Mali-Tropisme colonialiste en Afrique noire/ Un analyste politique demande à Macron de changer de posture pendant qu’il est encore temp

Par Yamadou Traoré*

Dans un discours en Guinée Bissau Emmanuel Macron vient de parler de la communauté Peuhl en essayant de faire croire en une volonté d’autres Maliens d’éliminer cette communauté. Un analyste politique malien recadre le président français.

Le cas français est de loin l’illustration du colonisateur qui, malgré les discours sophistiqués sur les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, n’est jamais parti d’Afrique sub-saharienne. Par diverses manœuvres, avec la participation active ou passive de collaborateurs locaux, cette France de la 5ème république a inventé quantité de mécanismes pour maintenir ses anciennes colonies dans la servitude perpétuelle, notamment le franc CFA, les coups d’état, les assassinats de dirigeants indociles, les envois de mercenaires, les campagnes médiatiques mensongères…

D’autres pays occidentaux ne sont pas en reste sur le volet économique.

Diaboliser un régime et utiliser cette manœuvre pour abattre un déluge de feu sur le pays en se parant de vertus démocratiques est devenu un variant de la politique d’accaparement des ressources de pays disposant de minerais et source d’énergie stratégiques. De cette façon, en s’emparant du pays cible, on barre aussi la route aux sources d’approvisionnement des pays émergents qui concurrencent les puissances capitalistes occidentales.

Sur ce registre les puissances occidentales avancent en meute et chaque pays joue une partition comme dans une corrida, les picadors affaiblissent le taureau avant que le toréador lui donne l’estocade. Ici, importe peu la vérité, on impose un matraque médiatique pour salir, jeter l’opprobre avec un art du cynisme bien consommé. Les exemples foisonnent :

Selon Yamadou Traoré « un minimum de respect et de reconnaissance pour ses anciennes colonies d’Afrique aurait pu assurer à la France un rayonnement sans égal ».

Le cas français est à mettre en exergue par sa persistance.

…Selon une enquête publiée par le New York Times du 24 mai 2022, quatre journalistes, Constant Méheut, Catherine Porter, Selam Gebrekidan et Matt Apuzzo démontrent comment la France napoléonienne a imposé le paiement de 21 milliards de dollar au jeune État haïtien pour indemniser les anciens esclavagistes. Ce qui a fait passer Haïti du statut de pays riche à celui des plus pauvres aujourd’hui. Les États-Unis avaient soutenu la manœuvre. Le président Aristide, longtemps après, a signé son arrêt de mort politique en demandant réparation à la France.

La source d’une radio étrangère annonçait le 25 août 1944, à la libération de Paris, la division Leclerc est rentrée triomphalement à Paris, de nombreuses sources indiquent qu’elle était composée de troupes venues d’Afrique noire à hauteur de 60 à 75%. Mais sur les images on ne voit aucun noir. Les Forces françaises libres, (FFL) étaient composées de 65 % d’Africains des colonies. Un accord tripartite entre De Gaule, les États-Unis et l’Angleterre avait décidé d’expurger la division Leclerc des noirs remplacés par des espagnols et nordafricains.

LIRE AUSSI :   Pâques 2019: 16 catéchumènes de la paroisse Notre Dame de Lourde baptisés

…Pour avoir milité et obtenu le non au référendum du 28 septembre 1958 le Président Sékou Touré a subi des tentatives diverses et variées pour abattre son régime de 1958 à sa mort, envoie de mercenaires à partir de Dakar -et Abidjan-; largage de faux billets pour saboter son économie attesté par – l’ ancien ambassadeur de France en Guinée (1975-1979), André Lewin,  instrumentalisations de la communauté Peuhl pour créer des conflits ethniques, créations de foyers de déstabilisation au Sénégal, en Côte d’Ivoire et France principalement…

… Les mêmes méthodes qu’en Guinée Conakry sont appliquées au Mali et loin de moi l’idée de sacraliser les cinq colonels qui constituent l’ossature du pouvoir au Mali, mais leur crime, aux yeux de la sulfureuse communauté internationale, ceux qui se sont érigés en gouvernement du monde, c’est d’avoir déjoué le plan d’action que ces pouvoirs démoniaques avaient concocté pour le Mali.

