besoin d’un équilibre entre pluie et ensoleillement pour se développer correctement. Or, on observe désormais des sécheresses plus longues suivies de fortes pluies favorisant l’apparition de maladies et la chute prématurée des fruits. Le changement climatique est « une menace » pour le rendement agricole en général et plus spécifiquement pour la cacao-culture.

L’on note aussi la menace de la norme ARS 1000 sur le cacao en Côte d’Ivoire, cette norme ARS 1000 permettra aux acteurs de la filière de produire du cacao durable et traçable pour répondre aux exigences du marché mondial, notamment de l’espace de l’Union européenne (UE) qui réfute le cacao issu de la déforestation.

Dans ce cadre, plusieurs actions ont été initiées pour la traçabilité, dont la mise en œuvre de la norme africaine ARS 1000 pour un cacao durable, à compter de la campagne de commercialisation 2024 en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de fèves de cacao. Il s’agira de promouvoir et garantir un cadre permettant de produire des fèves de cacao durable et traçable, fondé sur le principe de l’amélioration continue en termes de bonnes pratiques agricoles, sociales et environnementales. Ce dispositif de certification devrait, en outre, permettre de lutter contre la déforestation et de favoriser l’agroforesterie. Pour l’heure, au moins 1.101.500 producteurs ont été recensés.

Enfin, les multinationales doivent aider l’État à améliorer les conditions de vie des producteurs, car elles semblent tirer profit de l’exportation des produits de rente. Le ministre de l’Agriculture de Côte d’Ivoire, Kobenan Kouassi Adjoumani rappelle qu’en 2022, plus de 105 milliards de dollars US ont été perçus par les multinationales, mais à peine 5,25 milliards parviennent aux producteurs. À peine 2% des 100 milliards de dollars liés au chocolat revenaient aux cacaoculteurs en 2022.

Selon un rapport publié par Oxfam sur les grandes maisons de l’or brun comme Lindt et Nestlé, au Ghana, les revenus des cacaoculteurs ghanéens ont en réalité baissé de 16% depuis 2020 alors que sur la même période les profits des multinationales du chocolat ont augmenté de 16% sur la même période. Une dizaine de grandes entreprises internationales (européennes et américaines principalement) se partagent près de 80% du marché mondial des échanges de cacao.

La contrebande du cacao constitue une conséquence pour l’économie ivoirienne

En Côte d’Ivoire, s’il est vrai que le pays maîtrise la production de cacao, ce sont ensuite des multinationales qui contrôlent le broyage, la production de chocolat et la distribution. Plus précisément, selon un rapport de la Banque mondiale, en 2017, cinq entreprises (Barry Callebaut, Cargill, Olam, Bloomer, Guan) se partageaient plus de 75% du marché mondial du broyage de cacao. Et sept compagnies (Mars, Mondelez, Nestlé, Ferrero, Meiji, Hershey, et Lindt) contrôlaient 75% du marché mondial pour la production de chocolat industriel. Dès lors, difficile de faire le poids.

Le cacao est une aubaine pour les acheteurs, mais une malédiction pour les planteurs des pays tropicaux, qui ne perçoivent que 6% des 100 milliards de dollars par an que représente le marché mondial du cacao et du chocolat, verrouillé par les grands industriels. En dehors de l’État ivoirien, les multinationales doivent aider à améliorer les conditions de vie des producteurs ivoiriens. Les multinationales de l’agroalimentaire doivent intégrer désormais une dimension sociale et environnementale à leurs activités commerciales, au titre de la Responsabilité sociale de l’entreprise. Malgré des progrès pour les agriculteurs, beaucoup reste à faire.

Par exemple, Barry Callebaut définit une cible en 2025 pour le cacao durable Barry Callebaut, le plus grand transformateur de cacao et de chocolat du monde, s’est engagé à délivrer 500 000 producteurs de la pauvreté extrême et à éradiquer le travail des enfants de sa chaîne d’approvisionnement, dans le cadre d’une initiative visant à garantir un cacao totalement durable d’ici à 2025. Cet engagement intervient dans le contexte du lancement d’une nouvelle stratégie de durabilité appelée « Chocolat pour toujours ».

Source : rfi.fr