Nimba Éditions : lire la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui.

Nimba Éditions, lancée à Abidjan en novembre dernier, se veut locale et rafraîchissante pour les Ivoiriennes et Ivoiriens d’aujourd’hui. Sa directrice, Sarah Mody, raconte les dessous du projet.

L’édition ivoirienne est l’une des plus anciennes du continent et s’appuie sur des structures expérimentées », prévient l’auteur de divers ouvrages sur l’édition en Afrique, Christophe Cassiau Haurie. En débarquant avec Nimba Éditions à Abidjan, sa directrice Sarah Mody reconnaît volontiers qu’elle n’arrivait pas « dans un désert ». « Nombreuses sont les maisons d’édition qui nous précèdent », explique-t-elle. Cela dit, elle voyait en Côte d’Ivoire « un paysage littéraire principalement périscolaire, parascolaire ou scolaire, avec relativement peu de place pour la fiction ».

Confirmant cette impression, Christophe Cassiau Haurie explique que « le marché scolaire ivoirien est essentiellement détenu par les éditeurs locaux, situation peu fréquente en Afrique, où l’essentiel de cette niche si rentable est détenu par des éditeurs européens ».

En témoignent les revendications publiques des plus connues, les Éditions Livre Sud (Edilis), dont le cheval de bataille est l’alphabétisation, Eburnie, qui possède de la littérature jeunesse mais édite beaucoup de scolaire, ou encore Les Nouvelles éditions ivoiriennes et Les classiques ivoiriens, qui débutent leur description par le détail de leurs ouvrages d’apprentissage. Bref, Nimba Éditions débarquait en novembre avec une ambition toute différente : proposer une littérature essentiellement ludique qui reflète le quotidien des Ivoiriennes et Ivoiriens d’aujourd’hui.

Sexualité, grossesse et tabous

Dans cette dynamique, Nimba Éditions a sorti dix premiers ouvrages, qui portent la voix des Ivoiriennes. « On veut parler franchement de l’émancipation des femmes en Côte d’Ivoire », introduit Sarah Mody. Par exemple, Nimba milite pour un cheveu libre avec Mon cahier nappy, écrit par l’activiste du cheveu crépu et blogueuse Mariam Diaby.

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« On veut aussi aider les femmes afrodescendantes et africaines à affronter les soucis qui leur sont propres au long de sa grossesse, avec Mon cahier de grossesse, écrit par Amie Kouamé », reprend la directrice de la maison d’édition. L’ouvrage revient ainsi sur les superstitions et les savoirs ancestraux, sans oublier de répondre aux questions du quotidien en donnant des astuces locales. La question médicale est aussi largement abordée. « On vit dans un pays où certaines femmes continuent d’être excisées. Lorsqu’elles tombent enceinte, elles manquent d’informations pratiques sur les conséquences de cet acte pour leur accouchement », souligne Sarah Mody. Autre point important : « Parler aux couples en abordant le sujet de leur épanouissement sexuels. » C’est l’ouvrage Les secrets du bonheur conjugal de la chroniqueuse et coach en sexualité Coralie Yeboue qui s’en charge.

L’objectif de Nimba est de capter l’attention de l’Abidjanais du 21e siècle. En lui parlant, par exemple, avec des néologismes courants, en abandonnant la traditionnelle morale à la fin de l’ouvrage, ou en changeant les stéréotypes du héros, moins sage, comme en témoignent les quatre ouvrages jeunesse proposés dans ce premier volet du programme éditorial : « Ils répondent, font des bêtises à la récré, sont espiègles… Bref, ce sont de vrais enfants ! », s’amuse Sarah Mody. Ces derniers vivent leurs aventures dans les mêmes décors que les enfants qui les écoutent ou les lisent. Tous les auteurs, dessinateurs, imprimeurs et distributeurs sont également Ivoiriens. La maison, qui entend publier une trentaine d’ouvrages par an, reste silencieuse sur son budget.

Littérature moderne et formats 2.0

Mais pour être vraiment cohérent avec la vie de l’Abidjanais moyen, cible recherchée par Nimba Éditions, il fallait aussi revisiter les formats, les rendre pratiques au quotidien. Avec des livres audio par exemple. « Ils sont parfaits pour la littérature jeunesse, à diffuser dans la voiture lorsqu’il y a des embouteillages, très fréquents à Abidjan. »

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La maison d’édition propose aussi une offre dématérialisée 100 % numérique, plus adaptée au jeune adulte hyperconnecté et surtout bien moins chère. Les ouvrages coûtent entre 5 000 et 10 000 FCFA (7,6 à 9,1 euros) en format papier, mais sont accessibles depuis la plateforme YouScribe (une sorte de Netflix du livre) avec des forfaits qui démarrent à 100 FCFA (0,15 euro) par jour.

Si cette dernière option les rend disponibles hors de la capitale, Sarah Mody précise que c’est aussi le cas de leurs ouvrages papier, distribués dans un large réseau de librairies partenaires et de boutiques Canal + sur l’ensemble le territoire.

Source : Jeune Afrique.