Pdci-Rda/Un membre du Bureau politique défie Bédié

Un membre influent du parti écrit au président Henri Konan Bédié.  Dans cette lettre ouverte, Jean-Yves Esso Essis, estime que le président  de sa formation politique doit céder le fauteuil, car pour lui « l’avenir du Pdci-Rda dépend d’une régénérescence fondée à la fois sur les acquis et sur les impulsions nouvelles ».

Excellence Monsieur le Président,

Après avoir longtemps hésité sur la meilleure méthode à utiliser pour nous exprimer sur le sujet cité en objet, nous avons finalement estimé que ce canal public permettrait à tous les militants et sympathisants, de bien s’approprier nos recommandations et suggestions et surtout nous donner leurs avis objectifs en commentaires.

Selon Jean-Yves Esso Essis, le Pdci-Rda doit jouer un rôle principal dans le retour à un État de droit et à une démocratie véritable dans notre pays.

Permettez-nous donc, à travers ces quelques lignes, d’essayer de vous entretenir sur ce que vous savez certainement déjà : l’urgente nécessité d’aller à une vraie régénération de notre Parti. D’aucun nous diront que la Direction du Parti a élaboré, pour traiter ce sujet, un questionnaire bien fourni (128 questions) abordant pratiquement tous les thèmes et tous les sujets, pour nous exprimer. C’est vrai.

Nous y avons d’ailleurs pleinement participé en étant président de commissions dans notre région et également en étant secrétaire général de commissions au niveau de l’Inspectorat du Parti. Cependant, nous pensons qu’il est indispensable de changer la façon de communiquer avec les militants qui doivent être considérés comme une réelle entité, composée certes d’analphabètes mais également d’intellectuels et surtout d’ivoirois politiquement majeurs.

Le Parti doit donc, à notre humble avis, aborder les problèmes sans adopter cette attitude paternaliste et infantilisante. Car elle a tendance à donner au militant ce réflexe et ce comportement d’éternel assisté ne sachant plus faire autre chose que créer des clubs de soutien.

Il faut donc que cela change. Cela suppose que la contradiction en interne doit être tolérée et même suscitée, avec respect, courtoisie et fermeté. Cela suppose que l’émergence d’un esprit dialectique, serein et responsable ne doit plus faire peur mais au contraire être vivement encouragé car cela permettra de mettre fin à cet unanimisme de façade qui a tant porté préjudice à notre famille politique.

Excellence Monsieur le Président,

Notre pays est plongé, depuis les dernières élections présidentielles organisées par les responsables du parti au pouvoir, au profit de leur seul camp, dans une crise silencieuse qui a considérablement ébranlé notre expérience collective de la démocratie, secoué notre unité nationale déjà si fragile, et provoqué dans la population une affliction extrême sans remède.

Nous demeurons convaincus que, plus que jamais, le PDCI-RDA peut, et doit jouer un rôle principal dans le retour à un État de droit et à une démocratie véritable dans notre pays. Pour cela, Il lui faut dès maintenant faire peau neuve…en rompant définitivement avec un certain passé afin que partout où la peau du lion ne peut atteindre, nous puissions y coudre la peau du renard.

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Excellence Monsieur le Président,

La trop grande accumulation d’improvisations et autres approximations du Parti face aux différentes crises politiques a contribué à exacerber la colère et l’amertume de nombreux militants, provoquant ainsi de véritables querelles intestines qui desservent le Parti. En effet, certains cadres des instances qui, à des degrés divers, avaient des griefs contre la Direction du Parti en ont profité pour s’engouffrer dans les brèches de la division créées par le mécontentement de la base militante.

Il faut donc à un moment donné avoir le courage de faire un diagnostic objectif et reconnaître que le PDCI-RDA est en situation de crise interne actuellement. Et, pour bien traiter le mal d’un patient, il faut que ce dernier puisse lui-même bien le définir.

Notre rôle d’observateur avisé est d’identifier les anomalies et les maux. Nous ne pouvons, en aucun cas, à notre petit niveau, ni réparer ces anomalies ni guérir ces maux. Mais, tel un bon médecin qui sait être à l’écoute de son patient même quand il ne sait pas le guérir, nous prêtons une oreille attentive a ces nombreux jeunes qui viennent nous parler et continuent de venir échanger avec nous car ils voient en notre humble personne, celui qui sait leur parler et surtout qui ose transmettre tout haut, leurs pensées aux puissants.

Et même si, encore aujourd’hui, malgré cette évidente situation de crise interne, certains militants zélés et jusqu’au-boutistes sont encore dans le déni de la réalité, il nous faut sortir de cette léthargie, de cet envoûtement incompréhensible qui nous rend tous muets en attendant que tout s’écroule. Réfléchissons activement aux voies et moyens de prodiguer les meilleurs soins au malade.

