Boko Haram: le Tchad rapatrie ses troupes du Nigeria, des centaines de civils fuient
Des centaines de civils nigérians installés à proximité des contingents tchadiens, qui sont rentrés vendredi au Tchad au terme de leur mission contre Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, ont fui par crainte de nouvelles attaques des jihadistes.
Les 1.200 soldats tchadiens, qui étaient déployés depuis neuf mois au Nigeria dans le cadre de la lutte contre le groupe jihadiste, sont arrivés dès vendredi dans leur capitale, N’Djamena, en passant par le Cameroun.
Juchés sur leurs pick-up pour certains ou assis sur les chars transportés par les porte-chars, ils ont traversé le pont qui sépare la ville camerounaise de Kousseri de N’Djamena sous le regard curieux des habitants, a rapporté vendredi un journaliste de l’AFP.
“Ce sont nos éléments qui sont partis prêter main forte aux soldats nigérians il y a plusieurs mois qui rentrent au pays, ils ont fini leur mission”, a expliqué samedi le porte-parole de l’armée tchadienne, le colonel Azem Bermandoa, sans préciser si ces militaires allaient être relevés par d’autres. “Il n’y a plus aucun de nos soldats au Nigeria. Ceux qui sont rentrés vont regagner leur secteur du lac Tchad”.
Leur départ a semé la panique dans la petite ville de Gajiganna, à proximité de Monguno, deux bases où étaient regroupées les forces tchadiennes.
“Les soldats tchadiens ont quitté leur base à Gajiranna et dans la ville garnison de Monguno, avec leur tanks et tout leur équipement militaire”, a dit à l’AFP un membre des milices civiles engagées dans la lutte contre les jihadistes, sous couvert de l’anonymat.
“Vulnérables”
“Les soldats nigérians qui travaillaient aux côtés des Tchadiens sont partis eux-aussi”, a-t-il ajouté, sans préciser si ce départ était un ordre de la hiérarchie ou si les soldats s‘étaient enfuis.
“En conséquence, la plupart des résidents de Gajiganna sont partis à Maiduguri, la capitale de l’Etat du Borno, de peur que les terroristes viennent les attaquer”, selon la même source.
Un résident de Gajiganna, contacté par l’AFP, raconte être parti, avec environ quatre cents personnes, dès mercredi.
“Nous sommes partis dès que nous avons réalisé que les soldats nigérians avaient eux-aussi quitté leur base, peu après le retrait des Tchadiens”, a rapporté cet habitant.
“Quasiment l’ensemble du village est parti car on se sent vulnérables et sans protection face à Boko Haram”, a-t-il expliqué. “Ils vont surement venir nous attaquer si on reste à Gajiganna.”
L’insurrection de Boko Haram et de sa faction ISWAP, affiliée au groupe Etat islamique, continue à faire rage dans la région du lac Tchad.
Le groupe jihadiste Boko Haram est né au Nigeria, et les combats entre le groupe et l’armée a fait au moins 35.000 morts depuis 2009, et se sont propagés au Niger, au Tchad et au Cameroun voisins.
Ilots et marécages
L’ISWAP est particulièrement active autour du lac Tchad, une vaste étendue d’eau truffée d‘îlots et de marécages servant de repaires et de camps d’entraînement.
L’ISWAP mène de nombreux raids contre les bases militaires et des attaques directes contre les forces de sécurité nigérianes et régionales. Fin décembre, six soldats nigérians ont été tués dans un nouveau raid des jihadistes.
Depuis 2015, les pays de la région luttent contre Boko Haram et l’ISWAP au sein de la Force multinationale mixte (FMM), une coalition régionale engagée autour du lac avec l’aide de comités de vigilance composés d’habitants. C’est dans ce cadre que les 1.200 soldats tchadiens avaient été envoyés au Nigeria.
Les militaires tchadiens rentrés du Nigeria seront prochainement “déployés dans la région du lac Tchad (côté tchadien) pour renforcer un dispositif de sécurité tout au long de la frontière”, a confié à l’AFP un haut responsable de l’administration de cette région.
Ces dernières semaines, le Tchad a été confronté à plusieurs attaques meurtrières du groupe jihadiste. Mi-décembre, 14 personnes ont été tuées et 13 portées disparues dans un village de pêcheurs situé sur le pourtour du Lac.
Le Cameroun fait lui aussi face à un regain d’attaques de Boko Haram, selon un rapport d’Amnesty International publié en décembre, qui fait état de 275 personnes, dont 225 civils, tuées en 2019.
L’armée nigériane n’a pour l’instant fait aucun commentaire.
AFP