AGC/Une mort et mille leçons aux transfuges-renégats de toute race
La mort du « Lion » a fait émerger un consensus rarement observé dans l’arène politique ivoirienne. Adversaires inflexibles, observateurs avisés et partisans indéfectibles ont reconnu et salué la loyauté de ce natif de famille noble. Oui, Gon s’est affiché en affichant son mentor. Et s’il a été désigné ou imposé (c’est selon) candidat du RHDP aux futures présidentielles, ce n’est pas seulement pour ses compétences avérées de technocrate.
Il était certes un référentiel de compétence, mais les compétences fourmillent au RHDP. Les citer tous serait risqué de peur d’oublier les mieux cotées. Il n’est pas non plus propulsé pour sa dextre politique ou son charisme. Cette dernière valeur était même le combustible des débats enflammés.
Ce qui a joué, c’est sa fidélité, sa loyauté. Une loyauté qui n’a pris aucune ride en 30 ans d’antichambre. Et pourtant, tout n’a pas été que rose. Malgré quelques humiliations inhérentes à la vie politique, Gon n’a jamais passé outre les consignes de son maître. Il a été même nommé ministre dans le gouvernement de Laurent Gbagbo sans retourner aussitôt sa veste.
Cette qualité doit être enseignée dans les écoles de sciences politiques. Avec lui, certains noms forcent l’admiration : Hamed Bakayoko, Kandia Camara, Henriette Dagri… chacun d’eux a connu, à un moment donné, sa part de difficultés pour son engagement. Mais ils sont restés irréductibles jusqu’au moment où nous saisissons cette plume.
La typologie du renégat politique
Mais, en Côte d’Ivoire, il y en a qui auront le tournis, rien qu’à entendre une bienveillance unanimité sur cette qualité qu’est la loyauté. Chez ces personnes que l’histoire ne retiendra jamais, la conviction et la défense d’une idéologie n’ont strictement aucune importance. Mus par des préoccupations exclusivement nombrilistes, ils cherchent rarement à se mettre du côté des valeurs. Mais plutôt de celui des privilèges. Ayant bénéficié pour la plupart de la confiance de leur (ex) leader, qui les a proposés dans la chaîne administrative; ils trahissent aussitôt sa confiance à la moindre secousse, en s’érigeant parfois en pires ennemis de celui qui les a proposés.
On en voit tous les jours. Et chaque renégat (traitre) a toujours une bonne raison pour justifier son parjure. Il dira à tout venant qu’il n’a trahi personne ou même que c’est son ancien bienfaiteur qui est le vrai traitre. Les renégats, ce sont des personnes qu’on peut détecter précocement avec un zeste d’attention. Ils usent au départ de tous les moyens pour intégrer le cercle décisionnel restreint.
Aux réunions où on parle de stratégie, donc de valeur à proposer, ils se démerdent pour les orienter vers des intérêts personnels.
Dans une situation d’alliance, ils préfèrent des débats sur le partage des postes. Bref, leur engagement n’a pour finalité que les postes. Donc du fric. Ils fonctionnement comme des psychopathes froids et autistes ; qui ne respirent que perfidie. Ce que pense la base ; ils n’en ont cure. Ce sont leurs intérêts d’abord et les discours creux aux militants.
Ce que le traître ignore…
La trahison dans la politique ivoirienne n’est pas fondée sur le choix (même curieux) des valeurs. Les traitres ne voient que l’argent. La preuve, ne trahissent que ceux qui ont bénéficié des postes (électifs ou administratifs). Difficile de se voir retirer ces cortèges kilométriques, ces salons privatifs froids à balcon, ces week-ends de sauna et de jacuzzi, ces pouffiasses aux doigts légers, ces missions surfaites… La perfidie est préférable à la perte de tous ces avantages. Et quand ils trahissent, ils montrent aussitôt aux nouveaux maîtres un zèle parfois ridicule. Mais les renégats ignorent que leurs nouveaux compagnons savent bien qu’ils sont traitres. Ils ignorent que leurs nouveaux compagnons savent qu’ils sont prêts à trahir si la situation arrivait à changer.
Et comme ce sont des nouveaux amis dont on connait le faible pour les privilèges, ils ne sont jamais associés généralement aux grandes orientations dans leurs nouvelles maisons. Ils détiendront certes leurs privilèges, mais seront toujours de bons exécutants. Pendant que le respect, l’honneur, la gloire et même une désignation au poste suprême seront réservés aux loyaux de tous les temps, eux se contenteront d’appliquer sur le terrain des mots d’ordre ; avec passion. Leur avis ne comptera jamais.
C’est un « manges, tais-toi et vas faire le travail sur le terrain ». Un déficit d’activité de la part du traitre sera tout de suite interprété comme les prémisses d’une future désertion. Bref, le traitre endure sa traitrise, mais garde tout de même son poste (enfin jusqu’à ce que les objectifs de ses nouveaux amis soient atteints). Une humiliation au quotidien.
En définitive, il sera difficile voire impossible de proposer un transfuge de la dernière pluie à la magistrature suprême.
Le traitre est juste là pour donner sens à un jeu d’équilibrisme aux finalités purement électoralistes.
Heureusement que viendra un jour où les exemples de Gon, Henriette Diabaté, Hambak serviront dans la politique ivoirienne. Ce sera le grand crépuscule de tous les traitres.
Dr Kévin BOUMY
Journaliste- Consultant
Enseignant-chercheur ( pris sur le mur)