Origine de Paquinou : tout sur un phénomène social… bien baoulé
Dans cette interview, le sociologue ivoirien Yao Albert Kouakou nous dit tout sur l’origine de Paquinou. Un phénomène qu’on constate à la fête de Pâques chez le peuple baoulé en Côte d’Ivoire.
1 – Comment et quand est né le phénomène de Paquinou ?
Paquinou est un mot de l’ethnie Baoulé, peuple qui vit originellement dans le centre de la Côte d’Ivoire. Le mot paquinou signifie littéralement »pendant la fête de pâques » ou encore, »au cours de la fête de pâques’.’ Rappelons que la pâques est une fête chrétienne.
Le phénomène paquinou tire son origine d’un retour massif d’immigration du peuple Baoulé vers sa terre natale. En effet, après la grande sécheresse des années 1980 à 1983 qui a vu toutes les forêts et plantations de café, de cacao, de colatiers dévastées par de grands feux de brousse, la boucle du cacao venait ainsi de disparaître.
Le peuple Baoulé (pour la majorité chrétien d’obédience CMA (Christian Missionnary Alliance) et catholique, a donc migré vers le centre-ouest, Le sud-ouest et l’ouest à la recherche de nouvelles terres fertiles pour la culture du cacao et du café.
Partis donc sans grands moyens, les premiers migrants vont mettre du temps pour revenir sur leur terre d’origine. Il faut souligner aussi qu’après leur installation, les premiers migrants ont progressivement fait venir leur frères pour les aider dans les nouveaux champs et en créer de plus grands.
Le temps que les nouvelles plantations ne rentrent en production, beaucoup de choses se sont passées. Du côté des migrants, ils ont fondé des familles, fait des enfants qui ne connaissent pas les villages d’origine des parents ni les autres parents de la famille.
Après la destruction des plantations de l’ancienne boucle du cacao, toutes les localités sont restées en léthargie.
C’est donc dans un soucis de revenir présenter les enfants qu’ils ont faits, étant en immigration et aussi pour penser au développement de leurs villages respectifs, que les Baoulé ayant migré, décident de revenir à une période de l’année, chez eux, sur les terres natales. Ce retour se fait pendant la fête de pâques parce que pendant cette période, il n’y a pas grand-chose à faire dans les plantations de cacao et aussi, étant en majorité chrétiens, la pâques est le symbole du renouveau, de la renaissance.
En termes sociologique, cette migration est-elle bonne ou mauvaise ?
Cette migration appelée paquinou avait pour avantage de parler de développement (époque des projets FRAR). Chaque habitant étant présent, le coût des réalisations d’utilité commune (école, centre de santé, route, maisons, pompe à motricité humaine) était reparti. Cela a permis de faire plusieurs réalisations pour le développement des villages.
D’un autre côté, paquinou était l’occasion de sceller des mariages pour préserver la lignée.
Dans le même temps, cette migration a permis l’intégration des peuples par des mariages mixtes, des emprunts culturels et aussi la modification de certaines habitudes des peuples Baoulé. La migration à aussi permis de corriger les préjugés que le peuple baoulé avait sur certaines ethnies.
En retournant dans leurs villages d’origine, certaines personnes venaient se ressourcer, apportaient des innovations pour le développement. Sociologiquement parlant donc, c’est un facteur favorisant, donc cette migration est bonne.
Y a-t-il des implications économiques, politiques dans cette ruée vers Paquinou ?
Les implications économiques sont nombreuses. On peut citer les bonnes affaires réalisées pendant paquinou par les compagnies de transport, les achats effectués dans les commerces. Au delà, il faut voir toute la préparation qui précède paquinou car, de plus en plus, il y a des anticipations en termes de: je vais faire telle activité ou telle chose afin d’avoir de l’argent pour aller faire paquinou.
Une autre implication économique mais qui est négative est l’abandon des postes de travail pour aller tôt et aussi le phénomène des aides ménages qui abandonnent leur poste. Cela oblige parfois leurs employés à s’absenter de leur travail.
Au niveau politique, l’une des implications peut concerner les questions de positionnement en vue de… En parainant des événements de paquinou par exemple, des personnes ont réussies à se faire elir. Si nous voyons la politique dans son sens d’organisation et de gestion des peuples, pendant la fête de pâques ou paquinou, beaucoup de décisions se prennent pour la bonne marche de nos villages du centre.
Pensez-vous que ce phénomène va s’estomper avec le temps ou s’étendre ? Si cela va s’étendre, comment cela se ferait-il ?
Paquinou, loin de s’estomper est en train de prendre d’autres tournures aujourd’hui. Car en plus de parler toujours de développement, aujourd’hui, paquinou est l’occasion de la promotion des valeurs culturelles du peuple baoulé. On organise donc des festivals.
De plus, paquinou est aujourd’hui le creuset pour faire ressortir certaines valeurs culturelles du peuple baoulé qui tendent à se perdre (le foungban, Le jeux d’adresse ou atê ou bé) , l’observance et l’apprentissage des rythes du mariage etc.
Le phénomène aujourd’hui s’étend aux autres peuples qui s’ossocient au Baoulé pour fêter paquinou. Aussi, beaucoup comprennent que ce n’est pas pour la boisson, les femmes uniquement que le Baoulé retourne chez lui à pâques mais pour promouvoir sa culture et parler de développement. Cette promotion culturelle est visible dans presque tous les groupes ethniques en Côte d’Ivoire.
Source : IVOIR SOIR.NET