Musique -Yemi Alade/« Je préfère être dans l’action plutôt que dans la plainte»

Depuis son single Johnny qui a connu un succès incroyable, Yemi Alade continue de conquérir le continent et le monde. De passage à Abidjan dans le cadre du Fumua, l’afro pop star nigériane parle de l’Afrique  et de ses richesses en matière musicale.

Qu’est-ce que la Côte d’Ivoire signifie pour vous au plan musical voire artistique?

J’ai été très inspirée par la Côte d’Ivoire et par toutes ses musiques, et particulièrement par le krikata. Je suis archi fan. C’est un style où on utilise beaucoup de bruits de bouche Mais j’ai aussi beaucoup de fans dans ce pays qui me suivent depuis des années, et c’est toujours un plaisir pour moi de me retrouver à chaque fois que l’occasion se présente en terre ivoirienne. Je suis inspirée par les gens et leur façon de vivre à chaque fois que je viens ici. C’est tout ça, la Cote d’Ivoire pour moi.

« Pour moi être africaine, c’est avant tout un signe d’espoir. C’est le signe de la possibilité d’une vie où les barrières peuvent être franchies »

Comment jugez-vous que Lagos soit redevenue l’une des capitales de la musique en Afrique, de par ces multitudes d’artistes qui se prononcent sur le continent devançant (peut-être) Abidjan ?

Je pense que ce qui est le plus constant dans la vie, c’est le changement ! En ce moment les gens se disent que si tu réussis à Lagos, alors tu peux réussir partout. Ça vient avant tout des habitants du pays, ce sont eux qui veulent tout faire pour s’assurer que le monde va les entendre. Même s’ils ont moins de moyens qu’en Occident, ils ont cet espoir, et c’est cet espoir qui est partagé par tous qui fait que Lagos est ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

 Nous sommes dans une nouvelles aire avec différentes sonorités, constatez-vous qu’il y a des changements dans la production de la musique africaine ? Dans le passé, il fallait passer par les capitales anglaise et française, alors que l’Afrique offre des possibilités, et en particulier Lagos ?

« Je suis une fille normale, mais quand il s’agit de ma carrière artistique, c’est différent et là, j’aime me sentir super hors du commun »

Parlant de l’occident, je pense que Paris et Londres restent des capitales importantes pour la musique, mais l’Afrique est en train de prendre sa place de nos jours. Prends mon exemple, moi je tourne des clips en Afrique, mais aussi à Paris. J’ai tourné un à la Tour Eiffel avec une Ferrari, mais je tourne aussi à Dubaï ou à Londres. Ces villes restent importantes, mais l’Afrique est récemment devenue le lieu où « ça se passe ».

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Je pense que la perception du continent africain est en train de changer doucement pour le meilleur. C’est très lent, mais je pense que la musique joue un grand rôle là-dedans, parce que beaucoup d’artistes africains émergent et deviennent des étendards, dans le bon sens du terme. À mon petit niveau, j’y contribue peut-être un peu aussi.

Avez-vous des  modèles d’artistes en Afrique ?

Mes modèles se portent sur Angélique Kidjo, Myriam Makeba, j’adore le travail de Fela et je suis aussi inspirée par tous les jeunes artistes nigérians.

L’on constate que vous êtes hors du commun sur scène et dans les clips ? Est-il si important pour vous?

Si vous me suivez bien, vous verrez que  je suis une fille normale. Mais quand il s’agit de ma carrière artistique, c’est différent. Là, j’aime me sentir super hors du commun. J’essaye de repousser les limites et de faire des choses que je n’ai jamais faites, de faire des choses qu’aucun Africain n’a jamais faites au sens positif du terme. Je pense qu’en tant qu’artiste c’est important, j’aime ce côté démesuré, mais en tant que personne, j’ai une vie très normale.

Vous assumez cette image d’une certaine réussite. Pour vous, montrer cela aujourd’hui au Nigéria et au monde, est-ce une sorte d’affirmation politique ?