Le crime impardonnable du Mali pour corriger lequel les pratiques des plus inhumaines sont mises en place

Ces militaires ne sont pas sous leur contrôle, voilà le crime impardonnable du Mali pour corriger lequel les pratiques des plus inhumaines sont mises en place. On envoie des mercenaires massacrés une partie du peuple en essayant d’orienter les responsabilités sur un autre groupe du corps social. Et ainsi, on instaure les conditions d’une guerre intercommunautaire.

L’exemple du Rwanda a été une réussite totale pour ceux qui ont créé l’antagonisme entre Hutu, Tutsi et Twa. Ils vivaient en bonne intelligence avant la colonisation qui a “imposé” une hiérarchisation malsaine, ferment du génocide de 1994. Et voilà Emmanuel Macron, qui, du haut de son orgueil tonitruant, harangue, théorise une extermination dirigée contre la communauté Peuhl du Mali le 28 juillet 2022 en Guinée Bissau chez Umaru Emballo, la nouvelle recrue de la Françafrique qui, pathétiquement, préconise la création d’une force militaire ouest-africaine anti-putsch.

De fait, une force militaire chargée du maintien au pouvoir des dirigeants falots, supplétifs de puissances prédatrices. Pourtant l’homme, Umaru Emballo Cissoko, avait fait illusion quand il dénonçait les coups d’État constitutionnels en Côte d’ivoire – et Guinée Conakry-.Avec maestria, la françafrique l’a retourné en un tournemain, le vent a tourné et la girouette suit ce mouvement selon la formule de l’ancien président du sénat français, Alain Poher qui, se défendant de tourner sa veste comme une girouette, accusa le vent d’induire le mouvement.

Et si encore, par extraordinaire, les autorités françaises des 4èmes et 5èmes républiques avaient reconnu ces sinistres passés et cessé ces pratiques barbares, les Africains auraient pu considérer la France comme un partenaire respectueux de l’humanité africaine. Malheureusement ces autorités restent engluées dans des visions des Hegel (inspirateur de Henri Guaino et Nicolas Sarkozy), Mangin, de GauleCes rappels macabres continuent de nos jours et imposent une lecture réaliste de la situation des pays sub-sahariens d’Afrique.

LIRE AUSSI :   Alyssa Milano appelle à une "grève du sexe" pour défendre le droit à l'avortement

L’incitation à la haine raciale-par Emmanuel Macron …

Ainsi, l’union sacrée s’impose aux Maliens, la contradiction fondamentale reste la lutte pour l’indépendance pleine et entière du pays. Occasion de contrecarrer la volonté de ceux qui veulent, vaille-que-vaille, le maintien de l’Afrique dans un état de sous-développement favorisant sa domination perpétuelle.

Aujourd’hui au Mali, certaines puissances jouent sur l’ethnicité qui demeure une notion quasi exclusivement appliquée au seul continent africain, en Afrique au sud du Sahara. Quand bien même la notion pourrait s’appliquer aux Bretons, Gascons, Flamands, Catalans…, l’Afrique reste le réceptacle de ce vocable induisant des concepts hiérarchisant dans certaines chancelleries qui l’ont bien longtemps synonymisé avec sauvages, singes, bêtes, sous-hommes.

 Ce n’est jamais dit, mais c’est incrusté dans les imaginaires. Soi-dit en passant, les historiens et anthropologues d’Afrique Sub-saharienne doivent mener une lutte acharnée contre cette notion dégradante qui ne s’applique qu’aux Africains au sud du Sahara. Ou encore, que le monde accepte que tous les sous-groupes humains soient nommés avec le même mot : ethnies.

