Municipales à Issia: les grandes révélations du Maire Fanny Karim

Par Jean Levry-Afriquematin.net

Issia, petite localité du centre-ouest, à environ 200 km au Nord d’Abidjan (la capitale ivoirienne) a vécu, à l’instar de plusieurs villes, des heures chaudes au lendemain des élections locales. Le maire sortant et réélu,  Fanny Karim  revient sur le film des  évènements survenus dans la ville. Pour lui, « c’est regrettable » et que « le développement doit être la préoccupation qui doit unir » les fils et filles de la commune d’Issia.

C’est un jeune maire, très décontracté qu’Afriquematin a reçu en cette matinée du mardi 30 octobre 2018 à sa rédaction de la Riviera Abatta. Fanny Karim qui rempile pour un second mandat à la tête conseil municipal est pourtant passé à côté d’une éventuelle remise en cause de sa victoire devant la cour suprême de la part de ses adversaires comme c’est le cas pour certaines localités. Heureusement que les contestations qui ont eu lieu 48 heures après la proclamation des résultats ont vite faibli tant sa victoire a été claire.

Que s’est-il passé en ces deux folles journées du lundi 15 et mercredi 17 octobre 2018 à Issia ?

C’est le maire lui-même qui relate les faits.

« Les élections se sont déroulées sans heurts. Les choses ont commencé à se gâter le lundi matin quand j’ai été informé de ce que des jeunes en provenance des villages voisins seraient en train de déferler sur la ville d’Issia pour, dit-on, installer Ginette Ross (candidate arrivée en 2ème position, ndlr) à la Mairie.

Déjà la veille, j’avais reçu une information faisant état de ce que deux individus à moto sillonnaient les 24 villages rattachés à la commune d’Issia pour demander aux populations de marcher sur la ville le lendemain lundi parce que le maire sortant aurait volé la victoire de Ginette. Je croyais que c’était une rumeur donc je n’ai pas pris cela au sérieux.

Grande fut ma surprise qu’une cohorte de jeunes venus  effectivement des villages ont envahi la ville. Informé, le préfet a alerté les forces de l’ordre qui ont pu disperser les manifestants. En partant, les jeunes ont promis revenir le vendredi suivant pour incendier le marché et la mairie.

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C’est plutôt le mercredi qu’ils sont arrivés aux environs de 8h30. Vers midi, on informe que dans leur élan de destruction, les jeunes ont lancé un cocktail Molotov dans la guérite du gardien de la mairie et dans le marché. Les explosifs ont été désamorcés par les populations et les commerçants. De toute évidence, les forces de l’ordre sur place, en nombre insuffisant, n’arrivaient pas à contenir les manifestants. Après un échange avec le Préfet, j’ai pris sur moi la responsabilité de sécuriser les locaux de la mairie en usant d’autres moyens dissuasifs.

En attendant que la 2ème légion de gendarmerie de Daloa envoie un contingent pour maîtriser la situation, et sachant que le contingent ne pourrait arriver à Issia que dans pas moins de 2 heures, il fallait trouver une solution, au plus pressé, pour éviter le pire.

J’ai dit : « la mairie ne brûlera pas ». L’exemple de Soubré est encore dans les esprits et je ne permettrai pas qu’Issia connaisse le même sort.

C’est ainsi que j’ai fait venir les dozos (chasseurs traditionnels, ndlr) à qui j’ai demandé de déposer toutes les munitions chez moi et d’aller dans leurs tenues d’apparat pour former un cordon de sécurité autour de la mairie afin d’éviter qu’elle ne parte en feu. Quand le contingent venu de Daloa est arrivé à Issia aux environs de 14h30, la situation était déjà calme. Je ne regrette pas d’avoir fait sortir les dozos. Parce que sans leur présence dissuasive, la mairie serait partie en fumée avant l’arrivée du contingent de Daloa.

