Dialogue politique inclusif et Juridisme d’Etat/ Kobenan Tah Thomas assène ses vérités

Ci-dessus la chronique ‘’Les Actualités Politiques Ivoiriennes’’, numéro 15 du mercredi 12 Janvier 2022 de Kobenan Tah Thomas, Vice-président du PDCI-RDA.

Notre actualité politique a été émaillée cette semaine par deux faits majeurs. L’un porte sur les échanges entre le régime du Rhdp et l’opposition sur les suites politico-juridiques, voire judiciaires de la conférence du procureur de la République. Le second fait est la polémique que suscite l’annulation du concert de la reggae-star Tiken Jah Fakoly et des liens entre son nouveau single supposé comme satirique vis-à-vis du régime d’Abidjan.

S’agissant du premier fait, il faut relever deux choses.

D’une part, contre leur gré, une bonne partie des acteurs politiques ivoiriens avait admis de faire bon cœur contre mauvaise fortune sur le sujet de la violation de la Constitution et des conséquences qui ont fait suite à cette séquence « inadmissible » de notre histoire politique. C’est-à-dire, beaucoup avaient fini par accepter de faire avec cette idée de troisième mandat.

L’idée c’est que même si en soi le troisième mandat constitue une sorte de recul pour notre démocratie, il faut avancer et épargner à notre pays d’autres épisodes qui peuvent s’avérer plus tragiques que celui d’octobre et de novembre 2020. Et dans ce sens-là, les postures des différentes chapelles politiques de l’opposition ainsi que leur disponibilité à prendre à prendre part au Dialogue politique inclusif sont des signaux positifs, voire constructifs qui participent de cette dynamique. En revanche, la conférence du Procureur de la République intervient comme un coup de massue contre cette dynamique. Le Dialogue politique inclusif qui s’initiait avec une bonne partie de la classe politique, c’est la paix des braves. Et les joutes verbales qui ont cours actuellement traduisent les rappels mutuels qui nous replongent dans l’atmosphère de la crise. C’est pourquoi il ne faut pas s’y cristalliser outre mesure !

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D’autre part, s’il y a lieu d’emprunter les voies du légalisme et de juridisme tels que l’expose monsieur le Procureur de la République, il est peu probable que l’on parvienne à un apaisement du climat politique. Parce que là où il y a accusation, il y aura contre-accusation et l’on se rejettera ad-vitam-aeternam les fautes des uns sur les autres. Accuser et s’excuser, inculper, se disculper ou se défendre sont toujours les faces de la même médaille.

Aucun dialogue politique ne s’accommode de juridisme et de légalisme. Le disant, il ne faut pas conclure que nous excusons l’anarchie au nom du besoin de paix par le dialogue. Ce que nous disons ici c’est qu’il y a eu une situation inédite où le président sortant avait juré ne plus pouvoir se présenter. Il s’était même choisi un dauphin au sein de sa famille politique. Ses meilleurs conseillers en matière du Droit constitutionnel avaient dit publiquement qu’aucune des dispositions de notre loi fondamentale ne lui concédait la moindre possibilité de briguer un autre mandat présidentiel.

Quand il brique donc contre toute attente un mandat et que des violences politiques surviennent, il faut bien sûr des principes supérieurs à ceux de la politique pour résorber ces problèmes.

Autrement dit, recourir aux principes du légalisme et du rigorisme juridique, c’est revenir à la discorde dans son fondement, c’est revenir au conflit et à tous les dangers qu’il constitue pour notre pays ; et ceci n’est guère souhaitable pour aucun d’entre nous tous. Puisque cela voudrait dire que nous revenons au refus catégorique de l’opposition qui proclame haut et fort l’illégitimité du président Alassane Ouattara. D’aucuns diront qu’il aura triomphé de toute l’opposition ! Certes ! Mais à quel prix ? Et il n’y a rien de moins sûr qu’il puisse continuer de triompher si les hostilités reprenaient. Les événements qui se répètent n’ont pas toujours les mêmes fins.

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Dans la même veine, les déboires de la star du reggae, qu’on le veuille ou pas, seront vues comme des tracasseries et des entraves à la liberté d’expression. Il est vrai que les Raisons d’État (qu’il faut différencier des raisons de l’État) commandent que certaines décisions soient prises pour préserver la stabilité de l’État. Ici, jusqu’à ce jour, aucune des raisons de notre État ne permet de comprendre la décision d’interdire la tenue du concert de Tiken Jah à Abobo. La polémique s’enflera en attendant et tout ceci n’est point favorable aux assises d’un dialogue politique inclusif.

On le voit bien, le recours à la fermeté, l’affirmation de la rigueur de l’Etat sont à priori des signaux qu’un Etat fonctionne. En revanche, dans le contexte qui nous concerne, ce sont des formes de retranchement pour éviter la tenue du Dialogue politique constructif. Il n’y a pas pire preuve que cette attitude pour rendre compte de la fragilité du climat politique dans un Etat. A notre Etat de faire le choix ! Il n’est pas encore tard.

Merci et à mercredi prochain.