Entretien avec Moussa Diomandé, président de l’Association Ivoirienne des Entreprises Privées (AIEP): « Les candidats à la présidentielle doivent faire du développement des PME-PMI leur priorité »

Par Hervé Gobou- Afrique Matin.Net

Nous sommes en pleine pré-campagne électorale, en tant que responsable d’entreprise, pouvez-vous nous dire quelles sont les attentes  des PME-PMI et en général du secteur privé vis-à-vis des candidats et du futur président ?

Nous pensons que les candidats doivent mettre l’emploi des jeunes, entrepreneuriat national au centre de leurs préoccupations…Il faut un vrai programme pour aider les entrepreneurs ivoiriens à gagner des parts de marché, permettre aux entreprises de se renouveler et de contribuer à l’essor de la Côte d’Ivoire. Parce que entrepreneuriat est un levier important qui peut permettre de réduire la pauvreté, permettre aux gens de se prendre en charge. Dans le contexte actuel, ce que nous attendons  des candidats, c’est qu’ils nous proposent un vrai programme sur l’entreprenariat, sur la lutte contre la pauvreté, la qualité de la vie des ivoiriens.

Que pensez-vous de la crise grecque et des difficultés de négociations qu’il y a eues avec les autres pays de l’Union Européenne, notamment le couple franco-allemand ?

Nous avons remarqué que la Grèce a eu des discussions difficiles avec l’Union Européenne. Cela se comprend aisément. J’estime que c’est un malentendu interculturel entre la Grèce et les pays comme la France et l’Allemagne. Cela est dû au fait que la Grèce baigne dans une culture propre à elle et les Allemands, les Anglais baignent dans une autre. Vous avez d’un côté les Allemands qui pensent que tout doit être carré, et les français qui accordent une grande distance entre le président de la République et les citoyens. De l’autre côté, vous avez la Grèce qui est la Méditerranée, c’est la famille, c’est le contact, c’est beaucoup de communication non verbale. Ce qui fait que quand la Grèce ne réagit pas par rapport aux propositions de l’Union Européenne,           c’est considéré comme de ‘’l’impolitesse’’, des gens qui veulent tricher, qui ne veulent pas travailler. Donc la Grèce a eu des difficultés pour aboutir à des négociations en raison d’un malentendu interculturel ; d’où l’importance du management interculturel dans les négociations… Il faut tenir compte des autres, de leurs  cultures dans la négociation…Donc le gros problème de la Grèce, c’est cela, c’est un problème de culture. Les gens pensaient que ça devait aller facilement or le peuple n’était pas d’accord, c’est un problème de culture. La distance entre le leader et son peuple, dans certains pays comme la France, c’est une distance qui est très élevée. Le président de la République n’est pas très proche de son peuple, au contraire, il y a une élite qui est concernée, contrairement aux pays de la Méditerranée ne fonctionnent pas de cette façon.  C’est par conséquent un vrai problème interculturel, ce qui fait que la Grèce n’a pas pu à un moment donné, supporter ces négociations qui ont été très difficiles. Donc la leçon qu’on peut tirer de ces négociations, c’est qu’en face, il faut tenir compte de la culture des uns et des autres avant d’administrer  un programme structurel, de refinancement. Il faut savoir si le peuple accepte ou  comment le peuple perçoit cela, en fait les Grecs ont pensé que c’est l’humiliation, donc tout tourne autour du choc et du malentendu interculturel.

La COP 21 sur le climat se tient à Paris en décembre prochain. Vous, en tant que chef d’entreprise, quelle est votre opinion sur la question ?

Cet événement va aborder une problématique très importante. La problématique du développement durable est une problématique fondamentale, dans la mesure où l’homme, par ses actions, rend la terre malade. A partir de ce moment-là, on se retrouve dans des situations où les habitants sur cette terre souffrent de maladies, on a le réchauffement climatique, la disparition de certaines espèces. C’est un enjeu capital pour notre planète,  et tout le monde s’accorde sur ce fait. En ce qui concerne les entreprises, cette question les interpelle au premier chef. Il faut qu’elles revoient leurs systèmes de production, en polluant moins…La nouvelle entreprise doit être une entreprise qui est propre. Il faut penser à un nouveau type d’entreprise, qui va travailler d’une autre façon. L’utilisation du pétrole, des pesticides et tous ces éléments doit interpeller les entreprises et les PME   ivoiriennes, afin que dans la conception, dans leur démarche,      ils intègrent, dans leur innovation,  les problématiques du développement durable, c’est-à-dire moins d’engrais, de pesticides, de produits nuisibles à la population. Ce sont les entreprises qui sont à la base de cela,  elles ont une responsabilité vis-à-vis de la planète, donc elles doivent revoir leur rapport à l’utilisation de cette planète-là, en revoyant les process de fabrication, les façons de travailler…et à partir de ce moment, on pourra avoir des produits nouveaux, donc des produits intelligents qui pourront aider à vivre sainement et dans des conditions meilleures…

L’actualité internationale est aussi dominée par la crise de l’immigration, quel regard jetez-vous sur cette question en tant qu’Africain ?

On est tous peinés de voir des gens mourir dans des conditions atroces. Il faut d’abord analyser les causes de l’immigration. Il y en a plusieurs. Il y a l’immigration parce que les gens souffrent de la guerre dans leurs pays, d’autres n’ont pas d’emplois ni de possibilités socio-économiques et se sentent obligés de partir. Cela nous interpelle tous, surtout les décideurs, ceux qui ont une parcelle de pouvoir, pour comprendre que nous avons une responsabilité dans la réduction des inégalités. C’est parce qu’il y a des inégalités, c’est parce que les revenus ne sont pas bien distribués que nous connaissons ce désastre.  Si les gens avaient du travail chez eux, s’ils mangeaient à leur faim, il n’y aurait pas d’immigration économique. Même l’immigration politique tire sa source dans l’absence de démocratie, l’absence de partage du pouvoir. Certains Etats imposent une certaine dictature, ce qui fait qu’on se retrouve dans des situations pareilles. Donc, nous devons faire attention et trouver des solutions aux problèmes existentiels des citoyens, afin de ne pas permettre, pour les pays africains, de laisser notre jeunesse partir de cette façon cavalière et désespérée, il faut lui proposer d’autres alternatives viables. Si nous ne le faisons pas, l’Afrique, à un moment donné, risque de connaitre d’autres catastrophes. Donc les dirigeants, les chefs d’entreprises, les entrepreneurs, nous devons favoriser la mise en place de structures pour inciter les jeunes à rester sur place. Car notre responsabilité tourne autour des inégalités, l’absence de démocratie, la paix sociale. Si nous faisons ces efforts, nous pourrons réduire le phénomène de l’immigration.