Gilets jaunes : l’île de La Réunion sombre dans le chaos
Depuis la Belgique, Emmanuel Macron a appelé au dialogue pour sortir du mouvement de contestation. Mais dans certaines régions, c’est la violence qui règne.
Emmanuel Macron s’exprimait enfin mardi sur le mouvement des Gilets jaunes, mais ailleurs en France la contestation faisait rage et pour certains la situation devenait intenable. Depuis la Belgique, le président français a estimé, mardi 20 novembre, que « c’est par le dialogue » et « l’explication » qu’il sera possible de mettre fin à la contestation. « Le gouvernement est actuellement confronté à des protestations. C’est dans le dialogue que l’on peut en sortir, dans l’explication, dans la capacité à trouver à la fois le bon rythme et les solutions de terrain », a déclaré le locataire de l’Élysée lors d’un débat en compagnie du Premier ministre belge Charles Michel avec quelque 800 étudiants à l’université de Louvain-la-Neuve.
Sans citer nommément les Gilets jaunes, qui mènent des opérations de blocage depuis samedi 17 novembre, le chef de l’État a jugé « normal » qu’il y ait des protestations, car « les choses ne se font pas spontanément ». La transition écologique « suppose de changer les habitudes, ce n’est jamais aisé », a-t-il ajouté et souhaitant que, « collectivement, il faut qu’on ait un esprit de responsabilité ». Il a réexpliqué que la stratégie du gouvernement était « d’une part, de taxer davantage les énergies fossiles et, d’autre part, d’avoir un accompagnement des plus modestes ». Il a cité l’« aide à la conversion […] pour acheter des véhicules beaucoup moins polluants », l’indemnisation des « gens qui ont besoin de beaucoup se déplacer » et le soutien à ceux « qui se chauffent au fioul ».
La Réunion aux mains du chaos
Mais en parallèle, sur l’île de la Réunion, la paralysie engendrée par le mouvement des Gilets jaunes depuis quatre jours continue de tourner au cauchemar. L’île française est confrontée à une flambée de violences comme elle n’en avait plus connu depuis près de trente ans et qui a largement débordé la question du pouvoir d’achat. « L’évolution du mouvement est intolérable : les blocages routiers durant la journée se transforment en violences urbaines la nuit », a dénoncé mardi soir la ministre des Outre-mer Annick Girardin, en évoquant des violences commises par « des jeunes gens qui n’ont rien à voir avec les Gilets jaunes ».
En dépit d’un couvre-feu décrété par la préfecture, de nouveaux incidents ont éclaté mardi soir, notamment au Chaudron, un quartier populaire de Saint-Denis-de-La-Réunion. Une grande surface a été pillée et des voitures incendiées. Voitures brûlées, commerces incendiés, automobilistes rackettés et caillassés : les incidents de la nuit de lundi à mardi avaient déjà conduit le préfet Amaury de Saint-Quentin à instaurer mardi un couvre-feu partiel sur la moitié des communes de l’île.
Jusqu’à vendredi au moins, il sera interdit d’y circuler entre 21 heures et 6 heures, « une mesure forte, inédite » et « adaptée à cette menace », selon le préfet. En attendant, tous les établissements scolaires, des crèches à l’université, ainsi que les administrations étaient fermés mardi. La quasi-totalité des événements culturels et sportifs a été annulée. L’aéroport international Roland-Garros a fermé à 18 heures locales (15 heures à Paris) jusqu’à mercredi matin, obligeant les compagnies aériennes à revoir leurs horaires ou à annuler des vols.
« Nous gagnerons collectivement par la cohérence »
En métropole, Édouard Philippe de son côté s’est affairé à galvaniser les députés de la majorité. « Nous gagnerons collectivement par la cohérence, la constance et la détermination », a affirmé, mardi, le Premier ministre aux élus, selon des participants. « On vit un moment d’inquiétude parce qu’on se fait engueuler, parce que la situation est tendue. C’est difficile » du fait de « la transformation qu’on a engagée », mais « je pense que nous gagnerons collectivement par la cohérence, la constance et la détermination », a lancé le chef du gouvernement.
« J’ai noté au long de la journée de samedi une forme de crispation, avec des éléments de plus en plus virulents. […] On a un sujet d’ordre public, ce qui explique l’intervention du ministre de l’Intérieur », a poursuivi le Premier ministre. « Il y a la question de la sortie politique » et « pour répondre aux Gilets jaunes, la réponse n’est pas “on va organiser une grande conférence sociale” », a-t-il de nouveau écarté. Édouard Philippe a évoqué une « discussion territorialisée », sans plus de précision. « J’y suis prêt », a-t-il affirmé. Interrogé par l’Agence France-Presse (AFP) sur la traduction possible de cette « discussion », Matignon a répondu : « On y travaille. »
« Ne pas shunter les corps intermédiaires »
Si le Premier ministre n’envisage donc pas une réunion type Grenelle social, il échange par téléphone ces derniers jours avec des maires de villes de toutes tailles et des leaders syndicaux sur le mouvement des Gilets jaunes, selon son entourage. Un échange avec Laurent Berger (CFDT) est prévu. « On n’a pas envie de “shunter” les corps intermédiaires. Les grandes réformes ont été menées avec les organisations syndicales », a-t-il encore souligné devant les parlementaires LREM, à huis clos.
Le climat de cette réunion était à « l’inquiétude », selon un participant. « Arrêtons de dire qu’il faut faire de la pédagogie ou expliquer mieux, les Français comprennent très bien ce que l’on fait. […] Depuis six mois, on est en riposte ; il faut arrêter de subir et valoriser ce qui est fait », a notamment déclaré la porte-parole de LREM Aurore Bergé, selon des propos rapportés.
SOURCE:https://www.lepoint.fr/societe/gilets-jaunes-macron-prone-le-dialogue-pour-sortir-du-mouvement-20-11-2018-2272895_23.php