Abuja-Sommet de la Cédéao/Certaines résolutions de l’institution pourraient-elles faire plier les membres des pays du Sahel ?

Ce dimanche 07 juillet se tient à Abuja le somment des chefs d’État de la Cédéao. Plusieurs points à l’ordre du jour seront évoqués, notamment le cas des trois pays du Sahel. Et comment éviter la rupture avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso, principal enjeu du sommet. L’Institut d’Études de Sécurité, à travers son chef du projet Sahel, Fahiraman Rodrigue Koné indique dans cet entretien qu’il faut réviser le régime de sanctions contre les auteurs de putschs.  

Qu’est-ce que vous préconiser pour repenser la gestion des coups d’État en Afrique de l’Ouest ?

Je pense que cette suggestion s’impose à la lumière de l’actualité. Nous constatons que la Cédéao en particulier a de la peine à pouvoir clairement agir sur ces transitions, alors qu’elle avait toute cette influence il y a quelques années. On constate clairement qu’elle semble ne pas réussir à mettre la pression sur les auteurs actuels des coups d’État dans la région.

Fahiraman Rodrigue Koné note que « l’institution elle-même reconnaît qu’il y a besoin de pouvoir se réformer et s’adapter de sorte à pouvoir faire face à ces crises ».

Et l’institution elle-même reconnaît qu’il y a besoin de pouvoir se réformer et s’adapter de sorte à pouvoir faire face à ces crises. Le 24 février passé, lors du sommet extraordinaire des chefs d’État de la Cédéao, le président en exercice, le Nigérian Bola Tinubu, a appelé à un réexamen de l’approche de l’organisation, de sorte à enrayer cette dynamique des coups d’Etat dans la région.

A votre avis, quelles sont les raisons pour lesquelles la Cédéao n’a pas réussi à contrer efficacement la menace terroriste ces 12 dernières années dans 3 de ses pays membres ?

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Il faut dire que, dans cette phase de la lutte contre le terrorisme dans la région, il y a eu plusieurs forces ad hoc qui ont été mises en place et qui ont affaibli son leadership. On va se rappeler, par exemple, de la force multinationale mixte qui a été mise en place en 2014 pour lutter contre Boko Haram, en 2015 de la mise en place du G 5 Sahel et en 2017 de l’initiative d’Accra. Toutes ces forces ad hoc mises en place, même par les chefs d’État de la région ont donc créé des formes de rivalités institutionnelles et financières et ont porté atteinte au positionnement de la Cédéao dans la région. Ces forces ad hoc ont miné sa capacité à gérer cette crise sécuritaire là.

Quelles sont les pistes que vous envisagez pour permettre de réviser le régime de sanctions à l’égard des auteurs de coups d’État ?

 Les sanctions sont utiles et elles sont nécessaires. Il ne peut pas y avoir de règles sans sanctions, sinon les règles n’auront pas de sens. Donc, un régime de sanctions révisé inclurait des critères d’application plus clairs, tout en restant flexibles, et en veillant surtout, et ça c’est important, à réduire autant que possible les effets sur les citoyens innocents, de sorte à limiter un peu les effets nocifs. Il faudrait aussi adopter une posture plus systématisée et plus adaptée aux différents contextes. Aussi, on pense qu’il faut une possibilité dans la gradation des sanctions sur la base de critères objectifs. Et une clarification des déclencheurs des différents niveaux de sanctions pour que l’instrument soit beaucoup plus efficace.

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Fermer les frontières avec les pays putschistes est-elle  une sanction trop lourde ?

Ce sont des sanctions surtout sur lesquelles tous les acteurs n’étaient pas totalement d’accord et, ensuite, ces sanctions se sont appliquées dans un contexte particulier de pays qui sont frappés par une menace sécuritaire de longue date où les populations, déjà pauvres, sont très vulnérables. Donc des sanctions de ce type peuvent être contre-productives et, on l’a vu, elles l’ont été, dans la mesure où elles ont plutôt renforcé l’assise populaire des militaires, dans la mesure où ces derniers se sont basés sur ces mesures là pour accroître le sentiment patriotique et renforcer la posture souverainiste de l’État.

Que répondez-vous à ceux qui pourraient vous reprocher d’être trop complaisants à l’égard des auteurs de coups d’État ?

Il ne s’agit pas d’encourager des transitions militaires longues. Ni aussi d’encourager l’intrusion des militaires dans la sphère politique. Nous conseillons une approche beaucoup plus pragmatique dans un contexte qui a totalement changé, où les institutions régionales, notamment la Cédéao, ont du mal à appliquer l’organisation rapide des élections pour des transitions assez courtes. Et donc une approche plus pragmatique indiquerait comment on peut accompagner le contenu de ces transitions, en mettant l’accent sur la sécurité, l’éducation, la santé, de sorte à stabiliser, dans un long terme, ces États-là.

 Ce sommet de ce dimanche serait-il l’occasion d’un début de refondation de la Cédéao ?

Il faut une réforme à la fois des institutions, du modèle de fonctionnement de la Cédéao, mais également de ses instruments, notamment de son protocole pour la gouvernance, une révision du régime des sanctions, des modalités d’usage de la force. C’est une réflexion collective des chefs d’État qui doivent être également les porteurs de ce changement, en posant des actes qui vont dans le sens du respect des principes et des normes démocratiques de l’institution.