Bénin/Il y a des signes qu’il y a un début de dégel

La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), juge cette semaine deux opposants arrêtés en marge de l’élection présidentielle contestée du mois d’avril dernier. Joël Aïvo s’est présenté ce lundi devant la cour à Porto-Novo pour « complot contre la sûreté de l’État et blanchiment » et le Vendredi prochain, ce sera au tour de Reckya Madougou pour « financement du terrorisme ». Où en sont ces dossiers emblématiques ? Le politologue Expédit Ologou et président du Civic Academy for Africa’s Future (CIAAF), un centre de recherche sur la gouvernance.

 Les avocats de Joël Aïvo et Reckya Madougou ont, depuis leur arrestation, dénoncé une instruction exclusivement à charge, des dossiers vides… Les verdicts rendus par la Criet, cette semaine, échapperont-ils à une lecture politique ?

 Une chose est sûre, c’est qu’on ne peut pas ne pas examiner cette affaire, comme n’étant pas une affaire politique, se questionner sur la nature politique du procès, puisqu’il porte tout du moins sur un objet politique et des acteurs politiques. Il ne s’agit pas d’une affaire de droit commun. Il s’agit, bien évidemment, d’une affaire qui a pour cause principale la dispute autour d’un problème purement politique d’élection présidentielle. Il devient donc probable que l’analyse de ceux qui croient qu’il s’agit d’un procès politique ne soit pas dénuée de tout fondement.

Il y a eu plusieurs vagues de libération de détenus, ces dernières semaines. Peut-on y voir l’annonce d’un adoucissement de la Criet ?

« Il me semble que le président de la République n’est pas sans savoir cela, qu’il y a nécessité à une sorte d’inflexion positive vers la sécurité collective de l’ensemble des citoyens du pays »

C’est possible. Tout comme, il peut s’agir aussi d’une manière de légitimer ou de rendre possible une détention encore un peu plus longue. Pour dire a posteriori : « si nous avons pu libérer certaines personnes avant, c’est peut-être, parce que les situations font qu’on a pu les libérer. Et si nous avons pu garder d’autres après, c’est parce que les éléments dont nous disposons permettent aussi de les garder ».

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Il est tout de même important de signaler que le dénouement des procès peut être différent des autres acteurs. Parce que eux, ce sont des acteurs qui n’ont pas leur avenir derrière. Ce sont des personnalités qui ont encore leur avenir devant et qui font signe vers les législatives de 2023 et même de la présidentielle de 2026.

 Les deux personnalités Aïvo et Madougou sont dans le lot des cinquantenaires. Donc la bataille ne se joue pas qu’aujourd’hui et cela pourrait avoir un effet sur ce qui se joue actuellement. Et dans l’hypothèse où on a des craintes, des critiques parfois fondées ou non, contre la Criet, on peut bien se demander s’il n’y a pas effectivement derrière tous les enjeux politiques. Non pas seulement de ce qui est déjà passé, mais de ce qui vient.

Joël Aïvo et Reckia Madougou ont été arrêtés, car ils contestaient leur exclusion du scrutin présidentiel du mois d’avril dernier. Est-ce que les autorités n’ont finalement pas fait beaucoup plus de publicité à ces personnalités, qu’en les laissant se présenter ?

Cet emprisonnement de ces deux personnalités a été une amplification de leur figure politique. Une rampe de communication publique, politique, institutionnelle, voire internationale. Ils sont devenus le symbole d’une sorte de malaise politique. Leur emprisonnement a, à coup sûr, contribué à leur popularité et à même les positionner comme étant des alternatives.

Patrice Talon a reçu, au mois de septembre dernier, son prédécesseur Thomas Boni Yayi. Vous nous avez dit à l’époque qu’il pourrait s’agir du début d’une décrispation politique au Bénin. Est-ce que cette décrispation a-t-elle débuté ?

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Il y a eu quelques signes. Notamment la libération de quelques personnalités détenues – en raison de l’élection présidentielle de 2021 – messieurs Tamègnon et Hountondji. Et il y a des signes qu’il y a un début de dégel. Et cela me semble très important, dans la mesure où l’actualité sécuritaire du pays, aujourd’hui, recommande que l’ensemble des acteurs politiques puissent se parler et contribuer à la gouvernance apaisée du pays. Donc il me semble que le président de la République n’est pas sans savoir cela, qu’il y a nécessité à une sorte d’inflexion positive vers la sécurité collective de l’ensemble des citoyens du pays.

Les tensions de la période électorale ont aussi mis en lumière les relations difficiles entre le Bénin et ses voisins ouest-africains. Où en sont-elles aujourd’hui ?

On peut dire qu’elles vont tant bien que mal. Il y a beaucoup de préoccupations communes au Bénin et à ces États de la sous-région, qui peuvent prendre le dessus. Raison de ce que le terrorisme, par exemple, devienne une préoccupation majeure et peut-être que la suite des affaires Madougou et Aïvo permettraient d’améliorer ces relations-là.

Source: rfi.fr