Gabon/Le Premier ministre donne des orientations politiques à la France
Le Premier ministre gabonais Alain-Claude Bilie-By-Nze -évoque – avec un petit regard autocritique – la précédente élection présidentielle. Et il promet la transparence pour les prochaines joutes à venir, cette année. Il explique également la position de son pays sur le conflit russo-ukrainien, après le récent vote à l’Onu sur la condamnation de l’invasion russe.
Le 9 mars dernier, un ferry « l’Esther Miracle » reliant Libreville à Port-Gentil, a fait naufrage, avec comme bilan, plus d’une vingtaine de morts. Vous avez dénoncé la négligence, les petits arrangements » et promis des « décisions dures ». Votre ministre des Transports Brice Paillat a remis sa démission, mais beaucoup de vos compatriotes estiment qu’il faut sanctionner d’autres membres de votre gouvernement, quels commentaires faites-vous sur cet incident ?
Monsieur Brice Paillat a remis sa démission par responsabilité politique. Ce naufrage, que nous regrettons, avec des disparitions importantes, c’est un des plus importants que notre pays a connu, a choqué le Gabon. Le ministre des Transports n’est pas coupable, mais responsabilité politique oblige, il a rendu sa démission.
En ce qui concerne les demandes sur les autres membres du gouvernement, c’est un peu excessif. Nous verrons ce que la suite des enquêtes en cours vont démontrer-. On verra bien. Manifestement, dans la gestion de la question de la marine marchande au Gabon, se posent énormément de problèmes, de négligences et quelques problèmes de manque de suivi, de rigueur dans la délivrance de certains documents. Et ce sont les premiers éléments de l’enquête administrative, nous verrons ce qu’il en sera quand cette enquête sera bouclée.
Le président Ali Bongo n’a pas caché ses ambitions pour la prochaine présidentielle qui est prévue normalement au mois d’août. Vous allez sans doute jouer un rôle central dans cette campagne. En 2016, tout le monde est d’accord, l’élection s’est mal passée : il y a eu une grave controverse, – Et pour cette élection de 2023, vous refusez que l’Union européenne envoie des observateurs. Évidemment, Cela ne peut-il pas entacher ce scrutin ? Voire des soupçons de manque de transparence !
D’abord, le chiffre de dizaines de morts, je ne le confirme pas. Il y a un chiffre officiel au Gabon.
C’est ce que disent plusieurs organisations…
Oui, mais elles n’ont pas apporté la preuve. On ne va pas reprendre ce que disent les organisations. L’Union européenne… nous avons discuté dans le cadre du dialogue politique intensifié et nous sommes tombés d’accord. Nous avons fait le constat que les observateurs de l’Union européenne ont contribué à aggraver la situation au Gabon par des déclarations intempestives, peu mesurées, et qui ne tenaient pas compte des réalités. Nous sommes tombés d’accord pour que cette année, il n’y ait pas d’observations de l’Union européenne. Et cela n’aggravera rien du tout, parce que nous allons organiser une élection transparente. Le vainqueur sera connu. Nous espérons que le vaincu acceptera et félicitera le vainqueur.
L’élection présidentielle sera à nouveau à un seul tour, à la différence de celle de 2016, où toute l’opposition était derrière Jean Ping, pour ce scrutin à venir, l’opposition risque de partir en ordre dispersé. On se souvient qu’en 2016, l’équipe du candidat-président Ali Bongo avait pêché par excès de confiance, pensez-vous que la victoire est-elle assurée, parce que ces adversaires comme Jean Ping, Paulette Missambo et Alexandre Barro Chambrier n’auraient aucune chance ?
D’abord, il ne me revient pas de me prononcer à la place de l’opposition. Ensuite, je crois que chacun a tiré les leçons de 2016, aussi bien dans la manière de mener la campagne, dans la manière de s’organiser, mais surtout de gérer le pays…
Excès de confiance en 2016 ?
Je pense qu’en 2016, effectivement, certains ont pêché par excès de confiance. Beaucoup ont pensé que c’était plié d’avance, et ce qui a rendu peut-être plus difficile la question de l’élection. Mais cette élection a eu lieu. On en a tiré toutes les leçons. On va aller à cette campagne lorsqu’elle aura lieu de manière à peser, en proposant un projet crédible que nous mettrons en œuvre si le président est élu.
Se pose naturellement la question de certaines personnalités politiques et syndicales qui sont derrière les barreaux en ce moment, notamment le Franco-Gabonais Brice Laccruche Alihanga, qui était directeur de cabinet du président Bongo, il serait très malade. Il y a aussi le leader syndical Jean-Rémi Yama. Un geste de clémence envers eux, – ne serait-il pas une bonne chose- pour apaiser le climat avant les élections ?
D’abord, c’est le domaine de la justice, et vous le savez bien, personne n’a idée en France de demander au président français ce qu’il pense de la situation de tel ou tel autre prisonnier. Brice Laccruche Alihanga, à ma connaissance, n’est pas un prisonnier d’opinion. S’il l’était, on saurait quelle est son opinion. Il me semble qu’il ne faut pas oublier les choses qui lui sont reprochées. Mais ce n’est pas de mon domaine de commenter ce qui relève de la justice. Quant au syndicaliste Jean-Rémi Yama, vous savez très bien qu’il y a des plaintes qui ont été déposées contre lui au pénal par des citoyens gabonais qui se sont plaints d’avoir été spoliés, escroqués. Donc, ce sont des domaines, des éléments qui relèvent de la justice.
Un geste humanitaire ?
Dans ces conditions, c’est une démarche des avocats vis-à-vis de la justice gabonaise et la justice se prononcera.
Au mois de février 2023, lors du dernier vote aux Nations unies sur la guerre en Ukraine, le Gabon s’est abstenu de condamner l’agression de ce pays par la Russie. Est-à-dire qu’à vos yeux, la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine compte moins que votre partenariat stratégique avec la Russie ?
D’abord, il est juste de rappeler que le Gabon a clairement condamné la violation du droit international et que, par la suite, notre pays a estimé qu’il a aux Nations unies un rôle à jouer. Il a aussi des intérêts stratégiques à préserver. On ne va pas commencer à demander à chaque État de justifier son vote aux Nations unies. Personne ne le fait pour les pays occidentaux. Donc, permettez que les Africains fassent des choix en fonction de leurs propres ambitions.
Source : rfi.fr et france24.fr