Plus tard, les jeunes propriétaires de magasins dans le marché se sont organisés pour, disent-ils,  apporter la riposte à ceux qui avaient voulu mettre le feu au marché. Ces échauffourées ont malheureusement  atteint les villages environnants et provoqué la fuite des villageois. C’est regrettable ! »

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Et pourtant, tout s’était bien passé jusqu’à la proclamation des résultats, à en croire le maire Fanny Karim.

« La cohésion est une nécessité absolue. Je me réjouis de ce que la campagne, dans notre localité, a été apaisée. Je me suis fait fort de rendre  visite à mes adversaires pour leur dire que  peu importe le vainqueur de cette élection, nous allons nous retrouver au sein d’un même conseil municipal. Pourquoi ne pas apprendre déjà à se frotter les uns et les autres. », avait préconisé le maire qui a réitéré son appel aux deux candidates malheureuses, Ginette Ross et Tah Zéré.

« Je réitère mon appel pour dire que les idées qui ont prévalues lors de la campagne et qui faisaient le programme de chaque candidat soient remises sur la table pour enrichir le programme que j’ai défendu pour que nous puissions travailler main dans la main pour le bonheur des populations d’Issia ».

Fanny Karim appelle à l’union des cadres d’Issia

Pour le maire d’Issia, la diversité étant une richesse, elle doit être le socle du développement de la Côte d’Ivoire, en particulier de la commune d’Issia.

« Je voudrais dire aux uns et aux autres que lorsqu’on est à l’intérieur de la Côte d’Ivoire, on est chez soi. Fanny Karim ne s’est pas présenté à la chefferie traditionnelle d’Issia. Il n’en a pas le droit. Je me suis plutôt présenté à la mairie  qui est un instrument de l’administration au service du développement. Je suis né à Issia. J’ai grandi à Issia. J’y ai fait tout mon cursus scolaire. J’aimerais que l’on me juge sur le petit bilan de 3 ans que j’ai fait à la mairie d’Issia. Qu’on ne me juge pas sur mon ethnie. Je peux reprocher à mon frère son style vestimentaire et il peut le changer. Il en est de même pour sa coupe de cheveux. Mais, si je lui reproche le fait qu’il soit bété, il lui est impossible de changer cela. Donc, je lui ferme la porte. Alors, quand on me dit :  »je ne veux pas de lui parce qu’il est sénoufo ». Mais, on ne me laisse aucun choix. Je peux même changer de nom mais je suis sénoufo et je le resterai. Je voudrais qu’on puisse reprocher aux gens ce qui est leur faute et non qu’on ne leur reproche pas ce qui n’est pas de leur faute et qu’ils ne peuvent pas changer.

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Dieu, dans toute puissance, aurait pu faire de nous une seule race, une seule ethnie. Mais, il a trouvé que c’est dans la diversité que nous gagnons. C’est pourquoi, il nous a rendus différents. Je voudrais qu’on en fasse une force au lieu d’en faire des points de discorde. L’ethnie a déjà trop créé des problèmes au peuple ivoirien. Ça suffit ! Nous sommes d’Issia et c’est le développement d’Issia qui doit être notre préoccupation et qui doit nous unir. », a-t-il plaidé.

Le Maire Fanny Karim qui dit avoir placé son premier mandat sous le sceau de l’Education, met à présent en priorité l’achat d’une machine propre à la ville pour le reprofilage de la voirie et l’ouverture des voies des nouveaux quartiers de la ville qui a évolué ces dernières années. Il envisage également la réparation des infrastructures telles que l’hydraulique villageoise et la signature d’un contrat pour leur entretien régulier. A travers le fonds de garantie de 20 millions placé dans des institutions de microfinance, la mairie entend soutenir l’auto-emploi des jeunes et des femmes.

La tâche ne sera certes pas facile pour le jeune maire mais Fanny Karim reste confiant et compte sur l’apport des cadres d’Issia pour développement de la ville qui s’est fait connaitre au monde à travers son équipe de football « ISSIA WAZI ».