Musique/Charlotte Dipanda déclare aimer beaucoup……
Auteure et compositrice camerounaise, la chanteuse Charlotte Dipanda est de retour avec un nouvel opus. Elle livre un cinquième album solaire et autobiographique en français, douala et bakaka, traversé par l’amour et l’engagement.
Charlotte Dipanda (CD) ce sont vos initiales, pourquoi avoir choisi ce titre ?
C’est l’album dans lequel je me raconte le plus. De très loin, c’est le plus autobiographique. La pandémie a frappé le monde entier et je voulais aller le plus possible à la rencontre de mon public avec des chansons autobiographiques qui correspondent à des thèmes que nous connaissons tous.
Vous aviez dédié un album et une chanson, Mispa, à votre grand-mère. Sur CD il y a deux chansons familiales : Father et Mama. S’adressent-elles à vos parents ?
Certes Father veut dire papa en anglais mais il faut l’entendre au sens spirituel. Dieu est une figure parentale et une énergie très importante pour moi. Ces dernières années j’ai grandi spirituellement et je voulais l’aborder.
Comment cela s’est-il manifesté ?
J’ai été attaquée par des rumeurs médiatiques infondées qui ont été très nocives pour ma famille. On m’a beaucoup insultée. Dans ces moments difficiles, j’ai puisé dans la foi pour ne pas douter de moi. Quant à Mama, c’est une chanson sur l’amour maternel, ce don de Dieu offert à toutes les femmes. Elle parle de cet amour inconditionnel, plus fort que tout.
Je l’ai connu à travers ma grand-mère qui m’a élevée et toujours soutenue, même si elle ne comprenait pas tout, elle voulait qu’on me laisse chanter. Elle prenait toujours ma défense lorsqu’adolescente on m’accusait parce que je chantais dans les cabarets, la nuit. Cette chanson est donc aussi, complètement, un hommage à ma grand-mère.
Le confinement a-t-il eu un impact sur l’enregistrement ? Où a-t-il été réalisé ?
On l’a commencé au Cameroun, puis à Abidjan et enfin à Paris. L’album a pris un an de retard à cause de la pandémie. Mais j’en ai profité pour peaufiner les titres et offrir une nouvelle vie à nos cahiers de Singuila avec de nouveaux arrangements.
Elle était déjà sur Un jour dans ma vie (2018), pourquoi cette reprise ?
Je l’aime beaucoup, la première fois que Singuila me l’a fait écouter, on était dans un vol pour Johannesburg pour The Voice et je l’ai voulue tout de suite. Elle parle de l’adolescence de Singuila mais c’est une chanson touchante et universelle. On se reconnaît tous dans ces promesses faites au collège. Même si on évolue et que nos bandes d’amis d’adolescence se sont rétrécies ou ont disparues, ces promesses sont de beaux souvenirs et une nostalgie dans laquelle je me reconnais beaucoup.
Charlotte Dipanda (CD) ne serait-il pas le disque de la maturité ?
J’en ai l’impression, je crois qu’au bout de treize (13) ans de carrière, je peux assumer les choses, affronter les thèmes qui fâchent parfois frontalement, sans plus raser les murs.
C’est le cas dans L’Ombre d’une autre. Vous y abordez les humiliations conjugales et l’adultère en parlant d’une femme qui doit disparaître lorsqu’arrive la maîtresse de l’homme qu’elle aime…
C’est un sujet tabou en Afrique qui ne doit plus l’être. C’est récurrent et ça ne doit surtout pas être considéré comme la norme. Cela crée des dégâts psychologiques énormes car on interdit à la femme de se plaindre et de dire sa souffrance. Cela remet en question la place de la femme dans notre société. Je voulais aborder ce thème pour pousser à y réfléchir. Ce n’est pas une situation qui doit être subie et taboue.
Une autre chanson engagée s’intitule Madiba. On pense tout de suite à Nelson Mandela dont c’était le surnom mais madiba veut dire « eau » en douala. De quoi parle-t-elle ?
De l’eau. C’est une métaphore pour aborder la place de l’eau en Afrique. Dans cette chanson, je me situe en tant qu’Africaine et en tant que Camerounaise. Il y a encore en Afrique et aussi au Cameroun beaucoup de foyers qui n’ont pas accès à l’eau courante. Pourtant c’est un besoin primaire. Cette chanson est une manière interpeller nos dirigeants.
L’amour c’est aussi quand tu n’es pas là qui aborde un thème triste sur une ritournelle dansante…
Je voulais écrire sur le vide laissé par l’absence de l’être aimé avec une musique joyeuse. J’aime beaucoup les contrastes entre le propos des chansons et leurs arrangements. Je n’ai pas envie que les gens se suicident sur mes chansons (Rires). On peut tout à fait danser sur une chanson triste. Et puis, je n’ai jamais eu autant envie d’être heureuse que depuis la pandémie, c’est mon disque le plus solaire.
Quant à Cœur en cage c’est votre duo, très attendu, avec votre complice Singuila. Qu’est-ce-qui vous rassemble artistiquement ?
Singuila est centrafricain-congolais et a grandi en France mais nos démarches sont similaires. Il y a dans sa musique ce flow typiquement africain, qu’on retrouve partout chez lui dans des styles différents comme sur Rossignol qui s’inspire de la rumba africaine. Il fait la même chose que moi avec le makossa, par exemple, Singui s’inspire de la musique afro du passé en y apportant un regard actuel très personnel. Cela faisait longtemps que j’avais envie de faire une chanson avec lui et je voulais l’éloigner de son image de « mauvais garçon ». Sur cette chanson, on chante que l’amour peut rendre heureux et donner l’envie d’être en cage.
Vous chantez en douala, en français, en bakaka. Demain en anglais ? Et avec quels artistes aimeriez-vous collaborer ?
Je ne parle pas encore assez couramment pour écrire en anglais mais j’aimerais bien, oui. J’aimerais bien travailler avec Stevie Wonder, Tiwa Savage, Fally Ipupa. Amel Bent ou Vitaa me touchent beaucoup par la sensibilité de leurs voix. Ou Yseult aussi dont j’aime la démarche et la sensibilité.
Comment imaginez-vous l’évolution de votre carrière ? Aimeriez-vous faire du cinéma ou partir à la conquête du public américain ?
Je m’imagine dans dix ans, ça me laisse le temps pour me déployer (Rires). Effectivement j’aimerais bien jouer au cinéma ! Ce qui me touche beaucoup chez les acteurs, c’est qu’ils peuvent changer de personnages, jouer des rôles très loin d’eux et aussi, grâce à cela, découvrir des choses sur eux. J’aime aussi les mots, j’aimerais avoir mon émission où je pourrais permettre aux autres de se raconter.
Quant aux États-Unis, pourquoi pas, mais surtout pour essayer d’éveiller la curiosité américaine pour la musique camerounaise. Il y a beaucoup de courants et genres musicaux au Cameroun. J’aimerais faire découvrir cette diversité.
Source : rfi.fr avec afriquematin.net