Ce postulat de départ d’ethnicité ouvre la voie à la banalisation des crimes en Afrique comme le disait François Mitterrand à propos du génocide au Rwanda en soliloquant sur le fait que de tels crimes (crimes de génocides) ne seraient rien en Afrique. Avec de telles idées, on entend gravement que l’homme africain est resté dans l’histoire comme le disait Nicolas Sarkozy au Sénégal. Les préjugés les plus abjects sont assis et imprègnent les esprits.

Sortir des insanités sur les pays africains

-On nous dit qu’il convient d’avancer en faisant table rase du passé et on veut bien, mais si en définitive cela consiste à nous ramener dans le même passé sur le fond avec des rafistolages, ravalement de façade pour encore nous rouler dans la farine, excusez que l’on ne veuille pas ajouter le ridicule à la stupidité puérile sur l’amitié. Tendre la main afin d’immobiliser celle de l’adversaire et lui planter un couteau dans le dos. Non merci. Le nègre débonnaire a fait son temps.

A l’attention de ceux qui, bien versés dans l’art de la manipulation, voudraient tourner mes propos en diatribes anti-français ou anti-blancs je voudrais dire que ces rengaines ne trompent plus et ne prennent plus. Ce positionnement intellectuel est bien connu. Sortir des insanités sur les pays africains, et face aux réactions, se réfugier derrière la théorie du “sentiment anti-français” pour éteindre le feu est une méthode en vogue dans la macronie.

LIRE AUSSI :   Santé-Covid-19/ Les Africains sont-ils les moins contaminés ?
« Certaines puissances jouent sur l’ethnicité qui demeure une notion quasi exclusivement appliquée au seul continent africain, en Afrique au sud du Sahara ».

Parler de la corruption en Afrique, n’est pas un sentiment anti-africain ; de la même façon, parler des errements criminels et criminogènes des dirigeants français en Afrique noire ne saurait être assimilable au sentiment anti-français sauf à reconnaître une différenciation singulière dans la légitimité des uns et l’illégitimité des autres à porter des jugements. Ce qui voilerait un sentiment encore plus sombre, à rechercher dans différentes théories sur l’humanité de l’homme noir.

Un minimum de respect et de reconnaissance pour ses anciennes colonies d’Afrique aurait pu assurer à la France un rayonnement sans égal. Parmi les dirigeants françaisseul Jacques Chirac sort du lot, un homme de droite devenu le plus afrophile ou négrophile des dirigeants français. On le laisse conclure :

Emmanuel Macron, changez de posture pendant qu’il est encore temps.

« Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi. Ensuite, nous avons pillé ses matières premières ; après, on a dit : Ils (les Africains) ne sont bons à rien.’ Au nom de la religion, on a détruit leur culture et maintenant, comme il faut faire les choses avec plus d’élégance, on leur pique leurs cerveaux grâce aux bourses. Puis, on constate que la malheureuse Afrique n’est pas dans un état brillant, qu’elle ne génère pas d’élites. Après s’être enrichi à ses dépens, on lui donne des leçons », a-t-il laissé conclure.

C’était à Yaoundé, en 2001, lors du sommet France-Afrique, en réaction à une demande de l’épiscopat français. Un Africain l’aurait dit, il aurait reçu une volée de bois verts des médias mainstream et d’autres. Emmanuel Macron, changez de posture pendant qu’il est encore temps. Les « sans dents » (François Hollande), les « derniers de cordée » d’Afrique se rebiffent.

Faut-il reconnaitre que l’utilisation de tous les moyens pour arriver à ses fins est une donnée constante dans la politique de grandes puissances militaires et commerciales. L’aide à Usama Ben Laden et les talibans pour repousser l’URSS en Afghanistan (1989), la création d’un antagonisme en Hutu et Tutsi au Rwanda aboutissant au génocide de 1994, le mensonge sur la volonté de Saddam Hussein d’utiliser des armes de destruction massive pour envahir son pays et l’assassiner, les mensonges et manipulations de services spéciaux occidentaux faisant croire à des massacres imputés à Mouammar Kadhafi pour l’assassiner en 2011.

*Analyste politique, Professeur d’histoire et Géographie

Source : L’Aube