Du franc Cfa  à l’Eco/  »arnaque politique » ou bonne nouvelle?

 

Par Nazaire Kadia (analyste politique), Afriquematin.net

Ça y est ! Le franc des colonies françaises d’Afrique oups, de la Communauté Financière Africaine(FCFA), vit ses derniers jours. Il se muera en ECO dit-on. Bonne nouvelle ? Arnaque ? Rupture ? L’avenir nous situera.

Mais déjà des spécialistes de la monnaie affirment qu’on s’est contenté de déshabiller Saint Pierre pour habiller Saint Paul, en modifiant légèrement l’habit tout en conservant l’essentiel sans un véritable changement : la présence étouffante et oppressante de nos ancêtres les gaulois se fera, mais beaucoup plus subtilement.

En effet, il nous revient que les français qu’on n’a jamais rencontrés dans nos bureaux quand on avait en main les manettes de direction de la BCEAO, ni aperçus dans les conseils d’administration, encore moins dans les instances de décision de cette banque, disparaîtront du circuit !

Comment cela peut être possible ? Comment ces français peuvent-ils disparaître des instances de la BCEAO, alors qu’on avait affirmé avec assurance qu’ils n’y étaient pas ? Vraiment, c’est à y perdre son latin !

Le constat qu’on fait également, c’est que nous avions cru que cette nouvelle, cette bonne nouvelle, nous serait donnée en présence de tous les chefs d’Etat dont les pays ont en commun cette monnaie et nous donner l’illusion d’affirmer notre souveraineté. Mais c’est plutôt en présence du président français et sous son regard vigilant que le chef de l’Etat de Côte d’Ivoire a fait l’annonce de la mort du FCFA et de la naissance de l’ECO, bien que cette décision ait été prise d’un commun accord avec tous les chefs d’Etats des pays utilisant le franc CFA. Mais une question nous taraude l’esprit :

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Pourquoi c’est l’un des chefs d’Etat, grand défenseur du CFA, qui au sortir d’une rencontre à l’Elysée avec son homologue français, alors qu’aucune question ne lui été posée, a affirmé urbi et orbi que le CFA est une bonne monnaie, tournant en dérision les intellectuels africains qui osaient s’attaquer à cette monnaie, pourquoi c’est à lui que revient le devoir d’annoncer la mort d’une monnaie qu’il a défendu bec et ongle ?

Peut-on lui faire confiance ?  Doit-on lui faire confiance ? Peut-on croire à un véritable changement voire à une rupture avec les anciennes pratiques inhérentes au CFA ? Comment une monnaie qu’on a jugée bonne et même très bonne peut-elle être changée au bout de quelques mois ? A quoi répond cette logique ?

Il serait hasardeux pour nous de donner des réponses à ces interrogations.

Toutefois, au regard de ce qu’il nous a été donné de lire, l’ECO sera aussi une monnaie africaine de façade cachant de façon subtile l’omniprésence étouffante de la France.  Mais à quoi pouvait-on s’attendre ? La France ne prendra jamais une décision allant à l’encontre de ses intérêts ! Cela va de soi. L’ECO n’est qu’un déguisement mal dissimulé du CFA pour qui la messe de requiem est loin d’être dite. Tant que la monnaie africaine ne sera pas exclusivement gérée par les africains de bout en bout, tant que la France d’une manière ou d’une autre sera présente à quelque niveau dans la gestion de cette monnaie, il serait illusoire de penser souveraineté. Aucun pays souverain au monde ne donne la gestion ou la garantie de sa monnaie à un autre. Les USA gèrent leur dollar de bout en bout, la Russie gère son rouble, la Chine son yuan, etc. D’où vient que les africains sont les seuls à confier leur destinée aux autres nations ?  Est-ce la peur de se prendre en charge ? Est-ce la peur du saut dans un inconnu pourtant bien connu de nombre d’africains ?

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Tant qu’on sera dans ce schéma de la peur des échecs, de la peur de l’apprentissage, du manque de confiance en nous-mêmes, de la non-volonté de nous assumer, tout nous sera imposé comme la France impose des « bons et gentils » terroristes au Mali, qui interdisent au gouvernement malien d’avoir accès à une partie de son territoire ! C’est le prix à payer quand on confie sa défense tout comme sa monnaie à un autre pays.

Le Franc CFA va certainement mourir mais restera véritablement incrusté dans l’ECO, tant que la parité avec l’EURO n’aura pas changé et tant que la France en assurera la garantie. C’est de toute évidence une rupture dans la continuité qui doit être combattue avec vigueur pour assurer demain. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours.

Mais soyez sans crainte, s’il y a eu un matin, il y aura un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.