Biodiversité : Il y a cinq ans, Pr Laurent Aké-Assi, le savant méconnu des ivoiriens s’en est allé.

Par Serikpa Djeckou De Sylva-Afriquematin.net

14 janvier 2014-14 janvier 2019. Il y a cinq ans que le Pr Laurent Aké Assi, un véritable savant méconnu des ivoiriens s’en est allé dans l’indifférence totale. Les deux jours qu’ont duré notre entretien avec Pr Laurent Aké-Assi (avant sa mort), nous ont révélé la dimension de l’homme.

Dans ce petit appartement de trois chambres salon, au cœur de la commune de Cocody où il nous reçoit, il faut bien être Pr Laurent Aké-Assi pour vivre dans ces conditions modestes. Une petite table à manger avec six chaises ; un petit salon et un poste téléviseur. Sur les murs, sont fixées des photos qui rappellent son jeune âge. « Ici, je suis avec Pr Mangenot. Là, c’est à Paris, quand j’étais étudiant. Les photos du fond, ce sont mes enfants, ma femme et moi et ce tableau, ce sont mes étudiants qui me l’ont dédié », nous raconte le maître des lieux.

Assis au milieu des documents qu’il égraine avec chacun une histoire, Pr Aké-Assi, nous plonge dans son « herbier ». Une histoire qui ressemble à nos contes, que nous ont racontés nos parents au clair de lune dans nos villages, durant notre enfance. La seule différence, c’est qu’ici, rien n’est inventé. La vie du Professeur, c’est du vécu, malgré son caractère irrationnel. Comment revenir de la France avec un doctorat d’Etat, alors qu’on a passé que trois ans dans l’école classique. Du jamais vu.

Malgré son âge très avancé 83 ans, Pr Aké-Assi retrouve tous ses documents sans difficulté dans des chemises bien ordonnées et disposées dans le divan. « Professeur, vous retrouvez encore tous ces documents qui datent des années 40 et 50 » ? « Je suis conservateur » nous répond-il. Parmi les documents qu’il met à notre disposition, son curriculum vitae. Un document de 83 pages qui retrace le parcours de l’homme. Ne pouvant détailler tous ses travaux, contentons-nous de citer quelques uns : 133 publications (1982), 139 travaux universitaires, Membre de 10 sociétés savantes dans le monde. Son mérite a été reconnu à travers de nombreuses distinctions honorifiques. Chevalier de l’ordre international des palmes académiques du CAMES/Commandeur de l’arche d’Or des Pays-Bas ; Grand officier de l’Ordre National de Côte d’Ivoire, membre de l’Académie des Sciences, des Arts, des Cultures d’Afrique et des Diasporas africaines en Côte d’Ivoire.  Pr Aké-Assi  a été fait,  citoyen d’honneur  de la ville de Montpellier en France depuis  2012.

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Il a effectué 160 missions internationales dont une quarantaine pour l’enseignement supérieur (2008). Il a parcouru la nature : les forêts, les savanes et les marécages du monde pour y faire des récoltes et constituer l’herbier national. Il a créé le jardin botanique de l’université dans lequel il a fait pousser plusieurs espèces végétales et a identifié 3858 espèces de la flore ivoirienne. «Tout ce patrimoine, je l’ai stocké dans ma résidence à Yopougon Andokoi que je mets à la disposition du monde Scientifique», nous confie-t-il. Deux grands axes de recherche ont marqué toute sa carrière : l’inventaire permanent de la flore de Côte d’Ivoire (avec comme principal résultat, la somme que représente la flore générale de Côte d’Ivoire) ; les recherches sur les substances naturelles à usages pharmaceutiques, cosmétiques et santé, avec un recensement continu des plantes médicinales.

De sa vie, l’on retiendra que la passion et le travail, sont les meilleurs remèdes pour une éternelle jeunesse et qu’un scientifique doit sortir de sa tour d’ivoire et toujours avoir de la boue ou de la poussière sur les souliers.  Pr Aké-Assi aura démontré que chacun, quelle que soit son origine, peut accéder aux formes les plus élevées de la culture. Et pourtant, ils sont nombreux les ivoiriens de tous les domaines d’activité, qui ont ignoré Professeur Laurent Aké-Assi. Cet ethno-botaniste, éminent professeur, a fait la fierté des grandes universités de la Côte d’Ivoire, de l’Afrique et du monde. Malgré le « bois sacré » d’Idriss Diabaté cinéaste ivoirien, qui lui a dédié un film, Pr Aké-Assi est resté toute sa vie méconnu des ivoiriens. Comme quoi, l’adage qui affirme que nul n’est prophète chez soi, est une réalité. L’homme repose depuis 2014 dans son village à Agbaou, dans le département d’Adzopé, auprès de ses ancêtres.

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