Côte d’Ivoire : Les grandes manœuvres de Bedié qui ont « noyé » Ouattara.
Par Serikpa Djeckou De Sylva-Afriquematin.net
C’est le 16 juillet 2018 qu’Alassane Ouattara a prononcé un des discours les plus inattendus. C’était à l’occasion de l’assemblée générale constitutive du Rhdp, coalition de partis politiques de la mouvance présidentielle. Mais quelques jours avant, son allié Henri Konan Bédié refusait de cautionner le Rhdp, déclarant le faire après 2020.
« Bédié ne peut pas et ne va pas renier sa signature. Adopter les textes du parti unifié après le scrutin de 2020 n’est pas acceptable. Dans ce mariage, pas de divorce. Nous devons rester ensemble», déclarait Alassane Ouattara à la tribune. Et poursuivant il dit : « Nous devons travailler main dans la main, le président Bédié et moi, pour transférer le pouvoir à une nouvelle génération en 2020». Avait-t-il insisté. Avec la création le mardi 3 juillet 2018, d’un courant de pensée baptisé « Sur les traces d’Houphouët-Boigny », par Kobenan Kouassi Adjoumani, membre du Secrétariat du Pdci, Bédié devient très futé. Lui, dont les décisions de réunion de bureau politique avaient été annulées par la justice, sentait déjà la dissolution du Pdci-Rda par la justice. Il fallait donc engager et contre attaquer pour noyer son allié d’hier, le président Ouattara. Et la machine fut actionnée.
Dans le Nouveau Réveil du mercredi 4 juillet 2018, au lendemain de la présentation du courant, le Sphinx de Daoukro riposte : « Le Pdci-Rda ne reconnaît, ni les courants ni les mouvements en son sein, depuis sa création. Le projet d’Adjoumani est un non évènement », avait-t-il protesté. Il multiplie à Daoukro, les réunions du bureau politique pour donner des directives claires et nettes à ceux qui à ses yeux, sont encore lucides pour faire grandir le Pdci Rda. Dans la foulée, il convoque nuitamment 500 chefs akan à qui il présente la situation comme il la ressent : «Nous avons attaché notre fétiche et pris l’engagement de voter pour Alassane Ouattara pour qu’il travaille pour la Côte d’Ivoire. Quand je vous ai parlé, vous m’avez compris et vous m’avez respecté…Les élections arrivées, nous avons voté pour lui. Élu président, je lui ai conseillé des cadres du Pdci pour qu’il travaille avec eux. Cinq ans après, nous avons été appelés à lui renouveler le soutien du Pdci-Rda. C’est ainsi que nous l’avons soutenu encore pour un deuxième mandat. Celui que nous avons mis à la tête de notre pays, a demandé qu’on lui remette le Pdci pour qu’il en fasse un autre parti politique, avec une autre dénomination », avait affirmé Bédié à ses hôtes. Bédié s’est senti trahi par son allié qui veut gagner du terrain. Malgré les menaces voilées du pouvoir, Bédié s’est dit prêt à aller jusqu’au bout.
En remportant les élections municipales couplées à Cocody et au Plateau, Bédié vient de prouver qu’il a encore du jus. Du coup, la machine d’Alassane Ouattara est grippée. Le remaniement ministériel annoncé pour le 13 octobre 2018, est rangé dans les tiroirs. Kobenan Adjoumani qui affirmait faire un congrès du Pdci-Rda a pris du recule. Pendant ce temps, les traces d’Houphouët s’effacent sous la pression de Bédié : « Un mouvement mort né », dirait-on. Quant à la justice, elle tarde à vider tous les contentieux électoraux et les maires « élus- contestés » rusent avec les populations. Comment on le voit, Daniel Kablan Duncan, Kouassi Adjoumani, Abinan Kouakou Pascal, Raymonde Goudou Coffie, Aka Aoulé et autres, n’ont pas apporté à Alassane Ouattara, l’arme fatale pour contraindre Bédié à adhérer au Rhdp. Depuis le « palais de Daoukro », il manœuvre, écoute, conseille pour les futures batailles politiques. Pendant ce temps, Alassane et son équipe se « noient » dans la lagune Ebrié. Vont-ils contre attaquer dans les jours à venir ? Pas si sûr. La grève des agents de la santé prend de plus en plus une proportion inquiétante. Le dossier de « Soro Guillaume », un autre os dans la gorge d’Alassane est encore intact. Toutefois attendons de voire.
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