Excellence Monsieur le Président,

Le PDCI-RDA a toujours nourri, vis à vis de ceux qui se démarquent un peu en sortant des lignes balisées, une méfiance inexplicable faite d’ostracisme et d’exclusion. Ce faisant, il s’est aliéné peu à peu une bonne partie de ses cadres de valeur qui auraient dû être les ferments de l’évolution constante et continue du Parti, mais qui se sont au contraire enfermés dans un mutisme total avant de prendre la poudre d’escampette. Cela a d’abord provoqué quelques remous qui se sont mués en vaguelettes puis en vagues provoquant de très forts courants qui sont maintenant entrain de secouer le Parti…

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D’un coté ce sont les anciens dirigeants autrefois aux commandes qui, sentant venir la tornade du changement, raidissent leur jugement à l’égard de la Direction actuelle du Parti. D’un autre côté, ce sont de nouveaux courants qui ont tôt fait de revêtir de nouveaux vêtements alors que tout dans leur comportement d’aujourd’hui dément leur supposée intention de changement. Et bien évidemment, les habituels opportunistes continuent de naviguer entre les extrêmes en guettant le vent de la victoire d’un camp ou d’un autre pour tenter de le rejoindre au moment opportun.

Les affrontements sont réels, les groupes de soutien et de pression se forment pour influencer les décideurs. Le mensonge, l’intoxication psychologique et toutes sortes d’ingrédients nauséabonds sont réunis pour assister à une grande déchirure au sein du Parti.

Et pendant ce temps là…le militant de base regarde ce triste spectacle, médusé, attendant que ses dirigeants aient le courage, l’honnêteté et l’humilité nécessaires pour se remettre en cause avant de leur renouveler sa confiance.

Votre Excellence,

Le message délivré par la jeunesse à travers les épisodes de violence auxquels nous avons assisté ces dernières semaines est, avant tout, l’expression d’un phénomène de saturation et de rejet vis-à-vis de la Direction du Parti, discréditée par les échecs successifs depuis maintenant trop longtemps à reconquérir les commandes de l’État.

Il nous faut en tirer les conséquences sans émotions et surtout sans passion, pour éviter de condamner le Parti à très court terme. Nous sommes de ceux qui restent persuadés que l’avenir du PDCI-RDA dépend d’une régénérescence fondée à la fois sur les acquis et sur les impulsions nouvelles. Il faudrait imposer au Parti une véritable cure de jouvence intellectuelle et morale, une profonde restructuration avec son lot de révisions aussi déchirantes que nécessaires, pour déboucher sur une véritable régénération du PDCI-RDA. Et pour que les méthodes changent il faut que les hommes réfractaires au changement soient remplacés.

Même s’il est vrai que le PDCI-RDA doit se débarrasser très rapidement de cette image de vieux parti de notables, figé dans le conservatisme, pour apparaître plutôt séduisant, démocrate, libéral et social, ouvert aux idées novatrices tout en étant solidement ancré au centre de l’échiquier politique, et surtout capable de mobiliser toutes les sensibilités, il n’est cependant pas moins vrai que le problème ne s’est jamais posé en terme de générations.

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En effet, d’un côté s’il existe de nombreux vieux militants totalement acquis aux idées novatrices et capables d’apporter au Parti un second souffle, d’un autre coté il existe également de nombreux militants de la nouvelle génération, totalement aveuglés par leurs ambitions personnelles, mettant l’intérêt du Parti au second plan et se livrant à des comportements irresponsables et répréhensibles. L’âge n’est donc pas la panacée et le PDCI-RDA doit, dans sa mue, cultiver l’union des générations.

Excellence Monsieur le Président,

La crédibilité des idées novatrices ne pouvant trouver sa source que dans la valeur reconnue de ceux qui les émettent, osez avoir confiance en nous…

Après d’innombrables séances de travail harassantes et d’incessants échanges avec plusieurs militants et sympathisants de tous bords et de toutes régions depuis le début de l’année 2021, nous avons élaboré un Plan d’Action Stratégique (PAS). Nous avons tous convenu que la reconquête du pouvoir d’État par le PDCI-RDA est possible et même probable en 2025 si elle se fait en deux grands pas : Le pas interne et le pas externe.

Le pas interne est la méthodologie de toilettage qui consistera à creuser dans les tréfonds de notre parti, pour y déceler les dysfonctionnements et autres anomalies congénitales et les corriger. Le pas externe consistera à identifier les cibles extérieures prioritaires et mettre en place la méthodologie qui les rendra justes, équitables, démocratiques et profitables au parti.

Ces deux grands PAS nous permettrons de nous donner toutes les chances de reconquérir le pouvoir d’État lors des prochaines élections présidentielles. Nous nous sommes exprimés clairement dans les moindres détails sur ces deux grands PAS dans notre Livre Blanc intitulé : « Les pas du Pdci-Rda vers la reconquête du pouvoir d’Etat en 2025 »

Excellence Monsieur le Président,

A l’instar du président Houphouët qui a su vous préparer à sa succession, les militants et sympathisants du Parti ont une totale confiance en la clarté de votre vision et attendent que vous leur montriez dès maintenant la lune avec votre doigt expert de plus de 60 ans de vie politique. Ils vous assurent qu’ils sauront ne pas s’attarder sur le doigt.

Convaincus que vous voudrez bien prêter une oreille attentive au fond de cette Lettre Ouverte et que vous en minimiserez la forme. Nous vous prions d’agréer, Excellence Monsieur le Président, l’expression de nos salutations respectueuses et profondément dévouées.

Jean-Yves Esso ESSIS

Inspecteur du PDCI-RDA

Membre du Bureau Politique du PDCI-RDA

Président des Cadres Dynamiques du PDCI-RDA