Côte d’Ivoire-Présidentielle/Qu’une nouvelle génération fasse ses preuves

Le président Alassane Ouattara a reçu le jeudi 14 juillet dernier ses deux prédécesseurs Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Les trois figures -de la scène politique ivoirienne se sont donc rencontrées pour la première fois depuis 2010 et la crise post-électorale de 2011. Que doit-on attendre de cette rencontre ? Le décryptage de l’analyste politique et directeur de l’Institut de stratégie, Sylvain N’guessan.

La rencontre entre Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo a duré une heure et demie, il a été conclu par un communiqué plutôt laconique qui n’a pas fait mention des points à l’ordre du jour. Qu’en est-il exactement de ce rendez-vous ?

D’abord, cette rencontre fait suite au dialogue politique dirigé par le président de la république. Il y a eu trente -trois (33) points qui ont été mentionnés dans ce dialogue politique, et l’un de ces points, c’était la rencontre de ces trois leaders, chose qui a été faite depuis ce 14 juillet.

« Je ne pense pas d’abord parce que le président Alassane Ouattara qui est à son troisième mandat serait quand même assez mal placé pour demander aux autres de se retirer du cercle politique, »

Il serait bien de signaler que certains points qui avaient été mentionnés lors de ces échanges ont commencé à avoir un début de réponses, dont le passeport de M. Charles Blé Goudé et le poste de vice-président à la CEI Commission électorale indépendante (CEI) pour le parti de M. Laurent Gbagbo, le PPACI. Mais- en 90 minutes, on imagine que beaucoup de choses n’ont pas pu être dites, même si le communiqué semble dire qu’ils se sont pratiquement tout dits.

Vous l’évoquiez que le climat politique semble apaisé-, en donnant même des exemples. Ce qui signifierait que c’est Alassane Ouattara qui conduit les débats ?

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Oui, on peut le dire, puisque l’initiative vient quand même de la présidence de la république. Nous sommes dans un régime présidentialiste, la Constitution donne beaucoup de pouvoir au président de la république, n’empêche qu’il bénéficie également de la bonne disposition de ses adversaires, à savoir Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo.

Le cas des victimes des crises électorales de 2011 et 2020 a été rarement évoqué lors de cette rencontre, même si les organisations des droits humains estiment que la justice a été piétinée au nom de la réconciliation nationale, qu’en pensez-vous ?

Dire qu’il y a eu de l’impunité, non. Plusieurs hauts cadres du camp du président Laurent Gbagbo ont été en prison. Certains y sont encore, notamment les militants de base. La hiérarchie militaire du président Laurent Gbagbo se retrouve pratiquement encore en prison. Je ne pense pas que le système judiciaire puisse mener des enquêtes présentement pour incriminer ceux du camp du président Alassane Ouattara, dont certains ont bénéficié de promotions, etc.

Pour les partisans du président Laurent Gbagbo qui ont été jugés et sont en prison depuis 2011 au moins, il serait quand même intéressant que le président de la république donne des mesures, une amnistie, afin que ceux-ci puissent retrouver la liberté. Cela pourrait renforcer la cohésion sociale, la réconciliation nationale.

Le plus jeune des trois éléphants qui domine la politique ivoirienne depuis plusieurs décennies est âgé aujourd’hui de 77 ans. Une partie de la population et des jeunes loups politiques veulent qu’il passe la main aux jeunes générations, ont-ils pu évoquer ce sujet lors de leur rencontre ?

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Non, je ne pense pas. Je ne pense pas d’abord parce que le président Alassane Ouattara qui est à son troisième mandat serait quand même assez mal placé pour demander aux autres de se retirer du cercle politique, ça serait mal perçu.

Pensez-vous que ces trois-là seront encore une fois tentés de se présenter à la présidentielle prévue en 2025 ?

Je pense que les signaux sont quand même évidents que les trois vont y aller. Pratiquement par du fait que personne ne puisse s’élever pour remplacer Laurent Gbagbo, d’ailleurs son secrétaire général a fait le tour de plusieurs contrées, signalant que le candidat en 2025, c’est le président Laurent Gbagbo.

Au Pdci-Rda également, il y a plusieurs groupes qui ont appelé le président Henri Konan Bédié à se présenter en 2025. Au niveau du RHDP, il y a longtemps que M. Alassane Ouattara nous a laissé entendre que si ces deux anciens présidents étaient candidats, lui aussi serait candidat.

Donc, je pense que les signaux sont évidents que les trois veulent candidater encore en 2025 pour la présidentielle en Côte d’Ivoire. Personnellement, je pense qu’ils ont eu le temps, ces trente (30) dernières années quand même, de former certains de leurs collaborateurs pour pouvoir assumer ce rôle, ces responsabilités. S’ils ne l’ont pas fait, c’est leur faute. Il serait quand même intéressant qu’après cette décennie, on laisse d’autres personnes diriger la Côte d’Ivoire pour qu’on puisse passer à une nouvelle phase.

Source: rfi.fr