Abidjan-Transport urbain/Le mépris arrogant du ministère face à une escroquerie
Par Séraphin Prao*
Le mercredi 14 et jeudi 15 décembre 2022 derniers, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » a fait une publication dans la presse numérique afriquematin.net et dans la presse physique dans laquelle il interpellait le ministère des transports sur l’escroquerie à laquelle se livreraient certains transporteurs indélicats en fractionnant les lignes desservies et en augmentant les tarifs aux heures de pointe du matin et du soir. La réponse du ministère des transports s’est, elle aussi, faite par voie de presse le vendredi 16 décembre 2022.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » se réjouit de la prompte réaction du ministère des transports qui rend passionnant et constructif à la fois le débat sur le transport en commun dans la grande agglomération de la ville d’Abidjan.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » juge cette réaction, cependant, déplorable et d’une maladresse inacceptable. Elle est une fuite en avant qui apprend à l’opinion publique que le ministère des transports ne se sent nullement concerné par les problèmes liés au transport en commun à Abidjan. Et pourtant, c’est tout le contraire qu’il est donné de voir.
La réaction du ministère des transports apparaît aussi comme un mépris arrogant des souffrances des abidjanais qui vivent l’escroquerie au quotidien de certains transporteurs indélicats. Aucun Etat sérieux ne saurait tolérer, encore moins excuser, botter en touche ou même permettre la poursuite de telles pratiques qui révèlent sa faiblesse et jettent tout à la fois le discrédit sur toute la noble corporation des transporteurs terrestres.
La Côte d’Ivoire, notre pays, semble, d’une manière générale, avoir un réel problème avec les valeurs, et cela est d’une gravité extrême, au point que l’anormal s’est érigé en norme et critiquer ce qui est anormal est assimilé à un crime de lèse-majesté.
Les efforts consentis et les investissements faits par le gouvernement…
L’image que les transporteurs indélicats répandent au sein des populations est que, pour gagner plus d’argent, il faut être malhonnête, il faut être un escroc, surtout que la société, elle-même, a fait l’option de fermer les yeux sur les gains illicites de quelque nature que ce soit ; elle refuse de les condamner ou de les dénoncer. La mal-gouvernance a encore de longs et glorieux jours devant elle.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » n’ignore pas les efforts consentis et les investissements faits par le gouvernement pour améliorer la qualité du transport à Abidjan et en Côte d’Ivoire et dont certains ont été justement énumérés dans le droit de réponse du ministère des transports et que le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » ne trouve pas nécessaire de reprendre.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » salue, par ailleurs, toutes les mesures prises pour une transformation structurelle progressive du transport informel à Abidjan et appelle de tous ses vœux l’entrée, dans sa phase d’application, du projet de réorganisation du système de transports urbains d’Abidjan dont l’un des chapitres concerne, justement, la réorganisation en Groupes d’intérêt économique des entreprises individuelles intervenant dans le transport en commun. Peut-être que l’on trouverait, par-là, une solution à la pratique dénoncée des tarifs anarchiques.
Malgré ce qu’affirme le droit de réponse du ministère des transports, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » n’ignore pas non plus que « l’offre de transport [en Côte d’Ivoire] est fondée sur la libre concurrence qui s’exerce, pour chaque type de transport, dans un cadre réglementé par décret » (art. 17 de la loi n°2014-812 du 16 décembre 2014 d’orientation du transport intérieur). Même si « ce n’est pas l’Etat qui fixe le prix du transport », le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » voudrait rappeler les dispositions pertinentes de l’article 25 de la loi précédemment citée.
La réaction – du ministère des transports
Cette loi indique ce que « les tarifs applicables au contrat de transport permettent aux transporteurs une couverture du coût réel du service rendu incluant une marge bénéficiaire et à l’usager d’avoir accès à un coût optimal et à des conditions de sécurité satisfaisantes, à des prestations de bonne qualité.
L’Etat peut, pour concilier ces deux impératifs et après consultation de l’Autorité chargée de la Régulation des transports, dans les conditions prévues par la législation sur la concurrence, fixer des tarifs indicatifs officiels.
Les tarifs publiés par les transporteurs doivent inclure le détail des sommes dues en paiement de la prestation de transport et tous autres détails concernant les sommes perçues des usagers excédant le tarif indicatif officiel fixé par l’Etat ».
L’alinéa 9 de l’article 4 de la même loi indique aussi que « la politique de Transport intérieur est conçue et mise en œuvre pour assurer la protection des intérêts des usagers par la libre concurrence entre les entreprises de transport et par la fixation à titre indicatif des tarifs officiels ».
