Culture/ ‘’Lysa Love’’, la poésie, le slam et la volonté d’affirmer son identité.

Par Vouzo Zaba / Afriquematin.net

Férue d’histoire, des arts et des lettres, il n’en fallait pas plus pour que cette étudiante en espagnole à l’université Felix Houphouet  Boigny (FHB) d’Abidjan- Cocody  franchisse le cap  de la poésie, puis du slam.  Elisabeth Tanoh Nouaman ou encore ‘’LYSA LOVE’, au travers d’une interview téléphonique (pour cause de restrictions de déplacements dues à la pandémie du covd-19), soulève un coin de voile sur son parcours, les difficultés qu’elle  franchies pour imposer sa passion à son entourage. Retour sur les points forts de cet entretien que cette passionnée de littérature a accordé à Afriquematin.net

Très tôt plongée dans l’univers des livres grâce à ses parents qui sont dans l’enseignement (mère institutrice et père éducateur des lycées et collèges),  son enfance a été rythmé des œuvres de Micheline Coulibaly, Annie Yapobi, Fatou Keita. Avec  pour modèles Aimé Césaire, Pablo Neruda, Bernard Dadié, Gabriela Mistral et Mariama Bâ entre autres, elle  perçoit la littérature comme le moteur de la vie et le livre comme  la preuve que la  goutte d’eau finie par broyer le rocher : c’est l’arme redoutable qui a donnée une nouvelle direction à sa vie, via la poésie et le slam.

« J’ai toujours été passionnée d’écriture, j’essayais d’écrire des contes à l’image de ceux que je lisais mais c’est au collège que j’ai commencé à écrire des nouvelles, des poèmes que je présentais  à mes amis, parents et professeurs. Parfois j’écrivais des poèmes que je donnais à  voir à des personnes bien choisies : professeurs, prêtres, amis, religieux. Beaucoup d’entre ces personnes m’ont encouragé, je l’avoue aujourd’hui.  Ils disaient que j’écrivais bien. Puis,  une fois au Lycée Jeunes Filles de Bingerville,  j’ai participé à des concours de poésie et de littérature que j’ai remportés et qui m’ont permis d’avoir beaucoup de livres. Après le Bac en 2012,  j’écrivais assez rarement et ma plume était endormie. En 2015 un ami de faculté,  Loua, m’ a invité à une plateforme littéraire appelée ‘’Plume libre’’.  le concept est simple : tu écris un texte que tu envoies sur le mail de la plateforme .un comité scientifique se réunit pour se pencher sur ce texte. Si celui-ci est retenu, tu passes sur scène. Ce fut une nouvelle étape pour moi  car cela m’a permit de  développer l’art de parler en public et  d’affronter la foule. J’écrivais un texte que je venais lire chaque dernier samedi du mois. Il est important aussi pour moi de relater un fait singulier que je n’oublierai jamais : En 2016,  j’étais à la maison quand une amie à moi,  Ohouo Sandrine,  m’appelle pour me dire ceci : « Elisa , ils sont en train de faire une émission de télé-réalité  de poésie sur RTI 2 dans laquelle j’ai bien vu ton ami Guillaume Kouadio. Pourquoi n’y étais-tu pas ? Je me suis don précipité et j’ai appelé l’ami en question. Il m’a fait savoir que la saison 1 était déjà close. Je me suis donc apprêtée, avec des amis, pour la seconde saison. Malheureusement, j’ai été recalée au stade des éliminatoires. Par contre j’ai eu la chance d’être intégrée à l’école des  poètes car j’avais des choses à apprendre »

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Poursuivant,  elle est revenue sur le désir brûlant de faire de la scène et de montrer  à tous cette flamme  qui sommeillait au plus profond d’elle : « Je ne voulais plus écrire seulement des poèmes .Je voulais faire de la scène, me surpasser. Au fur et à mesure, des réunions étaient organisées  au Centre National des Arts et de la Culture où on invitait des écrivains poètes et slameurs qui venaient nous instruire et partager leurs expériences. En outre on organisait ‘’ La fête des mots ‘’ à la bibliothèque municipale Djodjo de Bingerville où on faisait du slam et de la poésie en invitant le public à venir nous voir. J’avoue, en toute sincérité, que mes   débuts n’ont pas été faciles. J’ai subi la raillerie de certaines personnes mais cela ne m’a pas empêché de continuer à travailler et à persévérer. Le 21 Mars 2017,  on a fait notre premier grand spectacle officiel. C’était ma première grande scène, en somme,  mon baptême de feu,  avec l’Ecole des poètes. Nous l’avions fait à la salle Bitty Moro de l’INSAAC, Nous rendions hommage au poète Azo Voguy. Le lendemain de ce spectacle,  j’ai  rencontré une personne aguerrie dans l’art de la scène qui m’a approchée. Avec ce critique d’art, je me suis perfectionnée davantage. Je suis encore allée à la rencontre  d’artistes confirmés pour leur demander des conseils. J’ai pris des vidéos relatives au slam, déclamation, et- autre sur le net, avec à l’appui des exercices de diction ».