– Toute cette histoire d’être artiste et d’être ouvertement critique politiquement, c’est quelque chose de particulier. Il faut vraiment être prêt pour ça. Je pense que d’autres artistes comme Fela étaient prêts mentalement et physiquement. Il était prêt à assumer toutes les conséquences de ses engagements.

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Tout le monde a été affecté par son engagement, ses amis, sa famille et même sa mère qui a été jetée par la fenêtre. Ça a touché tous ses proches, et Fela assumait tout ça. Ça ne l’a pas brisé, parce qu’il était préparé. Pour prendre de tels engagements en tant qu’artiste, surtout dans mon pays le Nigéria, il faut être sacrément armé. Personne ne peut être poussé à faire tout ça à moins d’être vraiment prêt ! C’est la seule façon pour que cet engagement soit sincère. Un artiste ne peut pas faire ce genre de déclarations politiques, et puis se rétracter après, ça serait… je ne peux même pas décrire combien ça serait décevant. Moi je n’ai pas pointé du doigt les politiques ou le gouvernement.

Je vis dans un pays et je dirai même sur un continent où l’on a  l’impression que tout ce qui est politique est juste un copié-collé de ce qui a été fait. Parce que j’ai rencontré ces problèmes de gouvernance un peu partout où je suis allée, j’ai envie d’en finir vraiment avec ça, mais je ne veux pas désigner qui que ce soit. Je suis déterminée à rendre ma vie meilleure, ma vie et celle de ceux qui m’entourent avec le peu que je puisse faire plutôt qu’en pointant du doigt. Parce que tous ces problèmes existent depuis tant d’années, et rien n’a changé donc plutôt que de les pointer du doigt, je préfère être dans l’action plutôt que dans la plainte. Je préfère être un exemple dans un sens, je pense que c’est plus efficace. C’est mon point de vue.

Comment définissez-vous l’Africaine de nos jours ?

Pour moi être africaine aujourd’hui, c’est une des plus belles bénédictions que Dieu m’ait données. Au-delà du fait que je suis Nigériane, je voyage à travers le monde et je me rends compte que l’Afrique est un continent bien sûr, mais c’est aussi un territoire divisé par des tribus, des langues et des frontières. Les langues sont le principal obstacle au-delà même des frontières et des religions.

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C’est un vaste débat, mais pour moi être africaine aujourd’hui, c’est avant tout un signe d’espoir. C’est le signe de la possibilité d’une vie où les barrières peuvent être franchies. Être africaine, pour moi, c’est avant tout une force, ça me rend forte, crédible, ça me fait me sentir bien.

Vous parlez de langues et de barrières, mais – le public connait vos chansons par cœur sans parler votre langue ?

C’est pour ça que je remercie mère nature et la musique, car la musique en elle-même est un langage. Moi j’adore certaines chansons dont je ne comprends pas les paroles et je pense que beaucoup de gens ressentent ça dans ma musique. Donc quand je me déplace dans  un pays francophone et que je vois les gens chanter mes paroles,  je ne peux que dire merci !

« C’est très dur de chanter dans une langue qui n’est pas la tienne »,

Avez-vous  déjà chanté en langue française ?

Le titre « Johnny » qui est l’un de mes premiers singles a été chanté en français, mais la chanson était déjà un tube avant que j’en fasse une version française. J’adore les langues, ma mère parle sept langues et je pense que sa passion des langues m’a aussi contaminée. Je vais peut-être apprendre d’autres.

J’ai voulu faire cette chanson en français pour dire merci aux gens qui m’aiment, c’est parce que je le sentais. C’est très dur de chanter dans une langue qui n’est pas la tienne, -mais quand quelqu’un qui ne parle pas anglais me dit, «  ah j’adore ta chanson », cela fait ma journée et contribue à améliorer  mon bonheur.

Source: pan-african-music.com  avec afriquematin.net