« L’option de la maîtrise des prix et de la qualité des services rendus par la concurrence » ne dispense donc pas, comme l’on le voit, l’Etat de Côte d’Ivoire de fixer des tarifs indicatifs officiels et d’intervenir dans le secteur, quand il le faut, pour rappeler ses acteurs au respect des engagements contractuels et des tarifs homologués.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », c’est dans ce sens qu’il faut lire le déplacement à Yopougon, le 13 juillet 2022 et dans le cadre de la lutte contre la vie chère, du directeur général des transports terrestres et de la circulation, Lucien Tiessé, qui était accompagné pour la circonstance, du Directeur général du Haut conseil du patronat des entreprises de transport routier de Côte d’Ivoire (Hcpetr-CI), Diaby Ibrahima.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » ne comprend donc pas la réaction furieuse du ministère des transports à sa déclaration appelant à son arbitrage pour le respect des tarifs des transports en communs à Abidjan.
Sur le portail du ministère des transports, il est même fait mention d’une campagne de sensibilisation au respect des tarifs du transport menée le jeudi 10 novembre 2022 par la préfecture de la région du sud-Comoé. Rendant compte de cette rencontre, l’on note que « selon Adèle Menza, la Directrice régionale des transports d’Aboisso, cette rencontre qui s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la cherté de la vie, fait suite à plusieurs plaintes relatives à des velléités d’augmentation du coût du transport dans le sud-Comoé ».
Une sensibilisation s’impose...
En 2016, le Directeur régional des transports terrestres, Touré Aboubakar, saluant l’effort des compagnies de transport de Yamoussoukro qui avaient accepté de pratiquer des prix en-deçà des prix homologués disait, « le plus gros travail revient aux responsables d’associations des consommateurs qui doivent veiller à une application effective des mesures et informer nos services relativement à d’éventuelles difficultés observées sur le terrain ». Les propos du directeur régional des transports terrestres ont été rapportés par la presse, en l’occurrence l’Agence ivoirienne de presse (AIP), le vendredi 5 août 2016.
Les exemples présentés invalident, s’il en était besoin, toute l’argumentation pleine de fureur fournie en réponse à la déclaration du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ». Ils mettent en porte-à-faux le ministère des transports avec le contenu de son droit de réponse. Et pourtant, ces initiatives sont louables et à encourager.
Comme l’on le voit, l’Etat de Côte d’Ivoire qui ne fixe pas le prix du transport se montre disponible, à travers le ministère des transports et ses démembrements régionaux, pour sensibiliser les transporteurs au respect des tarifs homologués. Les ivoiriens, et plus spécialement les abidjanais qui souffrent au quotidien des tarifs anarchiques, sont édifiés et avertis.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » remarque avec regret que certains cadres du Rassemblement des républicains (Rhdp) deviennent frileux et méprisants lorsque des critiques viennent des structures de l’opposition ou connues proches de l’opposition.
Et pourtant, l’on devrait, en toute logique, se demander si la situation dénoncée existe réellement. S’il s’avère qu’elle existe et que les partis politiques d’opposition ou les structures de la société civile qui se positionnent idéologiquement dans l’opposition en parlent au nom des populations et dans l’intérêt de celles-ci et que le Rhdp gouverne dans l’intérêt des populations, la réaction logiquement attendue n’est pas celle de la frilosité et du mépris orgueilleux.
Le rôle des partis d’opposition et la société civile
La réaction attendue est de se demander comment l’on devrait faire pour soulager les populations afin que le problème évoqué ne soit plus une source de préoccupations pour elles. Heureusement qu’en cette Côte d’Ivoire du Rhdp, les exemples sont légions, des différents ministères à la présidence de la République, en passant par la primature, où les interpellations des gouvernants ont permis la prise de mesures salutaires en faveur des populations.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » estime, pour sa part, que les partis d’opposition et la société civile sont des acteurs qui exercent leur droit de citoyens en jugeant les gouvernants pour les aider à mieux faire dans l’intérêt des populations et pour la stabilité et le développement de la Côte d’Ivoire. Toute opposition est une source d’inspiration pour les gouvernants.
Le Rhdp devrait donc se réjouir qu’il existe encore en Côte d’Ivoire une opposition citoyenne et républicaine qui parle, qui critique et qui fait des propositions alors que rien ne l’y oblige. Le jour où il n’y aura plus d’opposition pour parler et critiquer pendant que le Rhdp est encore au pouvoir, ce parti devrait s’en inquiéter sérieusement.