Elle est revenue  en outre sur les difficultés liées à sa passion et qui ont secouées le cocon familial. «  Je commençais à avoir des retours positifs et cela  m’encourageait à travailler davantage. Mais tout cela empiétait sur ma vie à la maison et mes parents n’ont pas tardés à me réprimander. En effet, je rentrais de plus en plus tard, ce qui était à l’opposé des règles ici à la maison. Quand bien même ils me laissaient faire, ce n’était pas de gaieté de cœur. Puis un jour, ils sont montés d’un cran en m’intimant l’ordre d’arrêter la scène.  Ils trouvaient que je ne mesurais pas les dangers auxquels je pouvais faire face. Mais il faut le  reconnaître, malgré cela, je tenais à avancer car  submerger par la passion, je trouvais que je n’avais jamais fait assez, que je n’étais toujours pas  à la hauteur. Je pouvais rester toute une journée dans la chambre en train de travailler, pendant que mes parents pensaient  que je faisais des  recherches pour la fac ou les concours d’entrée  à la fonction publique que je préparais simultanément alors que je m’exerçais , en cachette,  avec  des vidéos de slam, d’art oratoire et de techniques d’écritures, et d’exercices de rendu. Ma grande sœur, plus d’une fois exaspérée,  m’a une fois interpellée en ce sens : «  Tu ne trouves pas que tu exagères et que tu en fais trop ? ». Pourtant, au vu de mes performances, elle a été de ceux qui m’ont encouragés à persévérer. J’ai dûe, néanmoins, tout arrêter, pendant une année. »

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Pour terminer, elle souligne les bienfaits  d’un recul qui lui a permit de revenir à sa passion avec un engagement plus mature, respectueux de ses relations et d’avec  sa famille,  et d’avec son bien être personnel. «  J’ai repris la scène en février 2020, avec un esprit plus réaliste, je tiens, depuis,  compte de ma santé et je ne cherche plus à faire plaisir aux gens. J’ai fait des scènes à la plume libre, à la cérémonie d’hommage aux écrivaines de Côte d’Ivoire et à l’American Center de l’Université de Cocody, J’ai participé au projet Human Slam Campaign du Slameur Yaya Onka qui a réuni des slameurs du Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Congo Brazzaville, Mali, Maroc pour lutter contre le Corona Virus.

Je ne voudrais surtout pas que ceux qui apprécie mon travail et qui veulent faire du slam suivent mon parcours à l’aveuglette. Moi, mon modèle, c’est le Christ. Je veux juste que les gens croient en leurs rêves, mêmes les plus fous et travaillent dans ce sens  pour les réaliser.  Les miracles sont possibles quand on y croit. Il faut mettre le bien-être de l’Humanité au centre de ses actions et le ciel vous donnera l’intuition de la voie à suivre. Je travaille sur des œuvres que je compte publier. J’ai pour projet d’organiser des ateliers pour les enfants qui sont en prison avec leurs mères et à équiper, installer des bibliothèques dans certaines écoles primaires avec ouverture de clubs de lecture et d’art oratoire. Ce sont des projets qui me tiennent à cœur et je sais que quel que soit le temps, ils deviendront réalité. Je ne pourrai terminer sans remercier  mes parents à qui j’ai fait voir des couleurs et je m’en excuse sincèrement.  Je ferai tout pour ne pas les  décevoir. Je tiens à remercier  le  Dr Alain Tailly pour avoir créé l’école des poètes et produit  cette télé-réalité. Tout cela a considérablement  changé le cous  de ma vie. A Mme Christina Goh pour ses conseils, pour sa simplicité et son humilité , à Antonella Sinopoli pour son projet Afro Women Poetry, Merci à Mrs Lia Hollander et Gnobo Atto qui m’ont encouragé à écrire des poèmes en Anglais, à Mme Marie Laure Angoran directrice du centre Américain des Etats-Unis en Côte d’Ivoire pour avoir accepté que je fasse une performance lors du Book of month de mars 2018. C’était  ma toute première performance en anglais devant un public nombreux. A M. Assamoi Clément président du club d’anglais Winners’ English Space , A mon encadreur,  Dr Yao Jean-Arsène pour son soutient , à M. Gustave Assalé pour ses conseils sur mon rendu et ses mots de motivation, merci à Bee Joe, l’Etudiant, Olili, Amee, Coeurtiss, Andréa, Agnini,Roi fort Malick, Ruben Mabéa, Dr Kissy Marshall, Hippy Douhokpa, Guillaume,Debora N’takpé  Christian, Katcha, Ariel, Andy, Emérence, Pierre-Cedrick, Sidy Tous les membres de l’école des poètes et du Collectif  »Au nom du slam » qui ont envoyé une pièce pour former le puzzle de ma carrière artistique ».

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