Quand l’on a laissé des traces en marchant, il n’est pas bon soi-même d’utiliser une palme pour effacer toute trace de son passage. Si quelqu’un vous dit qu’il ne vous a pas vu venir, vous lui montrez alors les traces toutes fraîches que vous avez laissées et vous lui promettez de passer devant lui la prochaine fois pour qu’il voit mieux vos traces ou vous voit venir.
Quoi qu’il en soit, avec le problème des tarifs anarchiques subis par les abidjanais, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » encourage vivement le ministère des transports à prendre toute sa part, comme il a su le faire à d’autres occasions, dans l’exécution du programme gouvernemental de lutte contre la vie chère de sorte à rendre le coût de la vie en Côte d’Ivoire et, plus spécifiquement à Abidjan, supportable pour les populations les plus défavorisées.
Ce programme gouvernemental est, certes, piloté par le premier ministre, Patrick Achi, mais est aussi du ressort de chaque département ministériel qui se donne les moyens de traduire les objectifs du gouvernement en actions concrètes appréciables par les populations. Si cela n’est pas fait, le risque est grand de voir ledit programme être taxé de démagogique.
Un chaînon indispensable à l’économie et à la circulation des biens et des personnes
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » demande au ministère des transports de se mettre avec le Haut Conseil du patronat des entreprises de transport routier de Côte d’Ivoire et avec l’autorité de régulation du secteur du transport intérieur (Arti) qui dispose de larges pouvoirs octroyés par la loi d’investigation, de contrôle, de conseil, de proposition et de sanction pour domestiquer et discipliner les quelques brebis galeuses qui ternissent l’image de la corporation des transporteurs dont la contribution à la dynamique économique de la Côte d’Ivoire est non négligeable.
Grâce aux transporteurs, de nombreux abidjanais peuvent sortir de chez eux, aller au travail ou faire leurs courses et revenir, ensuite, chez eux. Les transports jouent un rôle fondamental dans le développement de toute nation. Le développement et la qualité du système de transport vont de pair selon les experts ; la qualité du système de transport est un indicateur du niveau de développement d’un pays disent-ils.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », ce chaînon indispensable à l’économie et à la circulation des biens et des personnes (il représente 7% du Produit intérieur brut de la Côte d’Ivoire) mérite une attention toute particulière pour aller vers plus de modernisation avec ses impacts bénéfiques en matière de renouvellement du parc automobile, de qualité du transport, de retraite décente et de couverture d’assurance pour ses acteurs.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » attend l’autorité de régulation du secteur du transport intérieur aux côtés du ministère des transports dans les campagnes de sensibilisation menées auprès des acteurs, notamment pour le respect des tarifs. Ses larges pouvoirs lui permettront d’aider ce ministère à assainir et discipliner le milieu du transport artisanal.
Le transporteur s’engage à transporter et l’usager s’engage à payer.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » recommande aussi l’enrichissement du titre VI de la loi n°2014-812 du 16 décembre 2014 relatif aux dispositions pénales dans la réglementation des transports, pour tenir compte de la situation évoquée par sa déclaration, en vue de donner plus de poids à la sensibilisation menée par les autorités compétentes auprès des transporteurs pour le respect des tarifs homologués par les autorités et des contrats synallagmatiques qui les lient aux usagers : le transporteur s’engage à transporter et l’usager s’engage à payer.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » rappelle que, dans sa gouvernance, le meilleur allié d’un pouvoir est son opposition qui lui offre une expertise exploitable sans bourse délier, même si la logique dialectique tend à pervertir ce partenariat stratégique mal apprécié mais indispensable à la consolidation de la démocratie.
L’outil formidable que la Grèce a légué à l’humanité pour entretenir ce partenariat particulier est la délibération (contradictoire), laquelle a engendré la démocratie et les fonctions et professions comme celles de parlementaire, de juge, d’avocat, de journaliste, etc. C’est, d’ailleurs, l’arme privilégiée de tout bon démocrate.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » rappelle aussi que le rôle de toute société civile est de faire des critiques quand il le faut, d’apporter ses encouragements quand cela est nécessaire et de faire des suggestions pour dégager des pistes de solution lorsque cela est possible. Cette participation au réajustement de l’action gouvernementale pour le bonheur des populations, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » l’assumera pleinement sans condition ni concession.
* Président du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».